Depuis plusieurs années, les retours des nombreux amis de SEAtizens en navigation autour du monde sont formels : les coraux vont mal et souffrent de plus en plus. Et particulièrement la Grande Barrière de Corail en Australie. Mais qu’en est-il vraiment ? Une étude, qui vient de paraître, démontre de manière formelle ce que nous pressentions. La Grande Barrière de Corail est victime du dérèglement climatique. Ce bouleversement va profondément impacter cet écosystème particulièrement fragile…
La Grande Barrière de Corail est une véritable œuvre d’art, unique et naturelle. Avec ses 2 300 km de long, elle est le récif corallien le plus grand du monde couvrant une surface de 344 400 km2. La Grande Barrière de Corail est située en mer de Corail (la bien nommée) au large du Queensland, au nord-est de l’Australie. Elle est composée, d’après les chiffres officiels, de 2 900 récifs et quelques 600 îles. Elle est surtout la plus grande structure vivante biogénique au monde. Biogénique ? C’est à dire qu’il s’agit d’une structure créée totalement et uniquement par des organismes vivants. Et rappelons qu’un récif corallien est vivant, se développe, se multiplie, mais aussi… peut mourir !
Depuis 1981, la Grande Barrière de Corail est inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO et CNN l’a même propulsée au rang de l’une des sept merveilles du monde moderne. La Grande Barrière est un lieu de vie exceptionnellement riche, visible même de l’espace. Les spécialistes qui l’étudient sans cesse depuis des décennies, estiment qu’elle est formée de plus de 350 espèces de coraux de toutes tailles et aux couleurs incroyables. Elle abrite pas moins de 1 500 espèces de poissons et crustacés. Un véritable éden sous-marin…
Seulement voilà, ce grand paradis est en danger !
Si une large partie de la Grande Barrière est d’ores et déjà protégée – un parc marin a été créé dès 1975 pour la prémunir des activités humaines trop invasives comme la pêche ou le tourisme de masse – elle n’en est pas moins en sursis. De 1985 à 2012 ; plusieurs études ont montré que le récif avait perdu jusqu’à la moitié de sa surface corallifère. Le blanchissement des coraux est aussi un problème majeur. Ce phénomène arrive lorsque la température de l’eau varie de manière trop brutale ou selon une amplitude trop importante ou encore en cas de stress impactant les coraux.
Pour comprendre le pourquoi de ce blanchissement, il faut savoir qu’un récif corallien est une merveille de la nature, la symbiose parfaite entre un animal, le polype, et des algues unicellulaires. Ces dernières, lors de la photosynthèse, libèrent des nutriments dont le polype se nourrit. Les algues vivent bien protégées à faible profondeur et donc en pleine lumière – dont elles ont besoin – installées sur les coraux. Ceux-ci deviennent ainsi le lieu de vie et de reproduction de centaines d’espèces de poissons ou de crustacés. Le système permet à tout le monde de prospérer. Seulement voilà : en cas de stress, comme par exemple si la température de l’eau augmente ou baisse dans une proportion trop importante, si la salinité change ou si des composants toxiques atteignent le récif, le corail – stressé – expulse les algues. Il ne reste alors plus que le squelette calcaire et donc blanc, du corail. D’où le nom de blanchissement. Si le retour à la normale intervient rapidement, les algues reviennent nourrir leur hôte et tout rentre dans l’ordre. Mais si le stress dure plus de quelques semaines, les algues ne reviennent pas et le corail meurt… de faim !
Ces dernières décennies, ce sont trois épisodes de blanchissement qui ont été à déplorer en1997/1998, 2010, 2016/2017.
En 1997/98, les scientifiques estiment que 16% des coraux dans le monde en sont morts. En 2010, le phénomène fut de moindre ampleur, mais celui de 2016/2017 aurait affecté 38% des coraux dans le monde. Ce qui est inquiétant, c’est qu’en 1997, la hausse de la température de l’eau n’avait été « que » de 0,3 à 0,5° C. En 2016, elle se situait entre 1 et 2°C…
Et aujourd’hui ?
Le résultat de l’étude publiée en octobre 2020 dans le journal scientifique « Proceedings of the Royal Society » est sans appel : depuis 25 ans, la moitié des coraux de la Grande Barrière a disparu. Dans certaines zones situées les plus au nord, ce sont 80 à 90% de certaines espèces de coraux qui sont morts.
Alors, pour lancer un cri d’alarme et pour que cette étude touche le plus grand nombre, Terry Hugues, co-auteur de l’étude en question et professeur à l’université James Cook (Australie) a utilisé les réseaux sociaux, avec un message sobre et clair sur twitter « Notre dernière recherche publiée (aujourd’hui) montre les changements drastiques de la Grande Barrière de Corail au cours des vingt-cinq dernières années – presque toutes les espèces de coraux ont décliné, la mixité des espèces a changé, la taille des colonies est plus petite et on trouve moins de coraux juvéniles ».
Concrètement, les auteurs Andreas Dietzel, Michael Bode, Sean R. Connolly et donc Terry Hugues ont conclu de leurs recherches que les récifs de la Grande barrière de Corail n’allaient pas bien du tout. Les espèces les plus grandes ont été les plus touchées au point d’avoir complétement disparues de certaines zones. Pourtant ces coraux en forme de table ou à fortes ramifications sont essentiels à tout l’écosystème de la Grande Barrière. C’est là que nombre de poissons et autres crustacés se réfugient, dans les coins et recoins qu’ils offrent. Et sans cette protection, c’est l’équilibre général qui peut être – irrémédiablement – détruit.
D’après cette étude, les tailles et l’abondance des colonies ont déjà changé démontrant que la santé de la Grande Barrière n’est pas bonne. La démographie des coraux est sur le déclin. La question est : est-ce définitif ?
Une autre étude, publiée dans Science en janvier 2018, expliquait déjà que le phénomène de blanchissement dû à l’augmentation de la température de l’eau avait lieu auparavant tous les 25 ou 30 ans en moyenne contre tous les 6 ans aujourd’hui.
Par ailleurs, elle nous rappelle que ce phénomène était marginal avant les années (19)80.
Alors, les récifs coralliens sont-ils d’ores et déjà condamnés ? Impossible à dire pour le moment, même si leur capacité à résister au stress semble bien être le principal défaut dans leur cuirasse. Ce qui est certain, c’est qu’un quart des 250 000 espèces marines recensées dans le monde, ont besoin des récifs coralliens pour se nourrir ou se reproduire et que 500 millions d’humains dépendent de ces mêmes récifs quotidiennement pour assurer leur subsistance…
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