Contre l’annulation d’une partie de sa dette, l’Equateur s’engage à protéger les Galapagos

Le poids de la dette des états étouffe de plus en plus de pays qui se retrouvent dans la quasi impossibilité financière de sauvegarder leur patrimoine. C’est le cas de l’Equateur qui possède pourtant l’une des zones les plus riches en termes de biodiversité, les Galapagos. L’Equateur a réussi le tour de force de négocier l’annulation d’une partie de sa dette pour protéger l’archipel à la faune et la flore unique au monde…

Les Galapagos sont un petit paradis dont la richesse de la faune et de la flore a été documentée par Darwin lors de son voyage autour du monde en 1835 et par tous ceux qui y ont fait escale depuis! Situé à un peu plus de mille kilomètres à l’ouest des côtes équatoriennes, l’archipel est officiellement un parc national depuis 1959 et a été reconnu comme faisant partie du patrimoine mondial de l’Unesco. La zone est particulièrement protégée, le mouillage y est extrêmement réglementé. 97% des îles sont interdites d’accès ou très réglementées et la réserve marine qui entoure l’archipel est l’une des plus grande au monde, avec 138 000 km2 à ce jour.

Archipel des Galapagos
L’archipel des Galapagos se compose de 127 îles et îlots dotés d’une faune et d’une flore remarquables. Mais les fonds marins n’ont rien à envier aux terres émergées. (Photo Pixabay / Christopher Chilton)

Seul bémol à cette protection exemplaire, les Galápagos appartiennent à l’Equateur et le pays connaît des difficultés financières importantes depuis la crise du Covid, la chute du prix du pétrole (l’une des rares richesses du pays) et surtout par la hausse des taux d’intérêt de sa dette. Car l’Equateur, comme tous les pays du monde, est surendetté et le coût de sa dette empêche toute liberté de gestion… Le pays est en effet sous contrôle du FMI (Fonds Monétaire International).

Annuler de la dette pour sauvegarder la planète…

C’est en mai dernier que Quito a annoncé avoir réussi le tour de force de négocier avec ses créanciers une réduction de sa dette en échange de son engagement à financer la sauvegarde des Galápagos. Le deal est simple : la dette de l’Equateur est réduite d’un milliard de dollars et le pays s’engage à investir 450 millions de dollars sur dix-huit ans pour la conservation de son archipel. C’est la première fois que ce type d’opération connue sous le nom de « dette nature » atteint un tel montant. Les derniers pays en date ayant bénéficié de ce type de montage étaient le Belize et les Seychelles.

Iguane des Galapagos
Un iguane au Galapagos… La faune et la flore uniques de cet archipel méritent une préservation totale… (Photo : Pexel/Simon Berger)

Pour l’Equateur, c’est une bouffée d’oxygène pour ses finances et un investissement vraiment important pour le parc national. La réserve marine des Galápagos va ainsi pouvoir passer de 138 000 à 200 000 km2.

Le principe de cette « dette nature » devrait se développer d’autant plus rapidement que, d’après le FMI, un quart des pays à moyens revenus et plus de la moitié de ceux à faibles revenus vont être dans l’incapacité de faire face à leurs dettes dans les années à venir. Le coût de cette dette, avec la hausse des taux d’intérêts, étouffe littéralement ces nombreux pays qui doivent, pour rembourser leurs créanciers, réduire leurs budgets, y compris dans des domaines aussi essentiels que la santé ou l’éducation. Alors, imaginez ce que deviennent les investissements pour la sauvegarde de la faune et de la flore de ces pays…

La « dette nature » est donc une solution intéressante. Même si le montage qu’elle implique peut-être perçu comme une ingérence dans la gestion des pays en question, en imposant de fait où et comment investir les sommes ainsi économisées.

En Equateur, par exemple, il a fallu créer une organisation pour gérer les fonds reçus en dotation après l’annulation de la dette. Le Galápagos Life Fund est contrôlé par un bureau de onze membres, dont seulement cinq sont issus du gouvernement et six du secteur privé travaillant aux Galápagos.

Et demain ?

Le coût de la dette des états – qu’ils soient pauvres ou riches – est une véritable bombe à retardement qui étouffe la totalité des économies mondiales. Et quand il faut faire des économies pour rembourser les intérêts de sa dette, c’est malheureusement souvent la sauvegarde de la nature qui est mise à contribution.

Crabe des Galapagos
Echanger de la dette pour sauvegarder notamment ce crabe emblématique des Galapagos : la bonne idée ? (Photo : Pixabay)

Pourtant, le principe de la « dette nature » commence à se développer de plus en plus : mi-août 2023, c’est le Gabon qui a bénéficié du système de « dette nature ». 3% de sa dette contre un investissement de 163 millions de dollars dans la préservation de ses océans.

La Banque Européenne d’Investissement (l’institution de financement de l’Union européenne) a annoncé se lancer aussi dans les opérations de « dette nature » et devrait finaliser un premier deal dans l’année à venir. 5 à 10 pays en Afrique sub-saharienne seraient concernés par la suite.

De bonnes nouvelles qui demandent… que l’on soit prudent !

Si on ne peut que se réjouir de voir certains pays en difficulté profiter de l’allègement de leur dette pour aider à sauvegarder une partie de leur patrimoine écologique, il n’en reste pas moins qu’il s’agit là d’une ingérence dans les choix de développement de ces pays. Et surtout, ceux qui sont en très grande difficulté financière, en sont exclus. Enfin, comme le précise Natixis dans un de ses documents à l’usage de ses investisseurs : « La forte vulnérabilité climatique des pays en voie de développement ainsi que leurs grandes difficultés à rembourser leurs dettes constituent une menace pour la stabilité financière mondiale. »

Les différents créanciers qui acceptent d’annuler une partie de la dette de pays ne le font pas par activisme écologique, mais pour sauver leur monde économique. Sans compter qu’au delà de la mainmise financière des pays riches sur les pays en développement, les premiers se posent en donneurs de leçons alors même que les plus gros écocides liés notamment à l’exploitation minière, à la surpêche ou à la conquête spatiale (voir nos articles sur ces sujets) sont en fait commis par ces mêmes pays créanciers des pays en développement…

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