Transport à la voile, une alternative écologiquement viable ?

On accuse souvent les écolos de vouloir revenir à l’âge de pierre et de vouloir abandonner le confort actuel au profit de la sauvegarde de la planète. En est-il de même en ce qui concerne les fameux cargos à voile qu’on nous promet comme « propre » et à même de nous permettre de continuer à consommer des produits du bout du monde ? 

Transport à la voile

Pour les non-initiés, le retour au transport à la voile serait un retour aux caravelles. Cette idée ne doit pas être si absurde, puisque plusieurs entreprises ont remis au goût du jour le transport à bord des bateaux de nos aïeux. Vous pouvez ainsi acheter aujourd’hui certains produits ayant voyagé à la voile. Bien sûr, les entreprises intéressées par ce type de transport sont déjà fortement impliquées par leurs impacts écologiques et sociaux. Et non, on ne fait pas encore venir les iPhone dernier cri depuis la Chine sur une goélette. Désolé de briser vos rêves…

Retour aux bordées en bois et voiles en coton ?

Depuis les années 2010, certains producteurs ont choisi de privilégier le transport à la voile pour l’envoi de leurs marchandises. Avec la prise de conscience de la situation environnementale mondiale, de telles solutions se sont développées. Ainsi les entreprises de transport à la voile se sont constituées une petite flotte de plus ou moins vieux gréements, qui sillonnent les mers avec des denrées à distribuer à leurs bords. Nous voyons déjà les yeux éberlués des éternels collapsologues qui nous lisent en se disant : « Je vais enfin pouvoir faire quelques achats d’une provenance hors de mon département, sans subir cette horrible société de consommation. » Bon certes, c’est une bonne initiative. Mais penchons nous un peu plus sur cette solution. Et transposons-là, en exemple, à une échelle internationale, pour voir si elle peut alors encore être viable.

Transport à la voile
Credits: Blue Schooner Company

Prenons donc un exemple et étudions l’importation de café relatif à la consommation de notre cher hexagone. Supposons pour cela que l’intégralité de notre consommation de café provient d’Amérique du sud, ce qui est proche de la réalité. Aujourd’hui, la société Blue Schooner Company propose un transport de marchandise transatlantique à la voile à bord du Gallant.
En France, une personne consomme en moyenne 5,5 kg de café par an. La population française consomme donc à elle seule plus de 330 millions de kg de café par an.
Sachant que le Gallant peut charger 35t par trajet, il faudrait 10.000 voyages par an pour combler notre consommation. Soit 28 départs par jour… L’entreprise risque d’être complexe !

Ajoutons un détail qui est de taille. Pour manœuvrer de telles embarcations, un équipage de 3 marins aguerris est nécessaire. Ce sont donc 6 500 personnes qui auraient la charge de s’occuper à plein temps de notre approvisionnement en café… Cela aurait au moins l’avantage de réduire de manière drastique le chômage en France… Mais ce n’est pas notre propos ici. Vous comprenez donc que nous aurions un léger problème d’approvisionnement… Cela explique aussi la valeur que pouvait avoir le café à l’époque de la découverte des Amériques. Il s’agissait bien d’un produit de luxe.

Exagérons encore l’exemple et imaginons maintenant la livraison du dernier iPhone – produit majoritairement en Chine, bien sûr. Le trajet Shanghai/Marseille représente 10 000 milles nautiques – en passant par le canal de Suez – soit un temps de trajet de 75 jours. En estimant que 10% de la population française achète ce petit bijou technologiques, le poids de la totalité des Iphone importés serait alors de 1500t. Si on reprend, le cas du Gallant – et que nous nous affranchissons du problème d’optimisation des boîtes dans la cale – il faudrait donc que 43 bateaux effectuent 150 jours de mer au bas mots (il faut faire l’aller retour) ; et ce à chaque sortie d’Iphone. Et j’ai le malheur de vous annoncer qu’Apple souhaite vous faire débourser la modique somme d’un smic à peu près tous les ans. Cette alternative devient très très complexe…

Peut être que la solution serait alors simplement de limiter un peu nos consommations, et de consommer également plus local. Mais bon, nous ne réinventons pas la roue en disant ça.

Transport à la voile
Canopée, le cargo à voile de VPLP

Le cargo à voile

Après ce retour dans le passé, tournons nous vers une autre solution actuellement à l’étude par plusieurs entreprises : le cargo à voile. Le but est d’équiper un cargo d’une voilure, afin de diminuer sa consommation de carburant. Plusieurs solutions sont envisagées, aile de Kite, voile rétractable.  Passons donc cette solution à la loupe.

Commençons par le point de vue écologique. Et considérons la vie complète de tels navires. Tout d’abord, côté construction. Ce n’est pas là que le bonus se fait. En effet, les voiles constituent une aide à l’avancement. Mais ne remplacent pas ces bons vieux moteurs maritimes bien polluants. Les navires seront donc équipés d’une structure supplémentaire, structure dont la construction et l’installation aura nécessairement un impact. L’impact écologique de la construction de ces cargos sera donc légèrement plus élevé que leurs congénères sans ailes. Mais recentrons-nous sur la partie positive du tableau. Après tout, toute solution écologique suppose un impact de construction à compenser sur la durée de vie de l’objet en question. 
Selon les différentes études, de tels systèmes pourraient permettre de réaliser des économies de carburant jusqu’à 30%.

Alors la question que nous nous posons tous est de savoir combien de temps va s’écouler avant que l’utilisation de ces voiles ne soit écologiquement rentable ? Les constructeurs annoncent des économies de fuel de 30% annuel, diminuant ainsi l’impact écologique dès la première année. Quand on sait que le transport maritime émet environ 940 millions de tonnes de CO2 par an et est responsable d’à peu près 2,5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (source OMI), on peut affirmer qu’une telle diminution des consommations serait plus que souhaitable !

Réduire la consommation de carburant est intéressant pour l’environnement, mais aussi en terme économique. Un trajet Panama – Le Havre représente 14 jours de navigation à une vitesse de 20 nœuds. Sachant qu’un porte-container d’une capacité de 1200 unités – les plus petites unités – consomme en moyenne environ 32,3kg de fioul par km (source Ademe p.62), la quantité nécessaire pour un tel périple est de 367t de fioul. Si on considère une réduction de 30% de carburant à 400$/tonne (source journal marine marchande), on réduit le coût en carburant de la modique somme de 45.000$, et ce, à chaque trajet. Autant dire que si le côté  « éco-friendly » n’est pas la première raison des armateurs pour s’équiper de telles ailes, le point de vue financier, lui, pèse tout son poids dans la balance.

Les chiffres sont posés sur la table, reste à voir si la pratique peut rejoindre la théorie. Une chose est sûre, d’un point de vue écologique, il serait mieux de consommer local. Mais, dans notre société de consommation actuelle, ce n’est pas si simple. L’utilisation de cargos à voile représente donc une technologie pertinente. Plusieurs entreprises sont déjà engagées dans l’aventure : VPLP avec son navire Canopée qui transportera les pièces des fusées Ariane ; TOWT, propriétaire du Gallant cité plus haut, qui planche sur un modèle de cargo à voile, ou encore Grain de Sail, dont le premier cargo à voile a appareillé le 18 novembre dernier pour sa première transatlantique.

Espérons qu’elles ouvriront la voie et permettront que ce mode transport se développe !

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