Ecologie : Parfois certains souvenirs nous invitent à ne pas juger les actes d’hier avec nos valeurs d’aujourd’hui. Mais ils nous encouragent plutôt à nous questionner sur le regard que nous porterons plus tard sur nos habitudes actuelles.
Notre ami Alain Connan, qui a passé la moitié de sa vie comme marin dans la “marmar” (Marine Marchande) et l’autre moitié comme marin militant (Greenpeace, la flottille de la liberté, Hommage…), nous racontait une histoire édifiante. Lorsqu’il était jeune Marin dans les années 50, il touchait une prime de dégazage. Ni lui, ni l’armement, ni la société en générale ne se posaient plus de questions sur le sujet. Mais plus d’un demi-siècle d’engagement plus tard, l’évocation de ce geste lointain provoque chez lui un profond étonnement. Comment a-t-il pu participer à cette pratique, aujourd’hui impensable, de nettoyage des cuves de fioul avec de l’eau de mer rejetée directement au large ?
Cousteau, précurseur de l’écologie marine et homme de son temps
Par ailleurs, dans une intervention en 2018, Gérard Mordillat critique Le Monde du silence de Cousteau qu’il qualifie de “naïvement dégueulasse”.
On y voit en effet l’un des premiers grands lanceurs d’alertes écologistes recenser la population de poissons d’un lagon à la dynamite et son équipage s’accrocher à des tortues marines jusqu’à la limite de l’étouffement ! Mais la scène la plus dérangeante est le moment où l’équipage s’acharne longuement sur un groupe de requins pour venger un cachalot tué par un coup d’hélice de l’Alcyone. La crise de folie de l’équipage qui s’ensuit est stupéfiante. Louis Malle, co-réalisateur du film, dira 10 ans plus tard que « l’équipage est devenu fou, pour tuer du requin” notamment parce que cet “animal fait tellement peur et [qu’il est] tellement loin dans la chaîne des espèces ».
Bien évidemment aujourd’hui, cette hécatombe dérange et écorne l’image que nous conservons du Commandant. Il n’en reste pas moins que Cousteau a agi à la fois comme un homme de son temps et comme un grand visionnaire qui aura montré la voie de l’écologie marine.
Ce cheminement des valeurs est passionnant.
A chaque époque ses questionnements
Notre rapport à la mer a déjà beaucoup évolué depuis l’époque où nous considérions la mer comme une poubelle sans fond. En effet, il y a seulement quelques décennies, il n’était pas choquant d’enfouir du gaz moutarde de la 1ère Guerre Mondiale ou de stocker 25 000 barils de DDT au fond de l’eau.
Nous sommes peut-être en train de vivre un chapitre que nos arrière-petits-enfants liront dans leurs livres d’Histoire comme celui du tournant écologiste de l’humanité. En tout cas, nous devons tout faire pour cela. Mais il convient aussi de nous interroger sur le regard que nous porterons dans quelques années. Les pratiques qui paraissent banales aujourd’hui nous sembleront certainement barbares dans peu de temps.
Ainsi, la mer ne peut pas absorber à l’infini notre CO2, nos déchets plastiques et l’eau radioactive de Fukushima. Elle n’est pas non plus un supermarché infini à notre disposition…