Une fois n’est pas coutume, nous avons souhaité présenter un projet qui ne porte pas directement sur les océans, mais plus largement sur l’eau. “Madame Water” est un projet artistique global qui vise à explorer et “rendre visible” le parcours de l’eau en remontant son cours depuis les villes vers les lacs de montagne en passant par les rivières. Un projet artistique qui se traduit par plusieurs expositions photographiques et des films documentaires afin de sensibiliser à la nécessité de préserver cette ressource.
L’Eau, c’est la vie !
Le monde entier est composé d’eau. Depuis les plus hauts sommets, du plus profond de la terre et jusqu’aux océans, elle sculpte notre environnement. Elle modèle les paysages, et partout où elle passe, c’est la vie qui démarre. Dans les villes, sous les couches de béton, l’eau coule. Elle traverse les immeubles, court sous les rues et les boulevards. L’homme a toujours cherché à maîtriser, domestiquer, canaliser l’eau pour sa propre survie ou son confort. Mais nous avons tendance à oublier à quel point elle est précieuse, fragile, vivante. De temps en temps, l’eau nous rappelle à l’ordre. Sa colère peut être terrible lorsqu’une rivière sort de son lit, quand une tempête fait rage, ou si un glacier s’effondre… Et elle devient une véritable obsession lorsqu’elle vient à manquer lors d’une sécheresse.


Il semble alors important de redonner à l’eau toute sa place et rappeler à l’homme qu’un peu d’humilité ne peut pas faire de mal, bien au contraire. C’est en partant de ce constat que le photographe Martin Colognoli a décidé de créer le projet “Madame Water”. L’idée est de “rendre visible l’invisible, comprendre le parcours de l’eau que nous buvons, explorer les rivières, lacs et sources d’altitude”. Ainsi, le fondateur de l’ONG Coral Guardian, s’est lancé en juin 2024 dans une nouvelle aventure qui vise à réaliser des expéditions photographiques à la rencontre des “écosystèmes d’eau douce et des personnes qui vivent en lien avec cette ressource précieuse”. Le projet allie donc l’exploration photographique à la recherche scientifique et aux récits humains dans un but pédagogique et de sensibilisation.
Les explorations de Madame Water
Ces expéditions ont déjà donné lieu à plusieurs expositions originales. “Vestiges : L’eau en ville, mémoire des objets oubliés”, est un documentaire photographique urbain qui met en lumière la mémoire matérielle de l’eau. Un témoignage de ce qui a disparu et de ce qui demeure ou qui a été abandonné par l’homme. L’eau s’avère être une gardienne de cette mémoire, malgré elle, souvent contre elle.

Toujours en cours, le projet d’exploration “H2ORIGINE : Retour à la source” plonge au cœur des torrents d’altitude où l’eau est la plus pure. On y découvre tout un monde en mouvement. Des formes diverses invitent l’observateur à réfléchir sur les enjeux du réchauffement climatique et la pollution des cours d’eau. Cette exposition a déjà rencontré un vif succès au sein des espaces culturels de la Mairie de Lambesc en septembre 2024 et de la Mairie du 2e arrondissement de Lyon en février 2025.
Enfin, lancée en mai 2025, la nouvelle exploration intitulée “Eaux cachées” vise à partir à la rencontre des rivières souterraines, des fontaines oubliées ou encore des canalisations fantômes. Une manière de prendre conscience de l’omniprésence de l’eau en milieu urbain. Une exposition est prévue à Lyon en septembre 2025.

Entretien avec le fondateur de Madame Water, Martin Colognoli
Après des années passées à travailler pour Coral Guardian, un projet de réhabilitation des récifs coralliens dans le monde, qu’est-ce qui vous a poussé à élargir votre engagement aux parcours de l’eau douce ?
Je n’ai absolument pas quitté les océans ! Mon engagement pour les récifs coralliens est toujours très fort, mais il s’exprime différemment aujourd’hui : à travers l’éducation, la sensibilisation, et l’association entre photographie et science. Je propose des conférences inspirantes et des expositions photographiques immersives au sein de musées. L’eau douce constitue une continuité naturelle vers l’océan, essentielle à la vie terrestre. En revenant vers les Alpes, j’ai ressenti la nécessité d’agir localement pour préserver cette ressource vitale et si proche de nous.
Quelles sont les collaborations scientifiques que vous entretenez dans le cadre du projet “Madame Water” ?
L’ambition du projet Madame Water est de rendre accessibles au grand public des connaissances scientifiques de pointe. Nous travaillons progressivement avec divers spécialistes, qu’ils soient biologistes aquatiques, glaciologues, climatologues ou encore chimistes. Nous souhaitons offrir une vision transversale de l’eau, en illustrant ses multiples facettes et les enjeux liés à sa préservation grâce à des témoignages de chercheurs reconnus.
De quelle manière une démarche artistique comme la vôtre peut avoir un impact sur le grand public et faire évoluer les consciences ?
Notre objectif est de proposer un autre regard sur l’eau, en la montrant sous des formes inédites, captivantes et émotionnelles. À travers des documentaires photographiques immersifs, des expositions publiques et des récits humains, nous souhaitons reconnecter le public à cette ressource vitale et souvent négligée. L’art agit comme un puissant vecteur de sensibilisation, en facilitant la prise de conscience collective sur l’urgence de protéger l’eau, véritable lien entre tous les êtres vivants.
Quel message souhaitez-vous adresser aux générations futures ?
Mon message aux générations futures est simple : concentrez-vous sur l’écosystème dans lequel vous vivez, préservez-le, battez-vous pour qu’il demeure aussi sauvage et authentique que possible. Cette philosophie, je l’ai apprise en passant des années aux côtés des communautés locales en Indonésie. Ces populations protègent intuitivement leur environnement car leur vie en dépend directement. Apprenons de leur sagesse pour bâtir un monde où l’humain vit en harmonie avec la nature.
Que l’on soit sensible ou non à l’image, l’art photographique reste un langage universel, compris dans le monde entier et qui permet d’aborder tous les sujets, même quand les mots manquent. Et s’il est une matière qui se passe bien des mots pour donner la vie ou la reprendre c’est bien l’eau. Pas d’arme, pas de sommation, juste un mouvement, parfois insensible, suffit à modifier le cours de la vie de milliers de personnes. Alors prenons le temps de regarder, les yeux grands ouverts, cette eau qui dort.