Nous vous présentions déjà the Flipflopi Project dans un précédent article (Voir notre article The Flipflopi, le bateau en tongs). Il s’agit d’une association de lutte contre la pollution plastique implantée à Lamu au Kenya. Et qui est parvenue en 2019 à construire le premier voilier en plastique recyclé, et a parcouru des centaines de miles nautiques, pour sensibiliser aux enjeux de la pollution plastique. Voici aujourd’hui un petit tour des défis du recyclage low-tech du plastique à travers le récit de Sébastien, un jeune français qui s’y est rendu pendant 2 mois en tant que volontaire. (Voir notre article Tu veux t’engager pour l’océan ?)
Lamu, un paradis potentiellement menacé par le plastique
Lamu est une petite île au Nord de la côte kényane. Avec ses plages de sable blanc, ses eaux turquoise et ses mangroves, on n’est pas loin d’une île paradisiaque. Pourtant en s’y baladant, le tableau s’assombrit à la rencontre de ces décharges sauvages où s’amoncellent des tas de déchets plastiques : bouteilles, bidons, vieilles tongs etc…
Ces décharges sont alimentées par la mer mais aussi par les locaux sur place, qui n’ont pas d’autre solution. Nous voilà donc face au premier défi du recyclage, celui d’organiser une filière de collecte des déchets. Cela doit passer par une sensibilisation des populations locales qui sont plutôt habituées à tout jeter dans la mer ; mais aussi par une action publique pour interdire certaines pratiques. Les sacs plastiques sont par exemple interdits à la vente au Kenya. Tout un programme auquel s’attelle l’association Takataka heroes (Takataka pour déchets en Swahili), grand partenaire du flipflopi Project à Lamu.
“Rien n’est impossible”
Sur l’île, quand on parle de recyclage du plastique, le nom d’Ali Skanda arrive vite dans la conversation. Ali est un charpentier réputé à Lamu. Lorsque Ben, le fondateur du Flipflopi project faisait le tour des charpentiers pour leur demander s’il était possible de construire un bateau à partir de plastique recyclé, il est le seul à avoir répondu « rien n’est impossible ». Trois ans plus tard, Flipflopi Ndogo (Ndogo pour petit en Swahili) était mis à l’eau.
Quand on arrive chez Ali, ce boutre atypique attire l’œil. Les 30 000 petits carrés de toutes les couleurs découpés dans des tongs ramassées sur les plages et qui recouvrent la coque du voilier en font un formidable vecteur de communication.
Autour de l’atelier d’Ali, c’est tout le QG du Flipflopi project qui est en train de se monter. Une grande partie de l’espace est occupée par la décharge. Plusieurs personnes travaillent presque tous les jours à trier les déchets plastiques par type (Polyethylène PET, polypropylène PP etc…) et par couleur. En effet, chaque type de plastique possède des propriétés mécaniques différentes. Et on travaillera plutôt avec tel ou tel type selon les applications. Les couleurs jouent également un rôle important pour le rendu final de l’objet fabriqué. Tout ce tri est un travail de fourmi, mais bien essentiel aux activités.
Vers un recyclage organisé
A Lamu, une usine vient juste de voir le jour et a accueilli ses premières machines. On trouve d’abord le broyeur pour réduire les déchets en tout petits morceaux, de manière à faciliter la fonte. Ensuite, le tout nouvel extruder. Il est arrivé en décembre à l’usine, et a été mis au point par Morris, l’ingénieur en chef de l’usine. Cette machine permet de faire fondre le plastique broyé et de l’injecter dans un moule. Le réglage de la température et la vitesse d’injection sont des éléments clés pour la qualité du produit.
Il y a ainsi trois grands challenges lors de la production : éviter la création de bulles d’air dans la pièce pour obtenir de bonnes propriétés mécaniques, éviter au maximum le phénomène de rétractation du plastique lors du refroidissement et de la solidification, et enfin accélérer la cadence. Car en effet, l’association a pour projet de construire un second bateau de 24 m. Plus grand, il permettrait à l’équipe de mener des expéditions plus loin et plus longtemps, et pourquoi pas de faire le tour du monde. Si quelques sujets restent à résoudre, comme notamment un moyen de produire la cinquantaine de membrures sans avoir à fabriquer un moule pour chacune, la construction n’est plus très loin de démarrer.
Les premiers tests prometteurs avec le nouvel extruder
Un bateau de 24 mètres construit à partir de déchets plastiques, voilà de quoi rêver ! Car s’il est possible de construire des bateaux en plastique recyclé, il en va de même pour des tables, des briques ou même des planches de surf. C’est un océan de possibles qui s’ouvre. Un océan à dessiner au fil de sa créativité. Car c’est bien ce dont nous avons besoin pour construire de nouvelles filières de recyclage, et permettre des plans de fin de vie à tous les produits plastiques qui entrent sur le marché, avant qu’ils ne finissent dans nos mers.
Quelle formidable opportunité que de pouvoir relancer son imagination, si souvent délaissée devant nos réseaux sociaux ou nos tableaux Excel, et de la mettre à profit d’un futur plus propre sans plastique à usage unique.
Sébastien Le Bouteiller