Une étendue d’eau aussi gigantesque que celle d’une mer peut-elle disparaître du jour au lendemain ? Certainement pas en un clin d’œil mais en quelques décennies, c’est une certitude. La preuve, plusieurs mers sont aujourd’hui en sursis et pourraient avoir disparu avant la fin du siècle.

La mer d’Aral : une mer presque complètement disparue ?
Si elle porte le nom de mer, Aral est en fait un lac… d’eau de plus en plus salée du fait de l’évaporation dont elle est victime. Située en Asie centrale entre le Kazakhstan et l’Ouzbékistan, il s’agissait du 4e plus grand lac au monde avec une surface de 67 000 km² soit, deux fois la taille de la Belgique ! Mais dans les années (19)60, l’URSS alors maîtresse des lieux, décide de cultiver du coton et du blé sur les vastes territoires des steppes plutôt désertiques de la région. Pour réussir ce pari de développer des cultures demandant beaucoup d’eau, une grande partie des fleuves qui alimentent la mer d’Aral est détournée pour irriguer les terres. Ce sont 20 à 60 km³ d’eau qui sont prélevés ainsi chaque année. En 1970, la mer d’Aral avait déjà perdu les 9/10e de sa surface entraînant une explosion de la salinité des eaux et la mort de la plupart des poissons… En 2000, il ne restait plus que deux grandes étendues d’eau, l’une au Kazakhstan et l’autre en Ouzbékistan. Aujourd’hui, la partie Ouzbek a quasiment totalement disparu. Mais, bonne nouvelle, un gros travail a été entrepris avec l’aide de la Banque Mondiale sur la partie Kazakh et le niveau de l’eau remonte régulièrement depuis 2005. Les prises de poissons ont été multipliées par 6 en 10 ans, ce qui redonne un coup de fouet à l’activité économique de la région. Mais ce qui reste de la mer d’Aral (7 300 km²) est toujours en danger, notamment avec les changements climatiques et les sécheresses qui s’enchaînent (voir aussi notre article ici).

La mer Morte, la bien nommée ?
La mer Morte tient son nom de sa salinité si extrême qu’aucun poisson ne peut y survivre. Le taux de salinité est de près de 30 % alors que celui de la mer Méditerranée est de 3,5 %… Mais le danger est ailleurs pour cette mer fermée. La surexploitation en amont des eaux du Jourdain qui l’alimentent, lui a fait perdre un tiers de sa superficie depuis les années 70. Encore aujourd’hui, la mer Morte recule d’un mètre chaque année et – si rien n’est fait – elle va disparaître. 95 % des eaux du Jourdain servent à irriguer les cultures et la quantité d’eau qui se jette dans la mer Morte est tout simplement moins élevée que celle qui s’évapore ! A cela s’ajoute la sécheresse : les pluies sont moins fréquentes – 15 % de moins en moyenne sur les 10 dernières années – au point que la Jordanie qui borde le Jourdain est devenue le 2e pays le plus aride au monde.
Peut-on sauver la mer Morte ?
L’exemple de la mer d’Aral montre que tout est possible, mais encore faudrait-il que Jordaniens, Palestiniens et Israéliens se mettent d’accord et travaillent ensemble sur sa sauvegarde. Un projet de pipelines a été envisagé un temps par la Banque Mondiale et un accord a même été signé en 2013 pour transvaser de l’eau de la Mer Rouge vers la mer Morte. Mais la réalité politique de la région n’a jamais permis au projet – par ailleurs très controversé d’un point de vue environnemental – d’aboutir. La mer Morte devrait avoir perdu un tiers de sa surface en 2050 et avoir complètement disparu à la fin du siècle.

La Caspienne : la plus grande des mers intérieures en train de disparaître
Avec ses 371 000 km² et près de 7 000 km de côtes réparties entre le Kazakhstan, l’Azerbaïdjan, l’Iran, la Russie et le Turkménistan, la mer Caspienne présente la plus grande étendue d’eau enclavée au monde. Ce qui ne l’empêche pas d’être en grand danger – elle aussi – de disparition d’après une étude parue récemment dans « Communications Earth & Environnement ».
Le constat des chercheur est simple : la mer Caspienne pourrait perdre entre 10 et 21 m de profondeur d’ici à 2100 selon le réchauffement climatique réel. Dans le meilleur des cas – assez peu vraisemblable aujourd’hui – d’un changement limité à +2°C par rapport à l’ère pré-industrielle, ce sont 112 000 km² de l’étendue d’eau qui seront asséchés ! Soit, 30 % de sa surface actuelle. La raison est, là encore, due à l’augmentation des températures et donc à la hausse de l’évaporation qui n’est pas compensée par les pluies plus rares et les prélèvements massifs pour les besoins de l’agriculture dans les fleuves alimentant la mer Caspienne. Comme toujours, les premiers à souffrir seront faunes et flores : les phoques endémiques, déjà en grave danger, verraient – toujours selon l’étude en question – 81 % de leur habitat de reproduction disparaître avec une baisse de niveau de la mer de seulement 5 mètres (alors, on le rappelle, que les chercheurs estiment cette baisse de 10 à 21 m).
Et comme pour la mer d’Aral ou la mer Morte, les humains ne seront pas protégés : le trait de côte s’éloigne des villes alors que les communautés locales vivent essentiellement de la pêche. Un drame humain en plus d’un cataclysme écologique qui devrait pousser, on l’espère, les pays limitrophes à s’entendre pour trouver des solutions…