Pollution chimique des océans

Pollution chimique : On noie le poisson !

Un nouveau rapport intitulé “Polluants aquatiques dans les Océans et les pêcheries” publié le 27 avril dernier démontre l’impact des produits chimiques et plastiques sur la faune et la flore marine. Cette enquête, réalisée conjointement par l’International Pollutants Elimination Network (IPEN), qui regroupe plus de 600 ONG dans 120 pays, et l’organisation australienne National Toxics Network (NTN), dément l’idée reçue que la surpêche serait le seul facteur du déclin des espèces marines. En effet, selon les estimations, 80 % de la pollution chimique marine provient de la terre ferme. Elle impacte lourdement les chaînes alimentaires océaniques et aquatiques depuis des décennies.

Les sources de pollution

Le rapport rappelle que les polluants chimiques, en suivant le principe de « dilution », sont déversés dans les cours d’eau et finissent par pénétrer les océans. L’augmentation de la démographie humaine et le changement climatique sont des facteurs supplémentaires à la fragilisation des écosystèmes marins. Aujourd’hui, en raison de l’urbanisation et de l’intensification de l’industrie, le taux de pollution des cours d’eau et des zones côtières est si élevé qu’il dépasse la capacité de dilution des écosystèmes fluviaux et marins.

Parmi les principaux polluants recensés, on retrouve dans les océans des produits chimiques organochlorés comme le PCB et le DDT depuis les années 1970. Bien qu’interdits dans de nombreux pays, ils continuent de polluer nos océans. Ils ont même été détectés dans les milieux polaires les plus éloignés. S’ajoutent à cela de nombreux pesticides et herbicides, des produits pharmaceutiques et des produits chimiques industriels.

Photo : Pok Rie, Malaysia, 2020

Les effets de la pollution chimique

Malgré le passage à l’aquaculture (qui représente aujourd’hui 50 % de la consommation de poisson) et une meilleure gestion des faunes sauvages, le déclin des populations marines continue de s’accentuer. De nombreuses recherches scientifiques indiquent aujourd’hui que les polluants chimiques ont de graves répercussions sur l’immunité, la fertilité, le développement et la capacité de survie des animaux aquatiques. Ces effets sont visibles aussi bien chez les poissons que les invertébrés ou les mammifères marins. 

Tous les scientifiques s’accordent sur le fait que l’exposition aux pesticides cause la mort, des cancers et des lésions. Mais on retrouve également l’inhibition de la reproduction, la suppression du système immunitaire ou encore la perturbation du système endocrinien. Dans certains cas, on note des dommages au niveau cellulaire ou de l’ADN. Par ailleurs, les expositions chimiques provoquent des changements de comportement qui jouent sur la survie de certaines espèces. 

Pour leur part, les insecticides comme les pyréthroïdes ou néonicotinoïdes, largement utilisés, sont extrêmement toxiques pour les macroinvertébrés, les zooplanctons ou encore les crustacés. Outre l’altération de l’immunité ou la réduction de la croissance, ils ont un effet “génotoxique”, c’est-à-dire qu’ils endommagent l’information génétique de ces espèces, même à des faibles doses.

De plus, les associations de produits chimiques ont des effets imprévisibles. Certains produits et métaux voient leur toxicité augmenter à mesure qu’ils remontent dans la chaîne alimentaire. Ils atteignent des concentrations très élevées chez les prédateurs de haut niveau comme les requins, le thon, le flétan ou l’espadon. Et donc en bout de chaîne… chez l’homme ! Dans certaines communautés insulaires, dont l’alimentation dépend beaucoup des produits de la mer, les taux de mercure toxique atteignent des niveaux très élevés.

Taux de mercure chez les populations insulaires
Taux de mercure chez les populations insulaires (Source IPEN / NTN)

Enfin, la pollution des océans aux microplastiques est encore plus insidieuse car on les retrouve partout. Selon le rapport, plus de 690 espèces marines ont été touchées par les débris de plastique. On les retrouve dans toutes les parties de leur organisme. 

Les solutions

Les défis sont donc nombreux pour arrêter cette pollution massive des cours d’eau et des océans. Parmi les solutions existantes, le rapport cite, sur terre, l’agriculture régénératrice qui vise à restaurer la santé des écosystèmes. Elle permet à la fois de séquestrer le carbone, de stocker l’eau plus facilement, et de rétablir la santé des sols. Des méthodes sans labour, la rotation des cultures ou encore l’absence de pesticide ou d’engrais synthétiques sont les clés d’une agriculture plus responsable.

De même, une aquaculture régénératrice pourrait contribuer à lutter contre la pollution, tout en fournissant une alimentation saine. En mélangeant les espèces au sein des élevages, on pourrait ainsi créer des associations symbiotiques visant à recréer l’équilibre des océans. Ce type d’aquaculture peut avoir également un effet positif global. Un “reboisement” en macroalgues des zones aquacoles permettrait non seulement d’absorber les rejets des élevages, mais aussi de capter le dioxyde de carbone de l’atmosphère et réguler l’acidité des océans.

Enfin, le rapport appelle à une action mondiale immédiate. Nous vivons désormais dans un monde où le statu quo n’est plus une option.

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