Il y a quelques jours, le 5 octobre 2021, trois hommes ont été récompensés par le prestigieux Prix Nobel de Physique. Un prix pour leurs travaux portant sur les systèmes complexes, et notamment sur la modélisation du changement climatique. Il s’agit de l’américano-japonais Syukuro Manabe, l’allemand Klauss Hasselmann et l’italien Giorgio Parisi. Les deux premiers ont d’ailleurs été récompensés “pour la modélisation physique du climat de la Terre, pour en avoir quantifié la variabilité et prédit de façon fiable le changement climatique”.
Et si on jouait sur les mots…
Ce qui est intéressant dans cet acte, c’est que nous ne parlons plus de “spéculations”, de “prévisions”, ou encore de simples “prédictions” de ces gens qui passent limite pour des cartomanciens. Tout ce vocabulaire péjoratif dont les climato-sceptiques se gargarisent dans leurs diatribes. C’est ici un acte de reconnaissance par la communauté scientifique de cette discipline qu’est la climatologie. Un espoir qu’enfin la question du changement climatique soit prise au sérieux, sans concession, sans contrepied économique, sans condescendance.
Le Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC) a d’ailleurs salué cette récompense qu’il a qualifiée “d’encourageant” pour le climat. Le terme est faible… mais en même temps, il reflète bien la prudence et la lucidité des acteurs du secteur qui œuvrent chaque jour pour une prise de conscience collective. Ils savent pertinemment que, pour convaincre les dirigeants du monde, il faudra plus qu’un prix, une cérémonie ou un énième rapport du GIEC.
Un message au monde ?
Enfin, Thors Hans Hansson, un des membres du comité Nobel, a d’ailleurs déploré que beaucoup de ces dirigeants “n’ont toujours pas compris le message”, tout en rappelant que le but ici est d’affirmer haut et fort que “la modélisation du climat est solidement basée en physique”. Ainsi, quel est donc ce “message” si important qui a du mal à passer, telle une mauvaise pilule ? Que la planète est en danger ? Que l’homme est responsable de la dégradation du climat ? Qu’il faut agir et vite ? Pas du tout. Ce message-là, tout le monde l’a très bien entendu et très bien compris.
Le message qui a du mal à passer c’est qu’il va falloir changer radicalement de mode de vie. Qu’il faut prendre des décisions fortes et contraignantes, qui plus est à l’échelle planétaire ! Cela veut dire concrètement : repenser l’intégralité des modèles économiques sur la planète et faire table rase de ce que l’on a construit pendant près de deux siècles… Or on a bien vu que personne n’est prêt à faire le deuil du “monde d’avant”. Quand l’épée de Damoclès flotte au-dessus de nos têtes, personne n’a envie qu’elle tombe mais on ne peut pas s’empêcher de penser qu’elle pourrait bien tenir encore un peu…
Les océans, parents pauvres des réflexions sur le climat ?
Dans toutes les interventions que nous avons entendues dans le cadre de cette cérémonie des Nobel, il n’a pas été vraiment question de l’impact de ces recherches sur les océans. Les milieux marins n’étant pas un habitat favorable à l’homme, on peut comprendre que le sujet ait moins d’impact sur les esprits. Mais en réalité, et les chercheurs l’ont bien compris, la réflexion sur le climat est à mener dans son ensemble, sur terre, dans les airs et dans les mers et océans du globe.
On pourrait imaginer qu’un “Groupe d’Experts International” se penche chaque année sur la question et délivre des recommandations concrètes visant à orienter les politiques gouvernementales (voir notre article). Imaginer que les Etats du globe suivent ces recommandations et en fassent le point d’orgue de leur politique. Et enfin qu’il y ait une prise de conscience collective et massive de l’importance de la préservation des océans et du rôle que ces derniers jouent pour le reste de la planète…
Mais si ce monde-là n’existe pas encore tout à fait, gageons qu’on en prend le chemin. Espérons que la prochaine COP26 mettra un coup d’accélérateur aux initiatives visant à préserver les océans et le reste de la planète. Ou alors il ne nous reste plus qu’à choisir de croire que la climatologie n’est finalement pas un fait scientifique…