Quand on touche le fond… On creuse !

La ruée vers l’exploitation minière des grands fonds marins a-t-elle déjà commencée ? Depuis des millénaires, l’homme a pris un malin plaisir à changer son environnement pour le modeler selon ses besoins et ses exigences. L’homme moderne se tourne maintenant vers les fonds marins pour trouver de nouvelles ressources qui lui sont, semble-t-il, « indispensables »… La ruée vers les fonds marins a bel et bien commencé !

L’exemple de Nauru

Nous vous avions présenté dans un de nos articles l’île de Nauru. Ses habitants l’ont exploitée jusqu’à en faire un désert aride, passant d’un des pays les plus riches du monde dans les années 70 à l’un des plus pauvres aujourd’hui. Et bien l’île située au beau milieu du Pacifique revient dans l’actualité : son président Lionel Aingimea vient d’annoncer qu’il allait lancer l’exploitation de leurs grands fonds marins. Pour être précis, il s’agit de la zone Clarion-Clipperton : une partie des abysses située entre Hawaï et le Mexique par plus de 4 000 de fond.

L’île dispose d’un permis d’exploitation minière sur cette zone réputée très riche en minerais. La compagnie d’exploitation a déjà été créée. La “Nauru Ocean Ressources” Inc va commencer d’ici deux ans la « récolte », que d’aucuns estiment juste faramineuse, avec l’aide d’une compagnie minière canadienne, “The Metals Company”. Une société minière dont le PDG, Gerard Barron est parfois comparé à Elon Musk. Sauf que Musk vise l’espace alors que Barron s’intéresse avant tout aux fonds marins.

« Un champs » de nodules polymétalliques (Photo : Ifremer)

Des fonds marins immensément riches

Mais quel est donc le trésor que visent les habitants de Nauru et leurs associés de The Metals Company ? Il s’agit d’un minerai de la taille d’une grosse pomme de terre et qui tapisserait les fonds abyssaux de Clarion-Clipperton. 

Son nom : le nodule polymétallique. 

Sa composition : cobalt, nickel, cuivre et manganèse.

A quoi ça sert ? A créer les batteries dont nous sommes et serons de plus en plus friands dans les années à venir.

Et d’après les spécialistes de The Metals Company, la zone de Clarion-Clipperton contiendrait plus de ces minerais que toutes les réserves actuellement connues sur terre. Oui, vous ne rêvez pas ! On va pouvoir exploiter les fonds marins, pour produire des milliards de batteries – que nous sommes toujours incapables de recycler correctement – pour nos smartphones, montres connectées, voitures électriques et autres engins énergivores.

Le monde de demain n’est vraiment pas… pour demain !

Un nodule extrait par The Metals Company… « Une batterie dans une pierre » indique la légende sur le site internet de la compagnie minière…

Mais le meilleur est encore à venir. Sur son site internet, The Metals Company explique le plus sérieusement du monde que : « L’exploitation des nodules réduit considérablement les impacts écologiques et sociaux de l’exploitation minière terrestre ». Et oui, mieux vaut détruire une plaine abyssale « (qui) stockent 15 fois moins de carbone que les écosystèmes terrestres. C’est sur la terre une zone particulièrement commune et surtout l’une des moins peuplées. C’est un désert sans plante, sans lumière, sous très haute pression, où 70 % de la faible biomasse est composée d’organismes microbiens ». Bref, on peut détruire cette zone sans problème ! C’est en tout cas, d’après The Metals Company, bien moins pire de ravager les abysses que, par exemple, la forêt amazonienne.

Les grands fonds marins, des déserts inutiles ?

La seule certitude que nous ayons – d’après les spécialistes de l’IFREMER (Institut Français de Recherche pour l’Exploitation de la Mer) en tout premier lieu – c’est que notre connaissance de ces grands fonds marins est très limitée. Quelle est la richesse de la vie à moins 4 000 m ? Quels seront les conséquences d’une exploitation minière à ces profondeurs ? Que faire des rejets des boues et autres roches non utiles qui seront forcément ramassées avec les nodules 

Bref, nous avons beaucoup de questions et, pour l’instant, peu de réponses.

On connaît très peu les fonds marins et ce qui s’y trouve…

Il est cependant clair que contrairement à ce que dit The Metals Company, la zone abyssale est très peuplée. Essentiellement d’espèces microscopiques ou microbiennes, mais qui ont leur importance dans le développement de la vie dans cette zone – on peut en tout cas l’imaginer. Tout comme les nodules polymétalliques ont un rôle à jouer pour la biomasse locale et que leur exploitation ne peut qu’abîmer ou détruire cet écosystème fragile. 

Les rapports existants (des ONG comme Greenpeace ici ou des Nations Unis ici) démontrent que la richesse des fonds marins attise d’ores et déjà la convoitise, et qu’il est indispensable de protéger au mieux ces zones peu étudiées avant de décider s’il est intéressant d’essayer d’en tirer profit !

Car exploiter une zone aussi méconnue, c’est jouer avec le feu.

C’est pourtant ce que les habitants de Nauru – qui ont déjà payé (très) cher la surexploitation du phosphate sur leur île – vont tenter de faire. La ruée vers les richesses des fonds marins vient de commencer…

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