Faut-il sanctuariser les océans ?

Depuis des décennies, la question de la création d’aires marines protégées (AMP) est le fer de lance des initiatives gouvernementales en faveur de la protection des océans. Si les écologistes les plus radicaux appellent parfois à sanctuariser les océans dans leur entièreté, d’autres considèrent les AMP comme un outil de gestion environnementale fondamental. Quels sont les réels enjeux de ces fameuses AMP ? Leur déploiement sur l’ensemble de la planète est-il une solution miracle ?

Qu’est-ce qu’une aire marine protégée ? L’exemple français.

Selon le site du ministère de la Transition écologique, les aires marines protégées sont “des espaces délimités en mer qui répondent à des objectifs de protection de la nature à long terme”. Mais attention, l’objectif n’est pas une protection totale de la biodiversité mais bien de parvenir à “concilier” les objectifs de protection de l’environnement et “le développement durable d’activités” humaines. Il s’agit donc d’une cohabitation entre l’homme et la nature et les critères sont définis de manière concertée avec les acteurs locaux, les élus ou encore les experts.

La France possède le deuxième espace maritime mondial. En effet, elle est présente sur presque tous les océans (sauf en Arctique) et en 2019 elle avait déjà dépassé l’objectif de 20% d’aires marines protégées fixé pour 2020. Ainsi, parmi ses 546 AMP en métropole et outre-mer, on compte 9 parcs naturels créés depuis 2007. Le plus vaste d’entre eux se situe en Nouvelle Calédonie et couvre 1,3 millions de km2 représentant ainsi l’aire marine protégée la plus étendue au monde.

Les aires marines protégées : un outil efficace ?

La plupart des ONG semblent voter en faveur de ces initiatives gouvernementales considérant que le statut d’aire marine protégée est une solution efficace pour préserver la biodiversité à partir du moment où l’on a l’adhésion de tous au projet. Mais elles regrettent également l’insuffisance en nombre de ces AMP.

D’après un rapport de l’Institut du Développement Durable et des Relations Internationales (IDDRI) publié en 2011, la création d’AMP présente tout de même un certain nombre de difficultés. En effet, le simple classement d’une zone en AMP n’est pas suffisant. Il doit s’accompagner de “plans de gestion contraignants, adaptés aux menaces pesant sur les écosystèmes et opposables au plus grand nombre”. Cela présente donc des contraintes juridiques, scientifiques, techniques et politiques. D’autant plus que les acteurs intervenant sur la création d’une AMP sont parfois nombreux, notamment lorsqu’il s’agit de zones situées en haute mer.

Photo : George Desipris / Pexels

Enfin, le rapport de l’IDDRI pointe un autre problème : l’opportunité et la manière de faire figurer les AMP sur les cartes marines à destination des acteurs de la navigation et de la pêche. On comprend bien que si elles n’apparaissent pas sur les cartes, c’est comme si elles n’existaient pas et cela n’aurait aucun sens. Mais si elles sont clairement mentionnées, la tentation de fraude pourrait être grande…

Et la liberté de naviguer alors ?

De par leur nature contraignante, les AMP ne font pas que des heureux. En effet, certains acteurs économiques opposent le principe traditionnel de liberté de naviguer dès lors qu’on entre dans les eaux internationales. On y voit même, pour certains, des tentatives de sanctuarisation des océans qui auraient pour effet de mettre en péril tout le secteur économique de la pêche ou du transport maritime.

Photo : Bahadir CIVAN / Pexels

On connaît pourtant les effets néfastes de ces secteurs sur la biodiversité ou sur l’environnement (voir notre article sur le transport maritime ou celui sur la cacophonie humaine). Il semble donc naturel d’imposer des restrictions au sein des AMP, sinon leur existence même serait un non-sens. La création de ces zones doit donc se faire de manière concertée et non unilatérale pour une adhésion du plus grand nombre.

Ainsi, on peut se réjouir de l’existence de ce dispositif visant, sur le papier du moins, à protéger l’environnement et les écosystèmes. Mais il faut tout de même veiller à ne pas céder à une politique des chiffres, bien prendre en compte tous les paramètres, et surtout établir des réglementations claires tout en veillant à les faire respecter.

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