Le monde est en émoi après la décision du Japon de commencer à rejeter dans l’océan pacifique les eaux usées de la centrale nucléaire de Fukushima. Si les réactions sont nombreuses dans la presse, a-t-on vraiment conscience de l’impact d’un tel acte sur la planète ?
Quelques dates clés
Le 24 août 2023, après de nombreux atermoiements, le Japon prend finalement la décision de rejeter les eaux usées de sa centrale nucléaire de Fukushima dans l’océan pacifique. Au total ce seront près de 1,3 millions de tonnes d’eaux usées qui seront progressivement rejetées après traitement. Ces eaux sont issues soit des infiltrations d’eau de pluie ou des nappes dans la centrale, soit des apports nécessaires au refroidissement des cœurs nucléaires entrés en fusion en 2011.
En effet, en mars 2011, le Japon est frappé par un violent séisme de magnitude 9 sur l’échelle de Richter provoquant un tsunami qui a fortement endommagé la centrale et causé de nombreux morts et disparus.
Pendant plus de 10 ans, le Japon a œuvré à confiner et à traiter les produits radioactifs et les déchets de la centrale endommagée. Mais d’importantes fuites et des déversements volontaires ou non ont également été constatés.
L’avis des experts
Selon l’AIEA (l’agence internationale de l’énergie atomique) qui supervise l’opération, les taux de tritium contenus dans l’eau rejetée en mer sont conformes aux « normes internationales de sûreté ». L’agence estime également que le projet aura un « impact négligeable sur la population et l’environnement ».
En effet, le taux de radioactivité de ces eaux usées est 40 fois inférieur aux normes internationales et 7 fois inférieur au plafond fixé par l’OMS pour l’eau potable… par l’homme. Mais qu’en est-il pour les espèces vivant dans les océans ?
Après la détérioration de la centrale, la Japon avait procédé à de nombreux relevés, notamment entre 2011 et 2015, dans l’air mais aussi dans les denrées alimentaires afin de déterminer les taux de radioactivité et leur évolution.
D’après un rapport de l’IRSN (l’institut français de radioprotection et de sûreté nucléaire), les taux de substances radioactives ont très vite diminué dans l’air ainsi que dans la plupart des produits alimentaires d’origine animale ou végétale. Cependant, pour ce qui est des milieux marins, on constate en 2015 (soit 4 ans après l’accident) une stabilité des concentrations en radionucleides dans tous les sédiments côtiers autour de Fukushima et une très lente diminution des concentrations dans l’eau.
Il faut donc prendre en considération le fait que les eaux sont déjà fortement polluées. Ainsi, même s’ils sont filtrés et dilués, ces nouveaux rejets d’eau usées vont ajouter des substances polluantes à des eaux déjà fortement impactées.
Une réelle question politique et environnementale
Les premiers à réagir sont évidemment les Chinois qui ont immédiatement appelé à supprimer l’importation des produits de la pêche en provenance du Japon, suivis de près par Hong-Kong et Macao. Les réactions intransigeantes de la Chine, suite à la première phase de rejet des eaux usées, ne sont pas surprenantes, compte tenu des relations dégradées ces dernières années entre les deux pays. Le Japon se plaint notamment des activités maritimes chinoises autour des Îles Senkaku, administrées par Tokyo mais revendiquées par Pékin.
Au-delà des considérations géopolitiques, cet événement est loin d’être une bonne nouvelle pour l’environnement. Les océans sont en mouvement constant et si les relevés de substances polluantes sont effectués jusqu’à 200km des côtes, elles peuvent également contaminer d’autres écosystèmes à des milliers de kilomètres de distance.
Pour preuve, une étude publiée en septembre 2022 conduite par les chercheurs de l’ONG The Ocean Cleanup pointait déjà la responsabilité de la Chine et du Japon dans la pollution des océans. En effet, l’ONG a procédé à l’analyse de nombreux débris plastiques recueillis au sein du fameux vortex de déchets du Pacifique Nord, ce continent de plastique situé entre Hawaï et la Californie. Et d’après cette étude, le Japon contribuerait à hauteur de 34% à la formation de cette décharge flottante, suivi de près par la Chine avec près de 32%.
Alors quels que soient les enjeux géopolitiques, et malgré les paroles rassurantes des experts, ne nions pas l’évidence : le rejet d’eaux usées d’une centrale nucléaire endommagée dans l’océan ne peut en aucun cas être un événement anodin, ni avoir un « impact négligeable » sur l’environnement.
Pour aller plus loin : voir notre article sur le plastique dans le pacifique.