Le surf : Une communauté éco-citoyenne ?

Les cheveux blonds décolorés par le sel, le regard vers l’horizon guettant la vague parfaite, voilà l’image d’épinal du surfeur. Mais qu’en est-il vraiment ? Quel est l’esprit du surf ? Et quel rapport à la mer cette communauté de passionnés entretient-elle ? Entre les chasseurs de grosses vagues “inconscients” qui chevauchent des monstres de quinze mètres, les surfeurs “imprudents” qui se heurtent aux requins ou les “amateurs” qui s’agglutinent par dizaines au départ d’une vague, les qualificatifs ne sont pas toujours élogieux. Il s’agit avant tout d’une communauté certes hétéroclite mais qui partage la même passion, celle de la mer, et qui cherche constamment à s’améliorer.

Un peu d’histoire

Les origines du surf sont souvent disputées par différents territoires insulaires du Pacifique. Les premiers explorateurs européens, dont le Capitaine James Cook, ont pu observer cette pratique dans les îles Sandwich, à Tahiti ou encore à Hawaï dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Mais selon les anthropologues et archéologues, des pratiques similaires ont pu exister à d’autres endroits sur la planète, comme sur la côte nord du Pérou lors de la période pré-Incas.

Surfeurs à Hawaï
Surfeurs à Hawaï, 1890
Source : Wikipedia (domaine public)

C’est néanmoins à Hawaï que la culture du surf est la plus ancrée, puisque dès le XVe siècle cette pratique permettait aux chefs tribaux de prouver leur puissance et leur supériorité en défiant la mer et ses éléments. Interdit pendant la colonisation américaine, le surf renaît à Hawaï à la fin du XIXe siècle et s’exporte peu à peu grâce à des compétitions partout dans le monde, en commençant par les Etats-unis et l’Australie.

Les planches aussi ont évolué. Les premières étaient en bois ou en écorce et pouvaient peser jusqu’à 50 kg. A partir des années 1930, les matériaux se sont allégés permettant la démocratisation du surf. Aujourd’hui les planches sont majoritairement fabriquées en pains de mousse polystyrène, fibre de verre et résine, ce qui les rend légères, maniables et solides (mais malheureusement pas encore biodégradables).

L’esprit du surf

Parmi les surfeurs, certains n’ont pas bonne presse. On s’énerve contre ceux qui coupent toutes les vagues à Biarritz sous prétexte qu’ils sont chez eux, qu’ils sont meilleurs ou plus téméraires. Certains autres sont qualifiés de “fous furieux” lorsqu’ils s’élancent sur de véritables mastodontes de plus de quinze mètres à Jaws (Hawaï) ou Nazaré (Portugal), mettant ainsi leur vie et celle de leur coéquipier en danger. On stigmatise encore ceux qui méprisent les recommandations en partant surfer au coucher du soleil dans des eaux sombres réunionnaises, risquant de mauvaises rencontres avec des requins bouledogues. Mais comme dans toute communauté, la citoyenneté de la mer, ça s’apprend et ça s’expérimente au quotidien.

Surfeur sur une grosse vague
Photo : Ethan Jones (Pexels)

L’esprit du surf, c’est d’abord un esprit de partage, de bienveillance, de respect et d’humilité. Si ces principes ne sont malheureusement pas respectés par tous, c’est bien ce que nous enseigne la mer. Et tous ceux qui ont eu un jour à affronter sa colère, sur un bateau, en plongée ou une planche de surf en conviendront.

Enfin, il ne faut pas oublier que le surf est avant tout un sport extrême qui nécessite une très bonne condition physique, du souffle et de la technique. Mais ce sport ne peut en aucun cas être pratiqué sans une bonne connaissance de la mer, des courants, de la houle, des marées et du vent. Il faut donc une vraie conscience de l’environnement. Le respect de la nature est ancrée dans la culture du surf depuis les origines. Le surfeur apprend (souvent même à ses dépends) à respecter la mer dont la force des vagues le renvoie à sa fragilité, à sa vulnérabilité.

Une communauté qui s’engage

Depuis plusieurs années, la communauté des surfeurs voit son environnement se dégrader. De nombreuses associations sont nées avec pour objectif d’œuvrer à la sauvegarde du littoral et plus largement des espaces marins.

Surfeur dans le tube d'une grosse vague
Photo : Kammeran Gonzalez Keola (Pexels)

C’est le cas depuis 1990 de la Surfrider Foundation qui est devenue une vraie référence dans le combat pour la protection de l’océan et de ses usagers. Parmi ses principaux champs d’action, la dépollution des eaux, grâce à des opérations de collecte des déchets aquatiques, figure en première place. L’association œuvre également à la préservation du littoral, victime de l’érosion, de la montée des eaux ou encore des activités humaines comme le transport maritime ou la construction de plateformes offshore. Enfin, elle collecte des informations et alerte sur la qualité de l’eau, polluée par les déversements d’eaux usées chargées en composés chimiques.

De son côté, la Fédération française de surf (FFS) a lancé en 2013 le projet “Ecosurf” qui vise à faire évoluer les pratiques. Elle inscrit désormais le surf dans une démarche de développement durable grâce à des opérations d’éducation et de sensibilisation ou des projets environnementaux.

Autre projet intéressant : l’association Eco-Safe surfing s’adresse à toutes les écoles de surf en proposant une charte de qualité qui vise à remettre au centre des préoccupations de ces institutions toutes les valeurs éco-responsables. Cela passe par l’écologie, l’économie en ressources humaines et matérielles, plus de solidarité avec l’économie locale, l’éco-tourisme, ou encore la recherche innovante de matériaux.

Des matériaux qui évoluent

On l’a dit, toute la panoplie du surfeur s’appuie sur des matériaux difficilement renouvelables. Et compte tenu de leur faible quantité sur la marché, il n’existe encore à ce jour aucune filière de recyclage dédiée aux planches de surf. Mais les shapers n’ont pas attendu et sont déjà en train de trouver de nombreuses solutions alternatives.

Surfeur sur la plage
Fin de session à Taghazout (Maroc)
Photo : F. M.

C’est le cas de l’entreprise française Notox qui propose des planches de polystyrène recyclable, de liège et de lin. De leur côté, les marques Yuyo et Hexa Surf proposent des planches sur mesure 100% éco-conçues imprimées en 3D à base de plastique recyclé. Mais on trouve aussi de nombreux projets innovants qui utilisent du bois, du carton, des algues, ou encore du mycélium (champignon) mélangé avec des déchets agricoles pour fabriquer les noyaux des planches de surf… Pour l’enveloppe, certains ont remplacé la fibre de verre par de la fibre de lin ou de basalte. Le liège et des résines bio-sourcées viennent remplacer la résine polyester ou époxy qui sert traditionnellement à finir et consolider la planche.

De plus, toutes ces réflexions innovantes sur les matériaux s’appliquent également aux autres accessoires du surfeur : combinaisons, ailerons, wax, leach… et même la crème solaire !

Finalement, si les surfeurs ont parfois mauvaise réputation, de nombreux secteurs parmi les usagers de la mer ont beaucoup à apprendre du monde du surf. Aloha !

Pour tout comprendre sur les matériaux éco-responsables utilisés et commercialisés par les shapers : lire l’article “comment devenir un surfeur écolo” sur le site de La Green Session

Pour aller plus loin : lire l’article de Charlène Dosio et Clara Jaeger sur Kaisen

Bonus : “Lost in the swell – Waterworld 2021” sur le Nomade des mers et son low-tech lab de Corentin de Chatelperron
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