233, est un nombre remarquable pas seulement parce que c’est un nombre premier, mais plutôt parce que c’est celui qui signe l’exploit de Kirsten Neuschäfer. Elle a en effet remporté le 27 avril 2023 la Golden Globe Race.
Cette course en solitaire reprend le parcours du Vendée Globe (tour du monde avec départ et arrivée au Sable d’Olonne) dont elle est une jumelle vintage. En effet elle rend hommage à Sir Robin qui a réalisé en 1968 le premier tour du monde en solitaire et sans escale, celle là même qui a forgée la légende de Bernard Moitessier. Ce tour du monde ne se court donc que sur des bateaux conçus avant 1988 et n’admet pas les technologies postérieures à cette époque, telles que les communications satellites.
Il aura donc fallu pour tous les concurrents remettre en état puis entretenir des bateaux qui ont déjà bien vécu, naviguer sans routage météo moderne, sans pilotes automatiques, ni dessalinisateur. Kristen Neuschafër indiquait à son arrivée que le plus difficile avait été de rester dans un mental de compétition tout au long de la course, alors qu’elle n’avait pas la moindre idée de son classement ni de la position des ses concurrents.
Pour ajouter, s’il en fallait, du panache à son exploit, il faut préciser qu’elle a franchi la ligne d’arrivée en seconde position, mais qu’elle a bénéficié de 35h de compensation, car elle a tout bonnement sauvé l’un de ses concurrents sur la route.
Si cela rappelle l’histoire de Yannick Bestaven, le gagnant du dernier Vendée Globe, la comparaison s’arrête là, car la Golden Globe Race vise à aller dans le sens inverse des projets de course au large actuels.
Elle se veut accessible à de tous petits budgets, elle limite drastiquement son empreinte carbone en utilisant des bateaux existants, et replace les performances humaines, sans soutien électronique, au centre de l’aventure, devant la performance.
Alors, lorsque l’on voit la joie de Kristen Neuschafer tout au long de cette course dans ses vidéos on a presque envie de se dire que la course au large c’était tout de même mieux avant. Puis, on se rappelle qu’à l’époque de Sir Robin à la fin des années 60, les femmes découvraient tout juste en France la liberté de pouvoir travailler et ouvrir un compte en banque sans l’autorisation de leur mari.
Alors on remercie Kristen Neuschafer, et toutes celles avant elle, qui sont parties affronter sur l’eau toutes les péripéties que peuvent connaître les marins, après avoir triomphé de la misogynie qui voulait les laisser à quai, pour finalement transcender l’histoire.