Dans les années 70, le succès du film « Les dents de la mer » a incité nombre de studios à produire des films sur la thématique de la dangerosité des animaux marins et de leurs comportements agressifs envers les navigateurs et les nageurs. Parmi ces films souvent assez médiocres, il y en a un qui a su trouver son public : Orca… Ces dernières semaines, la réalité a dépassé la fiction au large de l’Espagne…
Orca, c’est l’histoire d’une belle et jolie biologiste en mission à Terre-Neuve en 1977, qui va être sauvée d’une attaque de requin par un jeune et non moins sexy pêcheur. Enfin, le pêcheur ne va pas vraiment sauver sa princesse, mais plutôt un orque qui va s’attaquer au requin et ainsi sauver la belle en détresse. Devant l’intelligence de ce magnifique animal, le finalement pas si gentil pêcheur va essayer de capturer la famille orque pour la vendre à un zoo marin… Mais l’orque se défend et… sa femelle et son bébé sont tués pendant l’attaque. Le sujet du film est la vengeance de l’orque.
Au-delà du bon moment passé à regarder le film, on retiendra que l’orque est un animal hypersensible, très intelligent, et avec un instinct proche du nôtre. La preuve, il veut se venger !
2020, au large de l’Espagne, les garde-côtes ont passé l’été à recevoir des Mayday curieux suite à des attaques d’orques sur des voiliers de croisière.
Ces attaques ont été reportées par The Gardian*. L’attaque la plus significative a eu lieu le 29 juillet 2020. Neuf orques s’en sont pris à un voilier de 46 pieds (14m). A bord, Victoria Morris a tout d’abord été ravie de voir les épaulards s’approcher de leur bateau. Il faut dire que Victoria est diplômée en biologie et qu’elle a appris à naviguer en Nouvelle-Zélande où les rencontres avec les orques – toujours pacifiques – sont monnaie courante. Seulement en ce jour chaud et ensoleillé de la fin juillet, l’atmosphère va vite changer lorsque les orques vont commencer à sonder le bateau en s’approchant de plus en plus, avant de s’en prendre à la coque en tapant et rentrant dans le bateau. Chahuté de tous côtés, le bateau de 14 mètres et quelques tonnes se retrouve à tourner de 180° et le gouvernail finit par être littéralement arraché. Pas le choix, l’équipage se prépare alors à abandonner le navire si cela devient impératif et lance un Mayday en précisant qu’ils sont attaqués par un groupe d’orques. C’est en préparant l’évacuation et en descendant à l’intérieur du bateau que Victoria Morris prend tout à coup vraiment peur : le raffut est tout simplement monstrueux. « Le bruit était vraiment effrayant. Ils enfonçaient la quille, il y avait cet écho horrible, je pensais qu’ils pouvaient faire chavirer le bateau. Et ce bruit assourdissant alors qu’ils communiquaient en sifflant. C’était si fort que nous devions crier pour communiquer entre nous. » Leur attaque semblait, « totalement orchestrée ».
L’attaque a duré plus d’une heure. Les secours, eux, ont mis une heure et demie à arriver. Ils semblaient ne pas croire à cette histoire d’attaque. Pourtant, après avoir remorqué le bateau et l’avoir sorti de l’eau, il a bien fallu reconnaître que le gouvernail avait disparu et que les traces de dents sur la coque étaient, elles, bien réelles !
Cette attaque a eu lieu dans le détroit de Gibraltar, où la migration des orques est suivie année après année par de nombreux biologistes dont ceux du laboratoire de biologie marine de l’université de Séville. Et personne n’a jamais entendu parler d’une telle histoire.
Pourtant, quelques histoires d’attaques d’orques lors de traversées océaniques ont bien été reportées (voir notamment les récits reportés dans les magazines nautiques). Mais pour avoir interrogé des skippers qui ont subi ces rencontres « musclées », il n’a jamais pu être démontré qu’il y avait eu autre chose que de la curiosité de la part de l’animal venu se frotter à la coque des voiliers de croisière en question.
Des histoires d’orques jouant avec des gouvernails ont aussi été relatées, ou des cas d’orques s’accrochant au safran avec la bouche et se laissant traîner par le bateau. pour jouer, comme les dauphins le font souvent avec les étraves…
Rien de plus et rien qui ne ressemble en tout cas de près ou de loin à l’histoire racontée par Victoria Morris et les quatre autres membres de l’équipage présents à bord ce jour-là.
L’une des hypothèses des scientifiques qui étudient cette population d’orque est qu’un jeune épaulard a pu être piégé par un filet – très nombreux dans le détroit de Gibraltar – ou que le groupe était sujet à un stress majeur. Fin juillet, on trouve énormément de bateau dans le détroit. Le groupe a-t-il été poursuivi par des bateaux qui voulaient les approcher ? Le bruit assourdissant des hélices sous l’eau a-t-il perturbé la communication ? Un petit a-t-il été heurté par un bateau ?
Nous n’avons pas de réponse pour expliquer cette rencontre franchement atypique.
Atypique, cette rencontre ? Rien n’est moins sûr car des attaques, il semble y en avoir eu d’autres !
Le 22 juillet à 23h30, le 50 pieds Kailani navigue au moteur à 8 nœuds lorsque… le bateau s’arrête net. Son skipper s’imagine pris dans un filet et allume une torche pour découvrir stupéfait des orques. En pleine nuit, le skipper regarde ses instruments et remarque que le bateau a fait demi-tour. Plusieurs fois, il reprendra sa direction initiale. A chaque tentative, les orques l’ont renvoyé de l’autre côté !
Deux heures et demie avant cet incident et au même endroit, c’était au tour de Nick Giles de faire une même « rencontre » toujours aussi violente. Cette fois encore, le bateau a pivoté sur lui-même sur 180° et les câbles du safran ont été arrachés. Pendant une quinzaine de minutes, le bateau de Nick Giles a été balloté d’un bord sur l’autre, entraîné dans une direction puis une autre avant que les épaulards ne s’en aillent et ne le laissent complétement abasourdi.
Le lendemain, c’est au tour d’Alfonso Gomez-Jordana, skipper professionnel en convoyage sur un Bénéteau de 40 pieds de connaître le même sort, au même endroit, en face du port de Barbate. Quatre orques viennent à sa rencontre. Le skipper pro ne parle pas d’attaque, mais plus de curiosité. Les différents chocs ont tout de même endommagé le gouvernail et le « jeu » a duré 50 minutes. Lorsqu’ils ont immobilisé le bateau, les animaux se sont littéralement rués sur la coque à vive allure – à 10/15 nœuds estime le skipper professionnel et à une distance de 25m. Les impacts ont fait basculer le bateau sur le côté et, là encore, fait dévier le navire de 120°…
Ces histoires sont-elles vraiment des attaques ? Impossible à dire pour les spécialistes interrogés. Il faudrait y avoir assisté pour pouvoir reconnaître le comportement du groupe. Les orques sont des animaux curieux et les rencontres – comme celles avec les dauphins qui viennent jouer dans les étraves des bateaux – courantes.
Ce qui est certain, c’est que la population d’orques vivant dans le détroit de Gibraltar est en baisse constante. Il ne resterait qu’une cinquantaine d’individus. Et ces animaux vivent dans une zone devenue particulièrement inhospitalière. Il s’agit d’une voie de navigation majeure. Et de nombreux bateaux se greffent à ce trafic important chargés de touristes, venus observer ces « baleines ». Il y a des règles strictes pour le « whale-watching », mais certains n’hésitent pas à les bafouer aussi bien sur la vitesse d’approche que sur la distance à garder avec les animaux, pour obtenir des revenus supplémentaires. Ce harcèlement empêche les animaux de pêcher dans de bonnes conditions, entraînant encore un stress supplémentaire en les affamant !
Alors pourquoi ces orques restent-ils dans ce détroit pollué et bien trop fréquenté ? Tout simplement parce que depuis l’antiquité, il est le lieu de passage obligé des thons rouges entre méditerranée et atlantique, et que les orques raffolent des thons rouges. D’ailleurs les pêcheurs ne s’y trompent pas : dès qu’ils repèrent un groupe d’orques, il se précipitent pour aller chasser le thon qu’ils imaginent juste sous les épaulards. Du stress supplémentaire pour les animaux…
Alors attaques ou simples rencontres un peu musclées ? Les avis divergent, mais certains scientifiques n’hésitent pas à pointer du doigt un événement marquant en 2020 : le confinement a rendu le détroit aux orques pendant 3 mois, avec moins de cargos, peu de plaisanciers ou de pêcheurs, aucun « whale-watching » et DU SILENCE. Les animaux sont-ils perturbés par le retour des hommes dans leur espace ? Ce n’est pas impossible.
Et si finalement, les orques décidaient, tout comme dans le film Orca, de se venger et de récupérer leur détroit ?
*Histoires à lire sur le site de The Guardian : https://www.theguardian.com/environment/2020/sep/13/killer-whales-launch-orchestrated-attacks-on-sailing-boats
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