Vendée Globe : peut-on vraiment protéger les cétacés ?

Sur les neuf premières éditions du Vendée Globe, 200 marins ont pris le départ et seuls 114 ont rejoint l’arrivée. 86 abandons dont beaucoup suite à des collisions avec ce qu’on appelle pudiquement des OFNI (objets flottants non identifiés), qui sont dans la plupart des cas des cétacés. Pour la première fois avec la 10e édition du Vendée Globe dont le départ a été donné le 10 novembre 2024, la course essaye de limiter le carnage.

Des OFNI bien identifiés

Les Objets Flottants Non Identifiés (OFNI) sont une plaie pour la navigation. Il y en a de toutes sortes, allant des containers aux bouées larguées par les scientifiques pour étudier les courants marins, en passant par des billes de bois (voir notre article ICI). Mais ce que l’on trouve le plus en mer – et c’est tout de même une bonne nouvelle – ce sont des animaux marins ! Et souvent, les OFNI percutés par les navigateurs lors des courses au large, sont en fait des cétacés qui se prélassent dans leur zone d’approvisionnement ou de reproduction. 

Voiler lancé à pleine vitesse
Lancés à pleine vitesse, les bateaux qui courent le Vendée Globe sont dans l’impossibilité d’éviter un objet flottant devant eux… (Photo : ©polaRYSE_ES_PaprecArkea)

Début 2024, la course autour du monde des trimarans de la classe Ultim (l’Arkéa Ultim Challenge) a instauré des zones d’exclusion pour tenter de limiter les collisions (voir notre article ICI), d’éviter de blesser ou de tuer les animaux et surtout d’empêcher la casse des bateaux. Sur cette course, et malgré l’instauration de ces zones d’exclusion (là où les animaux sont nombreux – zone de reproduction, d’alimentation ou de migration – et là où il y a eu, par le passé, des collisions répertoriées) quatre des six bateaux en course ont rencontrés des problèmes avec leurs appendices (foils, dérives, safrans qui s’enfoncent profondément dans l’eau). Parce qu’ils ont tapé un OFNI ? Un cétacé ? Les marins ne communiquent que rarement sur ce qui s’est réellement passé. L’image de « tueur de baleines » n’est vraiment pas ce que recherchent les sponsors qui investissent dans la course au large. 

Certains osent briser l’omerta : Kito de Pavant lors du Vendée Globe 2016 ou Ian Lipinski dans Reporterre qui explique : « Lorsqu’un bateau dit qu’il a heurté un ofni, il s’agit quasiment tout le temps d’un cétacé (…). Les équipes ne veulent pas avoir une mauvaise image et le camouflent. Quand j’ai tapé une baleine [en 2021, lors de la Transat Jacques Vabre], je l’ai dit tout de suite. Je me suis fait taper sur les doigts par mon sponsor, mais c’est comme ça ».

Skipper à la table à cartes
Grâce aux nouvelles techniques, les solitaires du Vendée Globe sont – un peu moins – aveugles face aux OFNI. (Photo : Flore Hartout-polaRYSE – Initiatives Cœur)

Les OFNI ont par ailleurs un coût financier non négligeables : à chaque collision, les appendices sont abimés voire cassés et leur réparation ou refabrication coutent très cher. Il n’y a donc aucune discussion : tous les acteurs de la course au large cherchent des solutions pour éviter ou tout au moins limiter les collisions !

Vendée Globe : des solutions techniques et d’autres logiques ?

Alors ? Comment peut-on éviter de littéralement couper en deux les baleines et autres cétacés ou animaux marins que les bateaux de course, équipés d’appendices tranchants comme des lames de rasoirs, croisent tout au long de leur périple autour du monde ?
Les zones d’exclusion sont une solution utile. Les scientifiques connaissent bien les zones où ces animaux sont nombreux et à quelle période. Interdire ces zones aux bateaux de course est donc une bonne chose. Même si, on l’a vu avec l’Arkéa Ultim Challenge, cela ne suffit certainement pas.

La technologie peut aussi venir en aide aux marins (et donc aux animaux marins qui restent entre la surface et quelques mètres de profondeur) avec les radars, AIS et autres systèmes de vision automatisés et boostés par l’intelligence artificielle.

Camera en tête de mat bateau vendée globe
Un système ingénieux de caméras thermiques installées en tête de mât et couplées à l’intelligence artificielle permet de détecter les OFNI et de prévenir le skipper. (Photo : Amory Ross – 11 Hour Racing)

Au départ du Vendée Globe 2024, 40 marins solitaires se sont élancés pour un tour du monde. Sur ces 40 bateaux, 25 sont équipés de caméras optiques et thermiques en tête de mât. Ce système, mis au point par Sea.Ai, repère et identifie, grâce à l’intelligence artificielle, tout ce qui flotte à la surface de l’eau. Mais si les mammifères plongent et restent entre deux eaux, ils ne vont pas être détectés et sont donc – tout comme le bateau – en danger. La classe IMOCA qui gère les bateaux du Vendée Globe et de toutes les grandes courses monocoques a donc décidé de lancer un programme baptisé « Exos 2024 ». Il va permettre de développer de nouveaux capteurs pour repérer les OFNI et les animaux marins qui sont entre la surface et quelques mètres de profondeur. Des OFNI totalement invisibles aujourd’hui…

Enfin, la classe IMOCA demande à tous les concurrents de prévenir en temps réel la direction de course en cas de collision avec un OFNI. Ce qui peut permettre de prévenir les autres navigateurs entrant dans la zone dangereuse.

La volonté de limiter les impacts avec la faune marine est donc générale : coureurs, sponsors, classe IMOCA, tout le monde est d’accord. Même les organisateurs de la course (la SACEM Vendée) a fait installer un peu partout dans le village départ du Vendée Globe de magnifiques photos de cétacés. Il est simplement dommage qu’il ne soit jamais évoqué, par ces mêmes organisateurs, le risque de collision – mortel – que représente la course pour les animaux…

Bateau vendée globe navigant de nuit
Même avec une veille très attentive, difficile de repérer un container ou un cétacé sur la trajectoire du bateau… (Photo : Sea.AI)

Tous les systèmes et les bonnes pratiques mises en place dans la course au large vont dans le bon sens. Des solutions qui pourraient, on peut se mettre à rêver un peu, bénéficier à l’ensemble du transport maritime et limiter l’hécatombe dont sont victimes les animaux marins à cause des collisions avec des navires de toutes sortes…

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