Les skippeuses sont-elles l’avenir de la course au large ?

La belle histoire de la course au large s’écrit surtout au masculin. Pourtant, les navigatrices ont – depuis longtemps – montré leurs capacités à battre les hommes à la régulière. Mais, sur les courses les plus importantes, les skippeuses ne sont toujours que quelques-unes – encore aujourd’hui – à prendre le départ. Pourquoi ? Comment y remédier ? Petit tour d’horizon pour mettre plus de féminité dans la course au large…

Au départ de la dernière Mini-Transat, ils étaient 90 sur la ligne dont… 14 femmes seulement ! En 2018, sur 123 navigateurs au départ du Rhum, on comptait 6 femmes. Et on parle du Vendée Globe, le fameux “Everest des Mers“? Sur les 8 premières éditions 7 femmes ont pris le départ face à 130 hommes. 6 de ces 7 femmes ont passé la ligne alors que seuls 66 hommes l’ont fait (donc 50% des partants). Sur l’édition 2020 du Vendée Globe, sur 33 bateaux au départ, 6 étaient emmenés par des ”skippeuses”. C’est mieux, mais nous sommes encore bien loin de la parité…

Alexia Barrier, première femme dans la classe Imoca en2018 sur la Route du Rhum sur le bateau de 60 pieds “4myPlanet”. Elle finit 15e… (photo : Gilles Morel #RDR2018)

Des skippeuses de talent

En course au large, on se rappelle tous la victoire, magnifique et sans contestation possible, de Florence Arthaud face à l’armada masculin de la Route du Rhum 1990 (14 marins au départ face à une seule femme). Une victoire emblématique et forcément fondatrice démontrant – s’il en était besoin – que la femme est totalement légitime dans la course au large – aussi !

D’autres aussi ont brillées et se sont montrées de redoutables adversaires face aux meilleurs marins de leurs générations, comme Isabelle Autissier ou Ellen Macarthur. Et que dire de la génération actuelle, qui montre à chaque course que les termes “marin” et “skipper” peuvent aussi s’employer au féminin.

Talentueuses, les “skippeuses” ? C’est une certitude. Et elles ont prouvé qu’elles étaient capables de battre les hommes sur les plus difficiles des courses. Alors pourquoi sont-elles aussi peu nombreuses au départ de ces grandes courses au large, alors que dans toutes les autres catégories de voile, qu’elles soient Olympiques ou pas, les femmes sont nombreuses et… douées. On rappelle qu’aujourd’hui la voile olympique propose pour tous ses supports, une course masculine et une course féminine, à l’exception d’un seul bateau (Nacra 17) qui se court… en double mixte !

La course au large se féminise et c’est tant mieux…

Même si les inégalités persistent, la course au large, la voile en général et le sport d’une manière globale ont tendance à se féminiser. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il reste encore beaucoup à faire. En France, on compte 4600 sportifs (hommes) de haut niveau, contre 2400 sportives ayant le même statut selon Le Monde. C’est tout de même beaucoup mieux qu’en 1900 où seules 19 femmes avaient eu le droit de concourir aux JO sur 1225 athlètes.

Au niveau de la Fédération Française de Voile en 2021, sur les 261 770 licenciés, 37% étaient des femmes.

Peut mieux faire ?

Non seulement on peut, mais on DOIT surtout mieux faire. La voile est un sport mécanique, qui demande bien sûr de la force, mais surtout de l’endurance et… de la réflexion. On doit par exemple l’idée de la quille pivotante à Isabelle Autissier. Pour celle qui reste la première femme à avoir fait le tour du monde en solitaire et en course, “le bateau est un sport très cérébral. Vous gagnez beaucoup plus de temps par une bonne option météo que parce que vous manœuvrez une voile cinq minutes plus vite. Il faut bien sûr travailler son souffle et sa musculature, faire de la course à pied, du vélo, des abdos. Mais, à choisir, il vaut mieux préparer son bateau et travailler sa météo que fréquenter la salle de sport…”

Ellen MacArthur, seconde du Vendée Globe 2000/2001 (Photo : Vendée Globe)

Dont act. Les femmes ont été et peuvent encore être au sommet de la course au large. Encore faut-il leur en donner la possibilité. Dans ce but, certaines initiatives vont dans le bon sens, comme par exemple, la transat en double AG2R (transat qui se court tous les deux ans sur des bateaux monotypes eten double) qui, pour l’édition 2020 (reportée à 2021 en raison de la pandémie), avait fait le choix de ne pas faire payer de droit d’inscription aux duos mixtes. Et même la fameuse America’s Cup s’y met : dans le protocole pour la 37ème édition qui vient de paraître, il est question d’une version féminine de la “Cup” qui va se courir sur des monocoques à foils de 40 pieds (le même support que pour la version “Jeunes” de la Cup).

Bref, 32 ans après la victoire de Florence Arthaud sur le Rhum, 22 ans après la seule victoire d’un duo mixte sur la Transat AG2R (Karine Fauconnier/Lionel Lemonchoix), les lignes commencent à bouger.

Allez, encore un petit effort ! Et si pour la prochaine Route du Rhum, les organisateurs réservaient un quota de places pour les “skippeuses” ? Chiche ?

La Route du Rhum 2022 laissera-t-elle plus de femmes aux femmes ? Rendez-vous le 6 novembre 2022 à Saint-Malo pour le savoir…

PS : Dans cet article, nous utilisons le terme “skippeuse” pour désigner celles qui skippent leur bateau. Nous aurions pu tout aussi bien utiliser le terme “skippeure” que l’on trouve parfois au détour d’un article ou d’un site internet. Car aussi curieux que cela puisse sembler, il n’y a aujourd’hui aucun terme officiel pour désigner le féminin de skipper (le Larousse a une préférence pour skippeuse) !

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