Matthieu Vincent est un architecte naval qui a participé à la Mini-Transat 2019. Dans la continuité de notre article La Mini : une grande famille sur un petit bateau, Matthieu nous raconte comment il a vécu sa course aussi bien dans les préparatifs que dans la traversée.
Pour toi la Mini, c’est quoi ?
La mini, c’est plein de personnes de milieux divers et variés qui partagent une expérience un peu hors du commun, pendant 2 ans. Chacun arrive avec ses objectifs. C’est plus ou moins un rêve pour tout le monde. Et le fait que cela soit une compétition sans argent, où il y a beaucoup de premières fois, ça tisse des liens très forts. On découvre ensemble, on apprend ensemble et du coup, on se serre les coudes.
De ton côté, pourquoi tu as décidé de faire la Mini ?
Ça faisait 3 ans que je bossais à La Rochelle et j’étais dans une phase un peu plan-plan, trop confortable. Je fais de la voile en compétition depuis que je suis jeune, notamment en planche à voile. J’étais passé dans une zone de confort et j’avais envie et besoin d’en sortir. Le solitaire était aussi un mystère que je voulais essayer. Et la Mini était la solution parfaite pour le faire. J’avais un pote de promo à La Rochelle et on s’est lancé à deux, chacun sur son bateau.
Comment tu t’es lancé une fois que tu as pris la décision ?
Et bien au début, tout le monde commence au même niveau, il faut chercher des sponsors, parce que le budget Mini est tout de même conséquent ! Moi, j’ai eu de la chance, le timing a été bon et j’ai pu avoir un sponsor assez rapidement.
De mon côté, j’ai longtemps hésité entre “proto” et “série” (Voir notre article : La Mini : une grande famille sur un petit bateau). Étant architecte naval, j’avais une idée d’un proto avec foils, quelque chose de très simple. Mais, en discutant avec plusieurs personnes, je me suis rabattu sur un voilier de série. J’avais envie de profiter, de naviguer ; et en proto, c’était plutôt compliqué. Tu passes plus de temps au ponton ou hors d’eau à bricoler que sur l’eau à naviguer.
Puisque j’avais envie de partir en mode compétition, je voulais soit un “Maxi” neuf, soit un “Pogo 3” neuf ou de très bonne occasion. J’ai finalement fait construire Eliott, un “Pogo 3”. C’est le 947. [NDR : Pour ceux qui se le demandent, un Maxi ou un Pogo 3, correspondent à deux modèles de mini. Le Maxi a comme particularité une étrave arrondie. Le Pogo 3 est quant à lui un plan Guillaume Verdier produit sur les chantiers Pogo.]
A ce niveau là, tu as ton bateau, c’est quoi la suite pour participer à la Mini ?
Il faut avouer que c’est un petit parcours du combattant ! Tu dois faire 1500 milles en courses ; sachant que lorsque tu fais des courses, il y a plusieurs grades, A, B, C. Et si tu veux faire des courses de grade A qui sont assez longues, tu dois d’abord faire des courses de grade B ou C… En grade A, il y a ensuite deux courses réalisables : Les Sables-les Açores-les Sables (SAS) et la Mini Transat.
En plus de ces régates, tu dois faire un parcours de qualification de 1000 milles, hors course, en solo. Il y a entre autres un carnet de bord assez complet à tenir. C’est une sacrée expérience, parce que sinon, tu es toujours avec du monde. Et là, on te conseille fortement de le faire vraiment tout seul, de ton côté. Au début, je devais le faire avec mon pote. Mais j’ai dû rebrousser chemin, parce que j’avais pété un safran. Et finalement, je suis reparti la faire en solo après.
Puis, les premiers à avoir rempli les “qualifs” sont pris. Et il y a environ 80 places.
Comment se passe cette préparation à la Mini transat entre les entraînements, les cours et la préparation des bateaux ?
En gros, tu as un peu deux types de profils pour la préparation. Cela dépend vraiment du temps que tu as ! Moi, j’étais à Lorient et on était une douzaine à être à plein temps ! Grosso modo, le rythme c’était 4-5 jours de stage tous les 15 jours. Avec un “entre stage” bricolage, un peu de repos et un gros chantier d’hiver en plus.
Mais la majorité des personnes travaillent à plein temps pendant la préparation de la course, et naviguent environ un week-end sur deux.
On dit que les “ministes” c’est une grande famille : tu peux nous en dire un peu plus ?
Pendant la Mini, la vraie course, tu passes beaucoup de temps avec tous les concurrents et tu rencontres plein de gens ! Niveau esprit, on se serre les coudes ! Si quelqu’un pète un bout dehors à l’entraînement et qu’un autre en a un “en spare”, il le lui file. Mais plus, on avance dans les préparatifs, plus on a tendance à garder quelques détails pour nous même ; surtout quand on joue pour la gagne !
Une fois les qualifications et préparatifs passés, c’est vraiment le départ, tu te retrouves seul sur l’eau. Comment as- tu vécu ça ?
Honnêtement, tout ne s’est pas déroulé exactement comme prévu. Personnellement, j’étais parti pour faire un podium et j’étais totalement capable d’en faire un ! Sur les courses d’avant saison, j’étais régulièrement dans la tête de course. Et je gagne même la dernière course de la saison : la Transgascogne.
A la première étape de la Mini, je fais 3ème, c’était top ! Par contre, durant la deuxième étape, j’ai eu quelques problèmes de pilote, j’ai passé un “spi” à l’eau et j’ai perdu beaucoup de temps.
La 2ème étape, c’est l’autoroute. Globalement, au portant, tout le monde va à la même vitesse. Et puisque j’avais pris du retard, j’ai essayé de prendre une option nord, avec une cellule orageuse et des vents forts. Mais j’ai peut-être été un peu trop au nord et ça n’a pas payé… Je finis 7ème de la deuxième étape, avec de la déception, parce que j’avais toutes les capacités pour faire bien mieux. Je n’ai pas eu de chance mais c’est le jeu. Après, je continue de naviguer, et j’ai toujours la niak pour mes projets futurs !
D’ailleurs quels sont tes projets en cours ? La prochaine Mini en proto ?
Je ne sais pas si je ferai une deuxième Mini en proto. Ce qui me manque c’est la compétition et la navigation. Pour faire la course en proto, il faut être plutôt “bricolo” et débrouillard. En plus, ce sont vraiment des bateaux fragiles ! Je ne sais pas si je serai prêt à consacrer tout le temps que ça nécessite. Si j’avais beaucoup d’argent et de temps, certainement ! Mais ce n’est pas encore le cas (Rire) !
Je souhaitais continuer sur un projet “Figaro”. Mais, entre-temps, le Covid est passé par là, et ça a un peu redistribué les cartes… Mais je ne me ferme pas la porte !
Après, c’est une autre dynamique, parce que la “Figaro”, tu la fait en mode professionnel. Tu as quelqu’un qui t’entraîne, quelqu’un qui gère la communication. Bref, une vraie cellule autour de toi pour que tu te consacres corps et âme au projet !
L’idée est là, il n’y a plus qu’à la mettre en place !