Qui n’a jamais fait ce rêve un peu fou de vivre sur une île déserte et d’y être… heureux, en parfaite harmonie avec la nature ? C’est ce qu’a vécu Brandon Grimshaw pendant 40 ans. Une belle histoire de passion, pour cet homme qui préféra transformer son petit paradis en parc national, plutôt que d’accepter de le vendre pour plusieurs millions de dollars…
C’est en 1925 en Grande-Bretagne que Brandon Grimshaw voit le jour, mais c’est en Afrique de l’Ouest qu’il fera l’essentiel de sa carrière professionnelle en tant qu’éditeur de journaux. En 1962, il tombe sous le charme d’une petite île des Seychelles, située à quelques encablures seulement de Mahé, l’île principale de l’archipel. Moyenne Island est absolument déserte, abandonnée depuis une cinquantaine d’année. Le prix du rêve ? 8 000 £. Une somme rondelette à l’époque, puisque cela correspondrait à environ 130,000 £ d’aujourd’hui soit 145 000 euros.
Le petit caillou de 0,4 km sur 0,3 km est totalement recouvert d’une végétation anarchique et nécessite donc pas mal de travail pour devenir le havre dont rêve Brandon…
Une dizaine d’années après son achat, notre Anglais décide qu’il est temps de prendre sa retraite. Il n’a pourtant alors que 49 ans, mais il a envie de vivre une autre vie que celle d’un éditeur reconnue…
Une vie consacrée à un rêve écologique…
De 1973 à 2012 – année de sa mort – Brandon Grimshaw va vivre sur Moyenne Island, accompagné par un Seychellois tout aussi passionné, René-Antoine Lafortune. A eux deux, ils vont littéralement façonner l’île pour en faire une réserve naturelle exceptionnelle.
Les deux amis vont ainsi planter 16 000 arbres et créer 4,8 km de sentiers pédestres. Mais ce n’est pas tout. Alors que la pression touristique devient de plus en plus importante dans l’archipel, ils offrent un refuge bienvenu à plus d’une centaine de tortues géantes et à des milliers d’oiseaux. La plus vieille de ces tortues a alors 76 ans…
Le travail des deux Robinson, seuls sur leur île, commence à être reconnu, et nombre de visiteurs se presse pour venir découvrir cette véritable réserve de biodiversité. Il faut dire que Moyenne Island abrite plus des deux tiers de toutes les plantes endémiques des Seychelles. Ce havre de paix et d’harmonie est juste magnifique. Le rêve de Brandon et René-Antoine est devenu une réalité, au prix d’un travail titanesque.
45 millions pour acheter un rêve
A partir des années (19)80 puis 90, la manne financière liée au tourisme de masse offre un espoir de développement à de nombreux pays dans le monde. L’aviation moderne rend les îles du bout du monde accessibles en quelques heures pour quelques centaines d’euros seulement. Les Seychelles – d’une exceptionnelle beauté – n’échappent pas à la règle. Les hôtels de luxe commencent à pousser sur Mahé, l’île principale, puis sur Praslin, La Digue… L’objectif du gouvernement est de privilégier un tourisme de luxe. Il ne faut donc pas dénaturer la beauté des lieux, tout en offrant aux riches touristes un havre de repos au niveau de leurs attentes… Forcément, la petite île de Moyenne, maintenant parfaitement entretenue et d’une beauté sauvage, fait des envieux et donne des idées. Certains imaginent facilement la plus magnifique des île-hôtels que l’on pourrait y construire. Les promoteurs font la queue devant la maison de Brandon et lui proposent de véritables fortunes pour son bout de terre. Les offres se chiffrent en millions. La plus importante dépassent les 45 millions de dollars…
Mais on n’achète pas le rêve d’un homme. En tout cas, pas celui de Brandon qui résiste à l’appât du gain. Son île n’est pas à vendre, mais… personne n’est éternel et Brandon ne veut pas que son île ne profite qu’à quelques « happy few » après son décès.
Un parc national et un lieu ouvert…
Pour faire profiter de leur île au plus grand nombre, mais aussi pour entretenir leur rêve, Brandon et René-Antoine font payer la visite de leur île, ainsi que le mouillage (paradisiaque). Le prix du rêve est – au début des années 2000 – tout à fait raisonnable, puisque la visite coûte $10 par personne et la nuit au mouillage $10 par bateau. Mais la pression sur le propriétaire reste forte. Et je vous en parle en connaissance de cause… J’ai, en effet, eu la chance de visiter cette île. Nous étions au mouillage devant Moyenne et avons eu l’autorisation de débarquer pour profiter de ce lieu exceptionnel. Nous nous retrouvons sur l’île avec l’équipage d’un autre bateau. L’un de ces visiteurs est un personnage connu. Il s’agit d’un guitariste d’un (très) célèbre groupe des années 70/80. Une star mondiale dont l’un des standards est un titre qui s’appelle « Money… ». Le guitariste en question a passé l’après-midi à suivre le « gardien » (qui devait être, je l’imagine aujourd’hui, René-Antoine) en exigeant d’avoir le nom du propriétaire afin de lui faire une proposition pour lui racheter son île… La star n’aura jamais le nom du propriétaire et ne rachètera jamais l’île de Brandon.
En 2008, un an après le décès le René-Antoine Lafortune, l’île est enfin reconnue parc national des Seychelles et accessoirement devient par la même occasion, le plus petit parc national au monde.
Le rêve d’un homme est devenu réalité.
Pour en savoir plus :
En 1996, Brandon Grimshaw a raconté son histoire dans un livre passionnant (seulement disponible en anglais) « A grain of sand ».
Un film a été réalisé sur cette histoire incroyable. Vous pouvez le visionner ICI
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