Paul Watson a passé les 50 dernières années à défendre les océans. Le 21 juillet 2024, il est arrêté par la police danoise à bord d’un des bateaux de Sea Shepherd, l’association qu’il a créée en 1977, à la suite d’un mandat d’arrêt international. Le défenseur des baleines est-il un dangereux terroriste ?
Une vie à défendre les océans
Paul Watson a 20 ans quand il commence à militer pour la sauvegarde des océans, dans un mouvement dénommé « dont make a wave ». Une association qui va prendre le nom de Greenpeace en 1971. Pour faire connaître leurs actions et alerter sur les dangers qui guettent la planète, les volontaires n’hésitent pas à monter des opérations médiatiques et/ou coup de poing.
C’est notamment le cas avec la campagne pour la sauvegarde des bébés phoques, menée avec Brigitte Bardot, directement sur la banquise. La presse du monde entier se passionne pour le combat de l’actrice et Paul Watson n’hésite pas – devant les caméras – à s’enchaîner aux ballots de peaux de phoques. Les chasseurs, eux non plus, n’hésitent pas et remontent le produit de leur travail à bord de leurs bateaux. Paul passe à l’eau – gelée – plusieurs fois. Le danger est réel mais qu’importe les risques : il faut alerter et faire cesser le massacre ! Mais ces actions aussi symboliques que médiatiques déplaisent en haut lieu et les têtes pensantes de Greenpeace excluent Paul Watson des instances dirigeantes de l’ONG. Trop radical !
Des combats justifiés mais des méthodes… controversées
1977 : Paul créé la Sea Shepherd (berger des mers), en référence à son combat pour la sauvegarde des bébés phoques – blancs comme des moutons – que des chasseurs dépècent vivants pour récupérer leur fourrure. Les opérations de Sea Shepherd s’enchaînent. Elles sont parfois et même souvent risquées face à des braconniers qui ne respectent pas les lois internationales. La méthode choisie est simple et efficace : les activistes se mettent en travers du chemin des pêcheurs ou des chasseurs pour les empêcher d’abattre leurs proies.
En 1979, Paul Watson passe un cap : un baleinier pirate, le Sierra, est sabordé au large des côtes portugaises. Depuis, l’association affirme avoir coulé ou endommagé une dizaine de bateaux aux pratiques illégales. Des opérations extrêmes, dangereuses, qui n’ont, à ce jour, jamais fait de victimes. Mais qui ont, souvent, amené Sea Shepherd et ses dirigeants devant les tribunaux. Pour se défendre, les avocats de l’ONG invoquent la Charte Mondiale pour la Nature des Nations Unies. Un texte qui enjoint les ONG et les particuliers à faire respecter le droit international. Sea Shepherd endosse un rôle – à ce jour inexistant – de « police de haute mer ». Un comble pour des pirates ! Une posture qui ne plait pas forcément à tout le monde.
Paul Watson, l’homme qui ne laisse pas indifférent
On peut ne pas aimer le personnage Paul Watson. Son image de pirate agace. Ses choix de privilégier l’écologie du spectacle et les retombées médiatiques, aussi. Ses méthodes à la limite de la légalité peuvent être critiquées tout comme ses fréquentations et certains de ses discours. Il maintient, par exemple, son amitié sans faille à Brigitte Bardot – quelles que soient les saillies politiques et les déclarations limites racistes de l’ancienne actrice – au point de baptiser l’un de ses bateaux du nom de l’égérie de la cause animale et supportrice revendiquée, à l’époque, du Front National.
Le patron de Sea Shepherd prône aussi des positions controversées. Il a notamment écrit qu’il faudrait « limiter la natalité » et « suivre une formation de six mois (… pour avoir) un diplôme certifiant que l’on est suffisamment responsable » pour devenir parent ! Un discours qui ne passe pas toujours très bien…
Watson est radical et il l’assume : il demande, par exemple, toujours aux jeunes bénévoles qui veulent embarquer sur l’un des bateaux de la flotte « s’ils sont prêts à risquer leur vie pour sauver une baleine ». Sur ces mêmes bateaux, la parole du capitaine est littéralement parole d’Évangile. Et gare à celui ou celle qui oserait la remettre en question.
Alors oui, le caractère bien trempé du septuagénaire agace. Au point que les membres du CA de la Sea Shepherd Conservation Society – la branche américaine de l’ONG – et de la Sea Shepherd Global basée à Amsterdam ont… exclu le fondateur. Les « mutins » trouvaient les méthodes du vieux pirate contre productives. Fini les actions radicales, place aux négociations et discussions. Sea Shepherd doit vivre avec son temps et changer de paradigme (voir ici pour en savoir plus). Exactement comme en 1977 avec Greenpeace.
Mais on ne peut nier que les combats portés par Watson ont un écho mondial qui oblige les politiques à interdire certaines chasses ou pêches dans leurs eaux territoriales. Et ça marche : Sea Shepherd prétend aussi avoir empêché le massacre de plus de 5 000 baleines en s’interposant face aux baleiniers. Un bilan plus que positif !
Contre la chasse – illégale – à la baleine des bateaux japonais
Le combat de Sea Shepherd est-il justifié ? Clairement. Mais cela n’empêche pas les problèmes. Les actions contre la chasse à la baleine – illégale – en sont l’exemple frappant. Depuis 1986, les seuls « prélèvements » de baleines autorisés le sont pour des raisons scientifiques ou traditionnelles dans des cas très spécifiques et pour des populations autochtones. Le Japon, l’Islande et la Norvège continuent pourtant – sous le prétexte scientifique – de tuer plusieurs centaines d’animaux tous les ans.
Alors Watson et la flotte des bateaux de l’association Sea Shepherd n’hésitent pas à se mettre en travers du chemin des baleiniers, notamment japonais. Au sens figuré, mais aussi au sens propre. Les volontaires se positionnent entre les navires usines des baleiniers et leurs proies, au risque de leur propre vie. Le combat entre le Japon et l’ONG dure depuis plusieurs décennies.
Le 11 février 2010, le bateau de Sea Shepherd est face à un baleinier, le Shonan Maru 2 dans les eaux antarctiques. Les défenseurs des animaux lancent des boules puantes en direction du bateau japonais. Un marin est blessé.
Quatre jours plus tard, la Sea Shepherd s’approche du même baleinier. Un membre de l’association tente de monter à bord pour présenter une facture. Pourquoi une facture ? Un mois auparavant (le 6 janvier), le Shonan Maru 2 a volontairement foncé sur l’Ady Gil, un trimaran de Sea Shepherd et l’a gravement endommagé. Le baleinier est protégé par des filets anti-intrusion. Pour monter à bord, l’un des activistes ose le découper.
La justice japonaise fait appel à Interpol pour que Watson écope d’une « notice rouge » demandant son arrestation pour avoir blessé un marin japonais (avec une boule puante) et destruction de bien (le filet anti-intrusion).
C’est factuellement tout ce que reproche la justice nippone à Paul Watson. Des actes certes répréhensibles mais qui ne justifient peut-être pas d’être incarcéré depuis le 21 juillet 2024 au Groënland, en attente d’une potentielle extradition vers le Japon.
Libération extradition ou… devenir Français ?
Paul Watson n’est sûrement pas un saint. Homme d’actions, radical, entier, énervant, il choisit ses combats. Avec une constance et une opiniâtreté qu’il faut bien lui reconnaître.
Il est aujourd’hui en prison au Groenland depuis le 21 juillet en attente d’une décision de la justice danoise concernant son extradition potentielle vers le Japon où la justice est, il faut tout de même le rappeler, particulière (voir le rapport de Human Rights Watch ou encore ici).
Mais au-delà des questionnements sur le fonctionnement de la justice nippone qui reste fondée sur les principes d’un état de droit, c’est la réalité des charges retenues contre Paul Watson depuis 2010 qui pose question.
Watson est en prison et attend de savoir ce que lui réserve les justices danoises et japonaises. Il a officiellement demandé à être naturalisé Français, espérant qu’être ressortissant du pays des droits de l’homme l’aiderait à se sortir de sa prison et du guêpier dans lequel il se trouve. La France dit étudier cette demande…
Pendant ce temps, le Japon vient de mettre à l’eau un tout nouveau navire usine baleinier, le Kangei-Maru, de 100 m de long et capable de tuer, conditionner et stocker au moins 200 baleines.
Il est vraiment temps que Paul Watson sorte de sa geôle et puisse repartir en mer pour empêcher ce massacre qui est, faut-il le rappeler, illégal.