90% des bateaux de pêche au Ghana sont … chinois

Comme plusieurs pays du Golfe de Guinée, le Ghana subit la sur-pêche des chalutiers qui détruisent l’écosystème marin. Peu de mesures sont prises et l’effet se fait directement ressentir chez les pêcheurs artisanaux.

EJF ghana saiko
Credits Environmental Justice Foundation EJF

Une pêche « normalement » réglementée

Au Ghana, la pêche industrielle au chalut est réglementée. Tout d’abord, la prise de participation étrangère dans les bateaux de pêche est interdite au Ghana, afin de favoriser les revenus pour les pêcheurs locaux. Ensuite, la pêche industrielle au chalut est autorisée en haute mer et non près des côtes où les pêcheurs artisanaux opèrent. Enfin, les chalutiers industriels sont autorisés à pêcher uniquement certaines espèces qu’ils peuvent ensuite exporter en Europe ou en Asie. Ceci pour éviter de réduire les prises des pêcheurs artisanaux et locaux, qui constituent une base importante du commerce et de la consommation locale.

Malheureusement, aucune de ces barrières réglementaires n’est respectée. 90% des chalutiers industriels opérant dans les eaux ghanéennes appartiennent à des sociétés chinoises masquées derrière des sociétés-écrans locales. A partir de là, ces navires, plus intéressés par le profit que par l’environnement, ne respectent rien : pêche de nuit au plus proche des côtes, destruction des filets des pêcheurs locaux et enfin la fameuse technique du Saiko. Cette dernière consiste à capturer les poissons chers aux petits pêcheurs ghanéens et à leur revendre sous forme de bloc surgelés. Ces blocs sont alors transbordés sur des petites embarcations appelées « Saiko », d’où le  nom de cette technique.

Saïko au Ghana
Credits Environmental Justice Foundation EJF

Une large corruption

Bien que ces pratiques soient bien connues des autorités, plusieurs tentatives de surveillance de ces pratiques ont échoué. En effet, politique et garde-côtes sont vite corrompus par ces chalutiers qui n’hésitent pas à verser d’importants pots-de-vin à qui pourrait leur chercher des noises (selon les sources de l’EJF (Environmental Justice Foundation)). Et lorsque la corruption n’est pas possible, l’équipage des chalutiers va plus loin. C’est ainsi qu’en juillet 2019, Emmanuel Essein – alors observateur de pêche – a « disparu en mer ». Les capitaines chinois du bord affirment qu’il serait tombé par-dessus bord. Mais encore aujourd’hui, son corps n’a toujours pas été retrouvé et l’enquête n’a pas abouti.

De leur côté, les pêcheurs, qui subissent directement cette surpêche, se tournent également vers de mauvaises pratiques. En effet, sans possibilité de pêcher comme ils le feraient normalement, certains adoptent des méthodes illégales, telles que l’utilisation de carbure ou de dynamite. Et d’autres se font finalement enrôler sur les mêmes chalutiers qui détruisent leurs propres territoires de pêche…

Un écosystème en danger

Le « Saiko » représente une réelle menace pour l’écosystème marin ghanéen. Selon des études de l’EJF, 100.000 tonnes de poissons ont été pêchées via cette méthode en 2017. Comparant ce chiffre à celui des pêches industrielles légales [67.000t ndr.], on conclut que la pêche industrielle déclarée constitue seulement 40% des prélèvements de poissons dans cette zone géographique. Et la conclusion est sans appel : la population de poissons ne se reproduit pas assez vite par rapport à cette pêche intensive. (Sur des conséquences similaires, voir notre article Pêche : Fin de la piraterie moderne ?)

De plus, selon ce même rapport, plus de 60% des prises étudiées seraient juvéniles. Cette pêche pourrait accentuer d’autant plus les répercussions sur la capacité de reconstitution du stock halieutique ghanéen. Et dans un second temps, les ressources alimentaires du peuple ghanéen, dont une grande partie dépend de la pêche.

Afin de préserver son stock halieutique, ainsi que ces ressources alimentaires, il est nécessaire que le gouvernement du Ghana prenne de réelles mesures pour contrôler ces pêches illégales. Dans le cas contraire, le pays pourrait se retrouver dans une importante crise sociale et migratoire.

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