Nos médicaments modifient le comportement des poissons… et c’est (très) inquiétant !

Lorsque nous prenons des médicaments, une partie des substances actives se retrouvent – via les toilettes – dans les eaux usées puis… dans les cours d’eau et enfin dans la mer. Ces traces infinitésimales ont-elles une influence sur la faune et la flore ? Oui, réponds une étude et le moins que l’on puise dire, c’est que cela fait froid dans le dos !

Petit précis d’anatomie et de physique

Nous le savons depuis le collège – et depuis Lavoisier -, dans notre univers, « rien ne se perd, rien ne se créé, tout se transforme ! ». Il en va de même des médicaments que nous prenons pour nous soigner. 

Lorsque nous ingérons un médicament, il subit dans l’organisme une altération chimique pour diffuser ses substances actives et faire son office : nous soigner. La suite de son parcours est simple : il est ensuite éliminé en grande partie par les reins dans l’urine ou par excrétion dans la bile. Bref, il n’en reste rien… ou quasiment !

Et c’est ce « quasiment » qui pose problème au point d’avoir retrouvé certaines substances dans le cerveau du saumon atlantique.

Comment est-ce possible ? 

Des poissons contaminés sur l'étal d'un poissonnier
Avant de finir sur l’étal de nos poissonneries, certains poissons auront ingurgité des résidus de nos médicaments. Et ce n’est pas anodin ! (Photo : Pexels – Mehmet Turgut Kirkgoz)

L’urine, c’est toxique

L’urine est constituée des déchets liquides dont notre corps n’a pas ou plus besoin et dont il souhaite se débarrasser. On y retrouve des toxines mais aussi des bactéries – l’urine n’est absolument pas stérile comme on le pense trop souvent – et des résidus des médicaments que nous ingurgitons. Une fois dans les toilettes ces déchets se retrouvent dans les égouts puis aboutissent dans des stations d’épurations pour être traités. L’eau qui sort de ces stations est rejetée dans la nature et est censée être parfaitement pure. Mais ce n’est pas entièrement le cas, même avec les stations d’épuration les plus modernes. Une infime partie des médicaments qui nous sont prescrits et que nous ingérons d’une manière ou d’une autre se retrouve donc… dans les fleuves puis dans les mers. Et ce n’est pas une vue de l’esprit, puisqu’on en retrouve des traces dans les poissons…

Des résidus médicamenteux dans le cerveau des saumons

L’étude publiée récemment dans la revue Science s’intitule : « Pharmaceutical pollution influences river-to-sea migration in Atlantic salmon (Salmo salar) » (la pollution pharmaceutique influence la migration entre rivière et mer chez le saumon atlantique). Les scientifiques à la tête de cette recherche se sont inquiétés du fait que les médicaments rejetés par l’homme dans les eaux usées se retrouvent de plus en plus dans les cours d’eau naturels. Selon leur fonction initiale, ces composés peuvent influencer les espèces sauvages de multiples façons, de la santé au comportement. Mais à quel point ?

Les poissons, mais aussi les vertébrés aquatiques ont un cerveau qui partage de nombreuses voies d’action avec les mammifères – donc avec nous – et pourraient donc être particulièrement sensibles aux substances médicamenteuses que nous envoyons de plus en plus dans leur environnement. 

Sur le terrain, les scientifiques ont découvert un polluant aquatique assez courant et que l’on retrouve dans les cours d’eau du monde entier, le clobazam, une benzodiazépine psychoactive utilisée pour traiter certains troubles convulsifs. Et du clobazam, on en trouve aussi dans le cerveau du saumon atlantique. Et en quantité suffisamment importante pour imaginer que le comportement des animaux puisse en être modifié. C’est en tout cas l’idée de départ de la fameuse étude de Science. 

L’étude a duré plusieurs années, en laboratoire comme en milieu naturel. Et les conclusions sont assez inquiétante : les scientifiques ont démontré que le clobazam  s’accumule dans le cerveau des poissons exposés. Mais ce n’est pas tout, la substance influence le succès de la migration des rivières vers la mer. « L’exposition au clobazam a augmenté la vitesse à laquelle les poissons ont traversé deux barrages hydroélectriques le long de leur route de migration, ce qui a entraîné un plus grand nombre de poissons exposés au clobazam atteignant la mer par rapport aux témoins », nous explique ainsi l’étude. « Nous pensons que de tels effets peuvent provenir d’une modification du comportement de regroupement des poissons exposés au clobazam. Les changements de comportement induits par les médicaments devraient avoir de vastes conséquences sur l’écologie et l’évolution des populations sauvages » continuent de nous expliquer les scientifiques. 

Banc de poissons en mer
Tout ce qui vient de la mer n’est ni forcément sain, ni bon pour la santé… Nous polluons – aussi – les océans ! (Photo : Pexels – Harrison Haines)

A noter qu’une étude parue en 2022 dans les Proceedings of the National Academy of Sciences démontrait que dans 256 rivières sur les 258 testées dans le monde (dans 106 pays), des résidus de médicaments étaient présents. Les 2 rivières exemptes de cette pollution sont – ou plutôt étaient car l’étude a déjà 3 ans – en Islande et dans un village yanomani au Venezuela…   
Nous ne sommes pas – encore – dans un scénario de film d’horreur digne d’Hollywood, mais nous commençons sacrément à nous en rapprocher… De là à se poser la question d’arrêter de manger du poisson, il n’y a qu’un pas que chacun est libre de franchir, ou pas !

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