Alors que les Jeux olympiques battaient leur plein dans la capitale française, la question de la dépollution des cours d’eau est revenue sur le devant de la “Seine”. A quelques centaines de kilomètres de là, au Danemark, la population profite de l’été pour s’adonner à leurs sports favoris dans les ports du pays. Natation, wake-board, surf ou encore plongée, les infrastructures se multiplient au profit du lien ancestral que les Danois tissent avec les eaux froides de la Mer du Nord et de la Baltique.
En France, après les baignades remarquées d’Amélie Oudéa-Castera et d’Anne Hidalgo dans la Seine et la longue polémique sur le degré de pollution du fleuve parisien, c’est l’heure de la fête et de la célébration des sports lors des Jeux Olympiques de Paris. Au Danemark, cela fait déjà plusieurs décennies que le pays a pris cette question de la dépollution des fleuves et des ports à bras le corps et les résultats sont plus que probants.
Une politique environnementale stricte
Dès 1973, avec la signature de la convention d’Helsinki pour la protection de la mer baltique, le Danemark figure en bonne place dans les pays les plus actifs pour la protection de l’environnement marin. Parmi les grandes mesures entreprises par l’Etat scandinave, la lutte contre les déchets marins est l’un de ses fers de lance. En accord avec les engagements pris par HELCOM, dont il est le chef de file, l’Etat œuvre activement à la réduction des déchets plastiques en mer, dont les débris de polystyrène. Des mesures spécifiques ont également été mises en place comme une campagne sur la pollution marine pour informer et sensibiliser la population, renforcée par la création de “patrouilles pour l’environnement”. Le levier fiscal est également activé avec un principe de défraiement de la livraison des déchets au port pour les bateaux.
Par ailleurs, après avoir imposé à tous les navires l’interdiction de déversement des eaux noires et grises, puis des équipements de nettoyage des gaz d’échappement (scrubbers), le Parlement danois a voté en 2024 une loi visant à interdire dès 2025 le rejet des eaux de lavage de ces fameux scrubbers dans ses eaux territoriales, jusqu’à 12 miles nautiques.
Les municipalités du Danemark ont également intégré la dimension environnementale dans la gestion de la ville et notamment pour garantir l’accès à la mer dans les meilleures conditions possibles.
Aarhus, la ville des architectes et de l’innovation
Le port de la ville d’Aarhus, à l’est du Jutland, est un véritable terrain de jeu. Les Danois peuvent y pratiquer différents sports nautiques. La voile et le wake-board en premier lieu, mais aussi la plongée ou encore la natation. Les bâtiments qui bordent la marina sont tous des œuvres d’art architecturales. Et toute la zone a été pensée pour le bien-être de la population, en accord avec l’environnement. Les jardins partagés sont constellés de petites serres bio-climatiques pour les plantes les plus fragiles, ou pour se retrouver entre amis à l’abri du vent. Les immeubles sont desservis par des rues piétonnes, des pistes cyclables et des canaux pour accéder aux bateaux. Quelles sont les technologies adoptées par les autorités danoises pour permettre une telle qualité de vie sachant que la mer en est une composante essentielle ?
En partant du constat qu’une fois dans la mer les déchets solides s’éparpillent rapidement et deviennent plus difficiles à collecter, les autorités de la ville d’Aarhus ont opté pour une solution technologique traitant le problème en amont. Il s’agit d’un bras robotique qui se déploie depuis une tour placée à l’embouchure du fleuve pour empêcher les déchets de rejoindre la mer. Il est équipé d’une barrière filtrante et d’un tapis roulant permettant aux déchets d’être ramenés vers des containers. La barrière s’adapte au niveau de l’eau de telle sorte qu’une bande de 30 centimètres sous la surface soit toujours filtrée. Elle est également équipée de capteurs qui indiquent au robot quand vider les déchets. Des caméras thermiques détectent les voiliers, surfeurs et nageurs. La barrière se soulève alors pour les laisser passer.
Autre innovation technologique adoptée par la municipalité : le déploiement de drones renifleurs (voir également notre article sur le sujet). Ces drones permettent de vérifier les émissions de soufre émises par les navires qui transitent dans les eaux territoriales danoises. Mais la ville d’Aarhus a également déployé une petite armée de drones aériens et marins pour repérer et collecter les déchets. Ces drones, reliés à une base de données en ligne, sont par exemple capables de repérer des mégots de cigarettes dans l’eau avec une précision de 98%. Ils fonctionnent un peu comme les aspirateurs ou tondeuses domestiques robotisés, mais sont capables de collecter jusqu’à 60 kg de déchets avant d’être vidés. La municipalité travaille également à l’élaboration de drones capables de capter des résidus d’huile ou de pétrole dans l’eau.
Le port de Copenhague, une reconversion réussie
Après un pic de pollution dans les années 1960, les sites de baignade de Copenhague sont restés longtemps fermés. Et c’est en 1989 que la ville démarre sa reconversion. Le port industriel de Sydhavn change de statut et les bâtiments sont transformés en bureaux et espaces résidentiels. Les usines et chantiers navals sont alors délocalisés. Et dès 1992, la ville modernise son système de traitement des eaux et les écoulements pluviaux, et crée de grands réservoirs d’eaux usées afin de rendre de nouveau possible la baignade et la pêche dans Sydhavn. Aujourd’hui, la faune et la flore sont renouvelées et l’eau du port est aussi propre qu’en pleine mer.
Pour ce qui est de la pollution liée à l’activité navale, en plus des leviers fiscaux et des obligations imposées par la loi danoise, le port de Copenhague met à disposition des navires des infrastructures de collecte des déchets répondant à la plupart des besoins, y compris pour les déchets toxiques et les produits pétroliers.
La qualité de l’eau, un défi européen
Si le Danemark fait partie des bons élèves de l’UE, il n’est heureusement pas le seul. En effet, Bâle, Munich, Vienne, Belgrade ou encore Amsterdam ont fait de la dépollution des cours d’eau une priorité et les activités nautiques se développent.
Cependant, ne soyons pas naïfs, aucun Etat n’est absolument infaillible. En témoigne le scandale qui a éclaboussé le Danemark en 2020. Il est accusé d’avoir rejeté plusieurs milliards de litres d’eaux usées dans le détroit d’Oresund qui le sépare de la Suède.
L’innovation technologique semble être aujourd’hui une voie prometteuse pour aider les pays à dépolluer les cours d’eau. Et l‘on voit fleurir de nombreuses solutions : les poubelles immergées avec filtres à microplastiques Seabin©, les barrières à bulles pour capturer les déchets dans les rivières, ou encore le système rotatif autonome proposé par River Cleaning… Mais n’oublions pas que toutes ces innovations ne traitent que les conséquences de la pollution liée à l’activité humaine et non les causes ! La problématique est donc à réfléchir dans sa globalité en essayant de réinventer un monde sans plastique ni hydrocarbures. Ce n’est pas pour demain, mais restons optimiste, l’idée fait son chemin…