Alors que la planète et les océans sont menacés par le réchauffement climatique et la pollution, de plus en plus de chercheurs et d’ingénieurs se tournent vers le biomimétisme. Cette technologie imitant le vivant a de nombreuses applications en médecine, architecture, industrie et bien sûr dans le domaine de la navigation.
Du “coup de sang” climatique à l’hybridation animale
En 2009, le célèbre auteur de romans graphiques et visionnaire Enki Bilal sortait le premier tome de sa trilogie du “coup de sang”. Propulsés dans un monde bouleversé par un cataclysme climatique, où l’eau potable est devenue une denrée rare, les survivants tentent de rallier quelques “eldorados”. La mer, immense et inquiétante, reste le seul moyen de voyager. C’est alors que l’auteur insère, presque naturellement, l’idée de l’hybridation animale. Certains personnages développent alors des capacités extraordinaires. Certains peuvent fusionner avec un dauphin grâce à un appareil technologique ou d’autres communiquer avec les ours polaires…
Aujourd’hui, nous n’en sommes heureusement pas encore arrivés à des cataclysmes de l’ampleur de celui décrit dans l’ouvrage. Mais si l’hybridation animale ou l’acquisition de certaines compétences naturelles par l’homme reste un doux rêve nourri par certains scientifiques, Bilal (comme d’autres auteurs avant lui) ouvre la voie au biomimétisme comme moyen de survie de l’espèce humaine.
Qu’est-ce que le biomimétisme ?
Entré dans le dictionnaire Larousse en 2014, le terme de “biomimétisme” désigne “l’application technologique de propriétés observées dans la nature”. De manière plus prosaïque, il s’agit de l’imitation du vivant par l’homme. Mais ce principe, apparemment très simple, cache en réalité une démarche scientifique rigoureuse.
Comme l’explique l’un des articles publié sur le site de Nausicaá, le conservatoire de la biodiversité océanique, il s’agit tout d’abord d’observer le vivant. Puis, il faut identifier des caractéristiques particulières afin d’en comprendre le fonctionnement. Il reste ensuite à imaginer, par le biais de la technologie, des solutions imitatives aux problèmes humains.
En réalité, ce processus n’est pas nouveau. Dès l’antiquité, l’homme s’est inspiré de la nature pour améliorer ses conditions de vie. On cite également très souvent les travaux de Léonard de Vinci qui a dû observer et détailler les capacités des oiseaux et chauve-souris pour inventer des machines permettant à l’homme de voler.
Léonard de Vinci, “Machine volante”, croquis
Mais aujourd’hui l’enjeu n’est pas vraiment l’acquisition de “super-pouvoirs” issus de la nature. Il s’agit d’avantage de trouver des solutions pour que l’homme puisse vivre en meilleure harmonie avec la nature.
Les domaines d’application du biomimétisme marin
Il existe de nombreux domaines d’application de la technologie issue du biomimétisme marin. En médecine par exemple, l’étude de la structure tentaculaire du poulpe ou encore des capacités de déplacement de la coquille Saint-Jacques ont permis la création de micro-robots capables d’explorer ou réparer le corps humain à des endroits peu accessibles en chirurgie traditionnelle.
Dans le domaine de l’architecture, la forme de l’oursin ou la structure de l’éponge de mer ont inspiré des architectes dans la conception de bâtiments innovants utilisant des matériaux plus légers et aux propriétés incroyables.
Mais après l’architecture, la mode ou même l’aéronautique, c’est dans le domaine de la navigation que le phénomène semble prendre de l’ampleur. Sans être à proprement parler une “solution miracle” contre le réchauffement climatique, le biomimétisme intéresse de plus en plus les industriels du nautisme. Ils y voient des opportunités entrepreneuriales vertes leur permettant à la fois de rester compétitifs dans un monde en pleine mutation et de contribuer à la préservation des océans. En lançant des projets “gagnant-gagnant” certaines entreprises semblent ouvrir la voie vers une nouvelle ère de l’industrie nautique.
L’exemple de FinX
Ainsi, la jeune entreprise parisienne FinX est en train de lever 5 millions d’euros pour passer à la phase d’industrialisation et de commercialisation d’un nouveau moteur électrique qui s’inspire des nageoires des poissons. Doté d’une puissance de 2 kW, soit l’équivalent de 5 chevaux sur un moteur thermique, le “Fin5” pourra être utilisé pour de petites embarcations ou des voiliers jusqu’à 3 tonnes.
Vendu à partir de 3 200 €, ce nouveau moteur moins polluant a aussi l’avantage de ne pas causer de blessures, ni aux animaux ni aux humains, car il ne comporte pas d’hélice. A sa place, une membrane oscillante assure la propulsion en flux horizontal, sans mixer l’eau. Plus silencieux qu’un moteur thermique, il permet aussi de réduire la pollution sonore.
Par ailleurs, l’entreprise travaille sur un deuxième moteur plus puissant, le “Fin150” (pour 150 chevaux) qui sera présenté lors des Jeux Olympiques de Paris en 2024.
Enfin, dans une interview donnée à BaseX, le “Think tank” de FinX, Alain Renaudin, une des figures emblématiques du biomimétisme en Europe, affirme qu’il “s’agit de reconsidérer la place de l’Homme au sein de son biotope et de son écosystème”. Il ajoute qu’étant donné leur interdépendance, “c’est évidemment la planète qui va sauver l’espèce humaine, si celle-ci se remet en osmose et en harmonie avec l’ensemble de l’écosystème qui l’entoure”.
Un message d’espoir, certes, mais qui a l’avantage de remettre les pendules à l’heure et l’Homme face à ses responsabilités. Il faudra donc non seulement réapprendre à nager mais aussi apprendre l’humilité.
Pour aller plus loin : lire notre article sur la propulsion des navires par le vent
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