La première tôle du futur paquebot a été découpée en 2021. Initialement prévue en 2023, la mise en service de « Icon of the Sea » a été repoussé à 2024 à cause de la pandémie de Covid 19. A quelques mois des toutes premières croisières, petit retour chiffré sur le plus grand paquebot jamais construit…
Le bateau des superlatifs
Le dossier de presse Royal Caribbean Cruise Line est dithyrambique : « Icon of the Sea », le tout premier paquebot de la classe « Icon » (l’armateur a déjà commandé deux autres navires de cette même taille) est le bateau des superlatifs.
365 mètres de longueur (la tour Eiffel ne mesure « que » 330 m), 20 ponts, 7 piscines (dont la plus grande piscine jamais construite sur un navire), 6 toboggans aquatiques, 9 bains à remous, 20 options de restaurations à bord et 15 lieux d’animations et de music live vont permettre aux 7600 passagers et 2350 membres d’équipage soit pratiquement 10 000 personnes de passer « les meilleures vacances en famille au monde (…) les meilleurs moments de votre vie plusieurs fois par jour » dixit le site internet de l’armateur. Un rêve sur l’eau.
Pour vous donner une idée des dimensions hors normes de cet immeuble flottant, « Icon of the Sea » mesure 96 mètres de plus que le fameux « Titanic » qui ne possédait que 10 ponts et n’embarquait que 2471 passagers. Enfin, le « Titanic » a couté 1,5 millions de Livres Sterling en 1912 (équivalent à environ 190 millions de US dollars d’aujourd’hui) contre… 1 milliard de dollars (certaines sources parlent du double) pour « Icon of the Sea »… Le prix de la démesure.
Des promesses et des questions…
Si le bateau doit commencer ses rotations avec ses passagers début 2024 aux Antilles, il a commencé ses premiers tests en navigation au début de l’été 2023 en Finlande, lieu de sa construction au chantier de Turku. L’armateur en a profité pour essayer de démontrer les énormes progrès réalisés par ce navire en matière environnementale. Utilisation d’une pile à combustible, diminution de l’utilisation des plastiques à bord et surtout la bonne nouvelle : « Icon of the Sea » fonctionne ainsi au GNL (gaz naturel liquéfié voir notre article) qui permet de réduire considérablement les émissions de CO2. Les communiqués de presse des croisiéristes qui sont passés au GNL annoncent ainsi avoir divisé par deux les émissions de CO2 par personne et par rapport à ce qui se faisait il y a encore dix ans.
Un mieux évident et dont tout le monde se réjouit… sauf que, le GNL reste un gaz, soit une énergie fossile émettant des gaz à effet de serre : CO2 et méthane. Et le méthane à un pouvoir de réchauffement beaucoup plus important que le CO2 d’après Philippe Conneau de l’Ademe, spécialiste des transports maritimes et fluviaux cité par Radio France. Et le spécialiste de préciser : « si on compare les émissions entre un paquebot au GNL et un autre au carburant liquide à base de pétrole, le gain en termes de gaz à effet de serre est plutôt entre 5 et 10% » (et on ne compte pas les émissions indirectes comme l’extraction du gaz et sa transformation en GNL.
C’est toujours bon à prendre, mais nous sommes loin d’un navire zéro émission. Le GNL offre tout de même un gain énorme concernant les émissions d’oxyde de soufre par rapport au fioul lourd habituellement utilisé comme énergie à bord de cargos et autres paquebots. La pollution dans les ports va être moindre. C’est déjà ça. Mais le gain, en ce qui concerne le dérèglement climatique, est loin d’être aussi optimal que présenté par les croisiéristes.
Pourtant, en 2030, un quart de l’énergie nécessaire aux navires viendra du GNL.Derniers chiffres à rappeler : les bateaux de croisières pollueraient 2,6 fois plus que l’avion (d’après Greenpeace) et pourtant le marché des croisières est en plein boom. La Cruise Line International Association (CLIA) estime que la croissance du marché pourrait atteindre +33% d’ici 2027. Le chiffre d’affaires des croisiéristes a dépassé les 7,67 milliards de dollars en 2022 et devrait atteindre les 18 milliards de dollars en 2030…
Quel avenir pour les paquebots de croisière ?
Face à un tel enjeu financier, la multiplication de paquebots de plus en plus grands est inévitable. Et il est illusoire d’imaginer que ces véritables villes flottantes puissent, un jour prochain, être neutres en émissions de gaz à effet de serre. Seule une volonté politique ambitieuse de limiter le nombre d’escales et la taille des navires pourra contraindre le développement exponentiel et anarchique d’une industrie en plein essor. Venise et Amsterdam viennent d’interdire aux paquebots de croisière d’accoster dans leur port. Un exemple à suivre ?