Croisières au Pôle Nord : le cauchemar est devenu réalité…

Le 29 juillet 2021, la compagnie Le Ponant prenait livraison de son tout dernier bateau de croisière, le « commandant Charcot » : un navire à la pointe de la technologie, dont le but est d’emmener de riches croisiéristes… au Pôle Nord. Un rêve pour les actionnaires de la compagnie mais un cauchemar éveillé pour le reste de l’humanité.

Le Commandant Charcot
Le Commandant Charcot, tout nouveau navire de croisière de la compagnie Le Ponant et qui doit emmener ses passagers… jusqu’au Pôle Nord ! (photo Ponant-Sacha Lanane)

Un navire extraordinaire à la pointe de la technologie

Six années de travail auront été nécessaires, avec le concours d’entreprises renommées pour leur savoir-faire (Stirling Design International – Aker Arctic et VARD…), pour que le « Commandant Charcot » voie le jour. Ce navire unique est ainsi le premier à pouvoir offrir un voyage hors normes jusqu’au Pôle Nord… Le brise-glace est en effet capable de naviguer dans des conditions extrêmes, de passer dans une glace de 2,40 m d’épaisseur et de franchir des crêtes de compression d’une dizaine de mètres. Un bateau qui a donc les mêmes capacités que celles des gros brise-glaces commerciaux russes… le luxe et le confort à bord en plus ! Il faut dire qu’avec 215 membres d’équipages aux petits soins pour les 246 passagers répartis dans les 135 suites et cabines de 20 à 115 m2, la croisière va forcément être agréable pour les passagers !

Au-delà des capacités de franchissement du « Commandant Charcot », le véritable défi technique pour la compagnie Le Ponant a été de pouvoir garantir un planning prévisible, indispensable aux amateurs fortunés de croisières extrêmes, tout en vantant un modèle « écolo-compatible » qui ne va quand même pas de soi (voir aussi notre article sur la sanctuarisation de certains mouillages).

Le Commandant Charcot
Au moment de sa conception, le « Commandant Charcot » était encore qualifié de « brise-glace » dans les documents de la compagnie…

De brise-glace à navire de haute exploration polaire, la technique redoutable du « green washing »

Dans le communiqué de presse du croisiériste, on ne parle ainsi pas d’un brise-glace, mais d’un « navire de haute exploration polaire ». Un navire « éco-conçu » avec « les toutes dernières technologies vertes – 100% des déchets triés à bord, traitement des eaux usées »… Et bien sûr « un navire(…) hybride électrique propulsé au GNL » (gaz naturel liquéfié). Le GNL est effectivement une bonne alternative au fioul classique (voir notre article sur les alternatives écologiques au transport maritime) utilisé pour les bateaux de croisière, puisqu’il permet d’éliminer les rejets de particules fines et d’oxydes de soufre (SOx), de diminuer les émissions d’oxyde d’azote (NOx) et surtout les rejets de dioxyde de carbone (CO2) de près de 30%, selon certaines études. Bref, le GNL est clairement un bon choix mais…

Une croisière dans une zone particulièrement fragile

Il n’en reste pas moins que le « Commandant Charcot » navigue dans des lieux particulièrement sensibles et surtout extrêmement fragiles. Et même propulsé au GNL, ce « navire de croisière-brise-glace » va émettre des gaz à effet de serre à l’endroit où leur impact est le plus fort ! Et tout ça pour quoi ? Pour que quelques privilégiés puissent descendre sur la banquise à un point géographique remarquable et… faire un selfie ! 

Sébastien Roubinet en route vers le Pôle Nord
Sébastien Roubinet en route vers le Pôle Nord à bord de son bateau-luge capable de naviguer aussi bien sur la glace que sur l’eau. Une autre vision de l’aventure !

Le 6 septembre 2021, le navire du Ponant est parvenu pour la première fois à atteindre le Pôle Nord géographique. C’était son voyage inaugural, et il est à noter que cette première a été effectuée sans passager à bord. Quand on connaît la difficulté d’atteindre ce point (voir par exemple les incroyables odyssées de Sébastien Roubinet en 2011, 2013 et 2018), on imagine bien la performance technique que cela représente que d’y emmener des touristes. Pour autant, on ne peut imaginer qu’une telle dérive soit souhaitable.

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