Comment j’ai abandonné mon rêve de Mini-Transat

La Mini-Transat, c’est souvent le rêve d’une vie. Ou le tremplin pour devenir skipper professionnel dans la course au large : « Passe ta mini d’abord ». Jeunes, retraités, venant de tous les horizons, cette course mythique est vécue de manière unique par chaque skipper avec sa règle des 80% de galères et 20% de surfs endiablés sous spi. Une classe qui voulait rendre la course au large accessible et être un véritable laboratoire architectural, avec beaucoup d’entraide et de débrouillardise, ce fameux « esprit mini ». Monter un tel projet, c’est une implication totale, de soi et de ses proches. On entend souvent parler des récits de la Mini-Transat, cette traversée finale qui clôture souvent les projets Mini et ouvre à d’autres. Mais on parle peu de ceux qui arrêtent avant, et de leurs raisons, qui sont toutes autres que de la démotivation. Une des membres de SEAtizens avait monté un projet Mini 6.50 avec pour objectif de réaliser la Mini-Transat 2025, et raconte aujourd’hui comment elle a abandonné son rêve.

©Pauline Regnier / SEAtizens

Samedi 13 avril, j’ai pris la décision d’arrêter mon projet Mini 6.50 avec pour objectif la Mini Transat 2025. Il n’y a pas mort d’hommes et rien de grave relativement à ce qui se passe dans le monde. Mais ça reste une décision qui a été dure et lourde à prendre, et dont j’assume encore les conséquences aujourd’hui.

Pas un échec, mais une leçon de vie, pleine d’apprentissages. Un mal pour un bien. Si je résume brièvement mon projet Mini 6.50 (pour plus de détails : épisode 1, épisode 2, épisode 3 et épisode 4) : 3 ans de réflexion avant de passer le pas de l’achat du bateau, 5 ans de recherche de fonds pour acheter le bateau et trouver le budget de fonctionnement (que je n’ai pas bouclé), plus d’un an et demi de navigation, d’entretiens, de réparations sur le bateau. Du plaisir et des galères, à la fois techniques, matérielles et de santé.

Comment la graine s’est semée

L’idée de monter un projet Mini 6.50 est née lors de mon stage de fin d’études dans le Groupe Bénéteau en 2019. Mon tuteur m’avait beaucoup parlé de la mini transat : une course au large en solitaire qu’il avait lui-même réalisé. J’aime beaucoup naviguer, je naviguais beaucoup en dériveur et en habitable en régate, et son expérience m’a donné envie de me lancer dans ce projet. J’avais vu qu’un camarade de classe faisait la Mini Transat en 2019. Lorsque j’ai commencé à travailler chez VPLP Design, un collègue partait faire la Mini Transat de 2019, et un autre préparait celle de 2021. Je me suis dit, et pourquoi pas moi ? De 2019 à 2022, j’ai alors commencé à semer mes billes, me faire un réseau, essayer de naviguer en Mini 6.50, économiser, planifier, faire un dossier de sponsoring…

En novembre 2021, j’ai été parmi les 10 finalistes lors de la sélection DMG MORI Sailing Academy, mais je n’ai pas réussi. Alors j’ai finalement décidé de monter mon projet moi-même.

“Passe ta mini d’abord”, mais ça coûte combien ?

Monter un projet, ça demande beaucoup d’investissement sur plusieurs plans, et notamment sur le plan financier. Le prix d’un bateau dépend en majorité de l’âge et du type de bateau (prototype ou série), du palmarès et de l’inventaire. Pour avoir un ordre d’idée, les prix vont de 40 000 euros pour un bateau d’ancienne génération (par exemple pogo 2 et prototypes à étraves pointues) jusqu’à 130 000 euros pour un maxi neuf (bateau de série récent et performant grâce à son étrave ronde, “scow”). Les prototypes à étraves pointues et performants vont être autour de 70 000 à 100 000 euros.

Enfin, les prototypes neufs construits pour des projets quasi gagnants vont exploser les 450 000 euros. Pour payer ces bateaux, beaucoup font un empreint familial, un leasing avec la banque ou un emprunt bancaire. Certains trouvent un sponsor qui achète le bateau, mais c’est aussi risqué. Roll My Chicken est de 2007, un très bon proto à étrave pointue. Je l’ai achetée 85 000 euros grâce à l’aide financière de ma famille et belle-famille. A cela, il faut rajouter le budget de fonctionnement. Je l’avais estimé à 80 000 euros sur 3 ans, et il dépendait uniquement de ma recherche de sponsors. J’ai fait le pari d’investir toutes mes économies tant que je n’aurai pas de sponsors.

La première course à mener à terre

La recherche de sponsors est la première course à mener à terre. C’est le nerf de la guerre. J’ai passé plusieurs semaines à faire et refaire mon dossier de sponsoring, à passer des heures à bombarder de mails les entreprises avant d’aller au bureau, et à communiquer sur les réseaux sociaux. Ma famille, mes amis et mes collègues ont tenté de faire jouer leur réseau. Aller démarcher des sponsors fonctionne mieux lorsqu’on a déjà le bateau. J’ai réussi à obtenir des aides matérielles, avoir accès à un hangar pour réaliser mes chantiers d’hiver et stocker du matériel, un partenariat avec un logiciel de routage et deux petits sponsors financiers.

Un choix de vie et une orientation

La passation avec l’ancienne skippeuse a été riche en apprentissage. Les 6 premiers mois de projet n’ont été que du plaisir, les premiers entraînements, l’apprentissage, puis mon premier gros chantier d’hiver. Durant ses six premiers mois, j’ai décidé de tout orienter pour mon projet Mini 6.50: je démissionne d’un cabinet d’architecture navale de renommée pour aller dans un plus gros groupe qui a les capacités de m’accueillir à bras ouverts avec les contraintes de mon projet Mini 6.50, je déménage un peu plus proche de la Turballe et de mon travail pour faciliter la logistique, et puis toutes mes économies et mon temps vont dans le projet. C’est commun à ceux qui font des projets Mini 6.50: nous vivons nuits et jours projet Mini 6.50, la moitié de notre cerveau gère le quotidien et le travail, et l’autre moitié pense constamment au projet Mini 6.50. Dur d’éviter une overdose… Surtout quand naturellement on se met trop la pression.

Mon premier chantier d’hiver

L’hiver, il est courant de faire un chantier sur son bateau pour l’entretenir, changer les pièces pour la saison suivante, faire un check-up de son mât, réparer les choses qui ont cassé et qui ont été réparés de façon temporaire durant la saison. Pour certains, le chantier d’hiver est aussi synonyme d’optimisation, par exemple en modifiant le plan de pont ou la carène, ou ajouter des ballasts, ou d’anticipation pour renforcer les pièces qui vont surement casser, basé sur l’expérience.

Puis tout s’enchaine

Puis s’enchaînent rapidement la fin de chantier, le début de mon nouveau travail, la reprise des entraînements, une collègue qui commence aussi un projet Mini 6.50, les courses de qualification, une crise d’appendicite juste avant un départ, la première navigation en solo, les convoyages, une collision, la qualification hors-course…

Travailler à plein temps en parallèle d’un projet Mini 6.50 demande beaucoup d’organisation, de planification et de flexibilité pour gérer les imprévus. Lorsqu’une collègue vous annonce qu’elle a décidé de commencer, elle aussi, un projet Mini 6.50, alors que vous avez déjà le vôtre, et que votre manager doit faire la parfaite équité entre salariés, il faut alors être d’autant plus organisé, planifier, et être encore plus flexible.

La qualification hors-course : des règles strictes et rigides

La qualification hors-course est un parcours de 1 000 milles nautiques à réaliser en solitaire et hors-course, comme son nom l’indique. Un parcours est recommandé par la classe Mini 6.50 pour les skippers basés sur la côte Atlantique : une boucle reliant Coningbeg au sud de L’Irlande, le plateau de Rochebonne et l’ile de Ré. Quelques dérogations de parcours peuvent être acceptées, tant que la distance de la boucle reste 1 000 mn. Ce parcours est à réaliser hors-course, c’est-à-dire que c’est le skipper qui choisit la fenêtre météo pour partir. Généralement, les fenêtres météos sont entre avril et septembre, avec la meilleure période en juin (les nuits sont les plus longues). Mais autant vous dire qu’avec le réchauffement climatique, il n’y a plus de généralités. Le parcours doit se réaliser seul, c’est-à-dire sans bateau accompagnateur ou autre mini 6.50 trop proche. Nous devons faire notre vie seul et prendre nos décisions seul.

Ma qualification hors-course

Ayant eu une collision en juin, j’ai réparé et pu me mettre en stand-by à partir de mi-juillet. Se mettre en stand-by, c’est analyser les prévisions météo tous les jours pour trouver la fenêtre pour partir.

Une seule fenêtre météo s’est présentée début août, et autant vous dire qu’elle était mauvaise et risquée, mais ça je ne l’ai compris qu’après, avec du recul. Quand on se dit, normalement la dépression passe plus au nord, ça va passer : non, la météo ne vous attend pas, et ça peut ne pas passer, ça peut se décaler, et pas dans le bon sens… Plusieurs skippers ont sauté sur cette fenêtre météo, dont une autre skippeuse de mon pôle d’entraînement. Le routage était trop optimiste. La dépression qui devait passer bien au nord de l’Irlande s’est décalée, et la dorsale que j’ai dû traverser était plus étendue que prévue. Je ne suis pas montée aussi vite que le routage le prévoyait, pour redescendre avant l’arrivée de la dépression.

Lorsque j’arrive à Coningbeg, je capte la météo et je décide d’aller m’abriter. J’ai donc dû faire escale en Irlande à Dunmore East pour laisser passer la tempête Betty. Un autre Mini 6.50 s’y abrite aussi. Après avoir géré la sécurité des bateaux dans le petit port de pêche et la tempête passée le samedi soir, des gens acceptent de nous remorquer en dehors du port le lendemain matin. Manœuvrer à la voile de nuit pour sortir du port avec les vagues aurait été risqué. On comprend qu’ils n’aient pas envie de nous remorquer à 23h la veille… Je repars faire mon bout de chemin. Je passe le plateau de Rochebonne, je contourne l’Île de Ré et j’arrive à la Turballe. Ma qualification hors-course ne sera pas entièrement validée, ainsi que celle de l’autre skipper qui a aussi fait escale en Irlande, pour deux raisons.

Le comité qui évalue les dossiers a estimé que j’avais agi en bon marin en faisant escale et en m’abritant, mais il estime que j’aurai dû repartir dans la nuit du samedi à dimanche dès que la tempête était plus calme. Le comité n’a pas voulu entendre que je ne pouvais pas me faire remorquer dans la nuit de samedi à dimanche pour sortir en sécurité du port. D’autre part, le comité n’a pas apprécié que deux Mini 6.50 partent et arrivent au même port sur un créneau temporel rapproché, l’escale avec la tempête nous ayant fait nous rapprocher, malgré que nous n’ayons pas eu les mêmes choix stratégiques et mêmes routes sur les passages de Ouessant et du chenal du Four par exemple. Mon tracker embarqué à bord, mon journal de bord, mes relevés de cartes n’ont pas suffi à les convaincre que j’avais fait ma navigation en solitaire et que les décisions que j’avais prises n’étaient que les miennes, et que j’avais été suffisamment loin de l’autre Mini pour appréhender la solitude.

La sentence est la même pour l’autre Mini 6.50 et moi : 500 milles nautiques à faire avant le 31 mai 2024 sinon nous devrons tout refaire. Je suis déçue, je me sens jugée comme tricheuse alors que j’avais partagé mon interrogation aux autres skippers sur le fait que plusieurs skippers sautaient sur cette fenêtre météo, et qu’on avait voulu me rassurer en me disant que c’était très fréquent que les Mini 6.50 partent sur la même fenêtre météo sans être pénalisé. Et là, non, ce n’est pas passé. La prochaine fois, je ne ferai confiance qu’à moi-même quand je doute… Et je serai plus patiente et flexible sur le plan personnel : en septembre il y a eu une nouvelle fenêtre météo. J’aurais pu la saisir si j’avais été plus flexible au niveau personnel, plus patiente, et si j’avais su prendre le risque d’attendre une fenêtre qui n’allait peut-être pas venir. Mais avec des “si”, on peut tout refaire.

Une chute qui fait mal

Les entraînements reprennent en septembre, ainsi que les week-ends bricolages et entretien du bateau lorsque les tempêtes passent et qu’il n’est pas possible de naviguer. Un dimanche, début novembre, je suis perchée en haut d’une échelle, à 2m de haut, en portant du matériel pour le bateau. Je n’ai pas sécurisé l’échelle, mais elle glisse et moi avec. Je me retrouve en vrac, par terre, le matériel que je portais et l’échelle qui me tombent dessus, et j’ai super mal. Au bout d’un quart d’heure j’arrive à me relever, j’ai une grosse balafre sur le ventre. Et comme depuis plusieurs mois j’ai la tête dans le guidon, je suis fatiguée, je fonce tête baissée pour continuer mon bricolage sur mon Mini 6.50, même si j’ai super mal, car il faut que je finisse à temps…

Laisser l’égo de côté, savoir dire non, savoir accepter des moments de faiblesse

Le week-end suivant, les conditions annoncées pour naviguer sont très sportives, mais il n’y a pas BMS (bulletin météo spécial), donc l’entraînement est maintenu, mais moi je suis encore en vrac à cause de la chute. J’avais initialement prévu de faire cet entraînement avec un autre skipper qui n’avait pas son proto (celui-ci naviguant sur la Mini Transat 2023). Je préviens mon équipier que je ne suis pas sûre de pouvoir naviguer. A la conversation insistante, j’ai le sentiment de passer pour une faible, que c’est important de s’entraîner dans du gros temps. Alors je prends les anti-douleurs, et parce que je n’ai pas su mettre mon égo et ma fierté de côté, parce que je n’ai pas su dire “non je n’y vais pas j’ai trop mal”, j’y suis allée. Une journée de navigation dans des conditions bien sportives.

Est-ce que j’ai aimé sur le moment ? Je ne sais pas trop. Mais le lendemain matin, je n’ai pas pu me lever. J’étais complètement bloquée du dos et super mal aux côtes. Là je suis enfin allée voir un médecin, passé une radio, et j’ai enchaîné les séances d’ostéopathie et de kiné : fractures aux côtes, tout le côté droit de déplacé et le nerf sciatique de coincé. Là, le kiné m’a fait comprendre qu’il fallait faire une pause. J’ai rongé mon os jusqu’à Noël, à ne pas naviguer et à enchaîner les séances de kiné et d’ostéo. Je bricolais sur le bateau pour compenser, gagner du temps, mais en fait, physiquement ça n’aidait pas non plus. Fin décembre j’ai pu recommencer à naviguer tranquillement.

Un second chantier d’hiver et des nouvelles qui plombent le moral et le dos

Après un petit chantier d’hiver, petit mais intense, je reprends les entraînements, avec plusieurs casses sur des éléments que j’avais modifié en chantier. Un peu frustrant, mais c’est le jeu. N’empêche que ça me stress, voyant le temps qui coule, la logistique pour réparer tout en travaillant à temps plein, je réalise que je vais devoir louper au moins un ou deux week-ends d’entraînements, et que je devrais repartir pour mon supplément de qualification hors-course.

Puis j’apprends que je me suis faite piquer un de mes sponsors par autre skipper.

Donc s’en est ensuit une période dure humainement et mentalement.

En février, je me rebloque le dos. Je me retrouve bloquée quasiment une semaine, c’est très douloureux et je ne peux pas marcher plus de 5min, je ne peux pas me tenir droite. Le dos est d’un bloc et le nerf sciatique est coincé. Rebelote les séances d’ostéo et de kiné. Puis je retourne un peu naviguer, mais c’est douloureux, et je prends un double tarif dans la récupération après une journée de navigation. Mais c’est un petit peu mieux chaque jour quand même… Entre février et avril, j’enchaîne plusieurs épisodes comme ça. Entre-temps, je me blesse aussi au pouce et me retrouve avec une atèle, mais rien de grave. Je commence à remarquer que je me bloque le dos aussi quand je suis stressée, frustrée quand quelque chose ne va pas sur le bateau, quand je monte à mon mât…

Avec du recul et une note d’humour : c’est ce qu’on appelle “en avoir plein le dos”. Bref les épisodes s’enchainent, et je stresse à cause de la deadline du 31 mai pour réaliser mon supplément de qualification hors-course, qui est en réalité fin avril. Il me faut une fenêtre météo de 5 jours, avant le 31 mai. Sauf que début mai, les courses commencent jusqu’à fin mai… donc autant dire qu’il faut que la fenêtre se présente avant fin avril. Début avril il n’y a toujours pas de fenêtre, je zieute tous les jours la météo. Quand je dis que je me mets la pression seule…

La course au large : performance vs non-durabilité

Début avril, c’était le dernier entraînement de la saison au pôle de la Turballe, centre d’entraînement qui regroupe une trentaine de skippers préparant un projet de Mini Transat. Suite à ma blessure de novembre, mon dos était toujours assez fragile, et le pouce dans l’atèle. J’ai donc fait ce dernier entraînement en double. Malheureusement, ma grand-voile (qui a moins d’un an d’utilisation) a commencé à se déchirer pendant l’entraînement le samedi. Nous avons passé la soirée à la réparer pour pouvoir retourner sur l’eau le dimanche, ça a tenu !

Néanmoins, cela a soulevé un point qui me dérange dans la course au large : la non-durabilité pour la performance. Les matériaux sont toujours de plus en plus légers pour gagner en poids et gagner en performance, mais fragiles et ne tiennent pas dans le temps. Cette grande voile avait été construite avec comme cahier des charges de tenir plus longtemps que l’ancienne. L’ancienne a duré 5 ans, la nouvelle aura duré moins d’un an, malgré que sa forme soit très bien taillée. Bilan matériel de ce dernier entraînement : Il faut que je fasse faire une nouvelle grand-voile avant les courses…

Le supplément de qualification hors-course : les premiers questionnements avant le départ

Lundi 8 avril, j’ai vu qu’une fenêtre météo de 5 jours (la première depuis le mois d’octobre dernier), s’ouvrait mercredi. J’ai sauté sur l’occasion pour partir faire mon supplément de qualification hors-course. Mon parcours était le suivant : partir de la Turballe, passer le Raz de Sein, monter en rade de Brest enrouler 3 marques, descendre au large de l’île de Sein et du plateau de Rochebonne jusqu’au niveau d’Arcachon enrouler la marque d’eau seine BXA, puis remonter en passant sous le pont de l’ile de Ré, et rentrer à la Turballe.

Deux jours avant le départ, j’étais très excitée à l’idée de partir. La veille du départ, j’ai commencé à me poser beaucoup de questions : pourquoi est-ce que je repars en solitaire ? Quels sont réellement les objectifs du projet ? Est-ce que ça fait sens de naviguer en solitaire ? Est-ce que ça fait sens de naviguer en solitaire et en course ? Je ne me sentais pas très bien à vrai dire. Grosse zone de turbulence dans ma tête.

Trois longues journées …

Mercredi matin, j’ai lâché les amarres, très contente, et je suis partie sur mon parcours. La montée en rade de Brest a été sur un bon rythme, malgré quelques galères.

Mon GPS a rendu l’âme quelques jours avant mon départ, je m’en étais donc fait prêter un. Sauf que nous n’avons pas de fond cartographique (nous n’avons pas navionics), et les points dans ce GPS n’étaient pas les miens, rendant les choses plus incertaines. Une fois sortie de la Teignouse, le GPS qu’on m’a prêté s’éteint et ne redémarre pas… Je mets le pilote en mode vent apparent et je rentre dans le bateau voir ce qui ne va pas. Sauf que le vent tourne, et donc le bateau tourne avec le vent (à cause du mode du pilote), et je ne m’en rends pas compte puisque j’ai la tête dans mon boîtier électrique… Quand je ressors (avec le GPS qui ne s’allume toujours pas), je me rends compte que les paysages autours de moi ne sont pas comme ils devraient l’être, Houat, Belle-Île et Quiberon ne sont pas du bon côté, et faire un cap au 180° alors que je dois aller vers Brest n’est pas bon. Là, je me pose vraiment la question si je dois rentrer à terre, car je n’ai plus de GPS, et tout faire au sextant va être compliqué (même si j’ai pu faire quelques relevés). Je tente encore une fois et j’arrive à résoudre le problème d’électronique, le GPS redémarre. Je remets le cap sur Brest et je repars.

Pendant la première nuit, il y a peu de monde et peu de pêcheurs, donc j’arrive à faire des micro-siestes de 10 à 20 min. Vers 2h du matin, je me réveille d’une micro-sieste et je réalise que le support d’un de mes panneaux solaires s’est cassé et que le panneau traîne dans l’eau, accroché heureusement par un bout… J’arrive à le récupérer. Je tente deux réparations dans la nuit, car je veux que le panneau soit opérationnel dès que le soleil se lève pour charger les batteries du bateau. Car sans batterie, je n’aurai plus de pilote auto et donc je ne pourrai pas dormir, ce qui n’est pas possible. Mes deux réparations ne tiennent pas. J’attache donc le panneau solaire à l’arrière du bateau, sur le fond du cockpit, ce qui m’empêchera de barrer correctement d’un côté et d’orienter de façon optimale le panneau, mais au moins ça chargera à minima… 

Je suis au près, je passe la pointe de Penmarch, la mer n’est pas belle à cause de toutes les dépressions des dernières semaines. Par chance le vent tourne (enfin !) et je traverse la baie d’Audierne sous spinnaker. Je profite enfin ! J’arrive au Raz de Sein, avec le courant dans le bon sens, mais la mer est déchaînée. Je plante dans une grosse vague, le bateau est stoppé net. Je redémarre, je plante, et je suis stoppée… à plusieurs reprises. Et là je me rends compte que la chèvre (tube en carbone à l’avant du bateau qui permet d’envoyer le bout dehors pour tenir le spinnaker) a cassé lorsque j’ai planté dans la vague. J’affale le spi, je range le bout dehors et je prends mon cap vers la prochaine marque en rade de Brest. Le vent tourne encore et je suis de nouveau au près, mais avec du soleil, les batteries chargent. J’enroule les trois marques en rade de Brest puis commence ma descente vers le large, en laissant à bâbord l’île de Sein. Là je commence à être coupée du monde. Le vent a encore tourné, je reste donc au près, dans une mer chaotique. Je tire des bords, mais le vent et le courant sont face à moi, je fais donc beaucoup de distance et j’avance lentement avec les vagues qui me freinent. Pendant la nuit, je continue à tirer des bords, mon support d’instruments électroniques se casse, et pour le coup il me manque des vis à bord pour réparer… Ce n’est pas idéal mais je fais autrement. Je croise de près l’Imoca MACIF et l’Imoca Malizia, c’est impressionnant et ça fait plaisir.

La troisième journée, je continue à tirer des bords pour tenter d’avancer sur ma longue descente… J’ai le dos qui commence à se coincer, je fais les exercices du kiné pour soulager. La grand-voile recommence à se déchirer mais c’est maîtrisable. Puis la nuit tombe, et je vois ma trace au GPS qui me montre que je n’avance pas avec les forts courants. Je suis en retard sur les routages faits avant de partir, et si j’arrive à atteindre la bouée en face d’Arcachon, je sais que le vent tournera aussi à ce moment-là et que la remontée vers la Turballe se fera encore au près, c’est-à-dire face au vent. Finir le parcours s’annonce donc très long et compliqué.

Une nuit décisive

Pendant toute la troisième nuit, j’essaye de faire des micro-siestes de 20 à 30 min mais je n’y arrive pas. Je ne fais que de me poser des questions : quels sont les objectifs du projet ? Pourquoi une transatlantique en solitaire et en course ? Est-ce que naviguer en solitaire me plait ? Qu’est-ce que j’aime dans ce projet ? Est-ce que par ce projet je véhicule les valeurs que je souhaite ? Est-ce que mon projet tient la route ? Est-ce qu’il tient la route financièrement ? Est-ce qu’il me rend heureuse ? Est-ce qu’il n’est pas néfaste ? Et je commence à trouver quelques réponses à mes questions. Je me donne jusqu’au samedi matin pour voir mon avancée sur l’eau.

Retour à la maison

Samedi matin, je n’ai toujours pas réussi à atteindre le niveau du plateau de Rochebonne, et là je craque mentalement. Je tire la barre, direction la Turballe. Là, je réfléchis encore à toutes ces questions et aux réponses que j’ai. J’arrive, malgré la chèvre qui est cassée, à envoyer le spi dans du vent mollissant malgré la mer formée. Puis j’arrive près du champ d’éoliens de Saint-Nazaire, le vent monte d’un coup, et une brume impressionnante se lève. Je ne vois pas à 50 cm devant moi, c’est difficile avec les éoliennes et les cardinales dans la brume, avec un GPS dans lequel je ne connais pas la fiabilité des points. La nuit tombe, toujours avec ce brouillard, et le vent forci et tourne. Les lumières/flash des balises ne sont pas visibles dans le brouillard. J’affale le spi car je crains que ça ne passe avec les éoliennes. J’arrive dans la brume à quelques milles du port vers 23h30, et j’arrive enfin à joindre les autres collègues du centre d’entraînement pour les prévenir que je ne peux pas rentrer dans le port sereinement avec cette brume qui masque les signaux lumineux des bouées et mon gps qui n’a pas le port d’indiqué dedans… J’arrive à aller jusque devant le port de la Turballe, et les collègues du centre d’entraînement arrivent en bateau moteur pour m’aider à rentrer dans le port. Ils ont été incroyables à m’aider pour tout ranger, et me féliciter bien que je n’aie pas fini le parcours.

J’ai passé le dimanche à ranger le bateau, faire le point sur les éléments cassés, mais qui restent réparables. Lundi et mardi j’ai dormi et pris du temps pour me poser et réfléchir, et répondre à mes questions, en avoir d’autres. Alors j’ai remis tout mon projet et mon rêve de Mini-Transat en cause.

©Pauline Reignier / SEAtizens

Se poser les bonnes questions et revenir aux bases

Je me suis rappelé les raisons pour lesquelles j’avais commencé la voile. Petite, on m’avait inscrite à la danse, et j’allais chercher mon grand-frère à la voile avec ma maman. La danse ce n’était pas trop mon truc, la voile ça m’intriguait. Il y avait tous ce groupe d’enfants du même âge, une bonne ambiance, j’appréciais aussi le lieu, avec l’eau et la verdure. D’être sur l’eau, dans sa petite coque de noix, tout seul, c’était fun. Et j’ai pris goût aux régates, à me dépasser, à penser tactique et stratégie, à comprendre les phénomènes en jeu.

J’ai testé pleins d’autres supports et j’adorais tester de nouveaux bateaux, j’adorais aussi naviguer avec un équipage régulier pour progresser. J’apprécie que hommes et femmes concourent sur un même classement, et qu’il ne faille pas que des gros muscles pour réussir, il faut aussi utiliser sa tête. Et j’adorai ce sentiment de liberté sur l’eau, mais aussi d’humilité face aux éléments. Lors de mes études en Norvège, j’ai découvert la croisière. La voile est devenue un moyen de voyager, de s’évader et de découvrir des littoraux et de nouvelles personnes. 

J’ai décidé de commencer la course au large parce que ça me permettrait d’aller plus loin dans la découverte de lieux, et de me dépasser. Et puis c’était nouveau pour moi, je voulais donc tester, et j’avais ce rêve de transatlantique. La faire en course et en solitaire paraissaient évident pour progresser et avoir un nouveau challenge. Mon tuteur de stage, des anciens collègues, un ancien camarade de classe avaient fait la Mini Transat, alors pourquoi pas moi ? Peut-être qu’aussi, à cette période-là, je voulais me prouver des choses et prouver des choses aux autres, à ma famille. Or, on n’a rien à prouver à personne.

Faire le bilan sur mon projet

Ce qui me plait dans le projet c’est de pouvoir partager à terre ce que j’ai vécu sur l’eau, véhiculer des valeurs, donner envie aux personnes de se surpasser et prendre confiance en eux. Le sujet de la place des femmes me tient à cœur et ce projet est un bon support pour en parler et défendre cette cause. Néanmoins j’ai conscience que d’autres projets collectifs pourraient aussi servir de support pour véhiculer ces valeurs et porter cette cause.

Faire le parcours de qualification hors course l’été dernier a été dur, et c’était ma première navigation sur une durée aussi longue en solitaire. Cela m’a permis de me prouver des choses et d’apprendre. Je me suis surpassée et j’en étais très contente, j’en suis revenue pleine de souvenirs et des étoiles dans les yeux malgré les imprévus. Mais repartir pour faire un supplément de qualification hors course en solitaire ne prenait plus sens pour moi la veille du départ et sur l’eau. L’avoir fait une fois oui, mais pourquoi remettre ça ? Quel sens cela a-t-il ? J’ai remarqué que je prenais plaisir à naviguer en équipage (ce que je faisais avant de commencer le projet Mini 6.50), plutôt qu’en solitaire. Je ne trouvais plus le sens de naviguer en solitaire. Ce que j’aime dans la voile c’est le partage, le partage à terre et sur l’eau, et la gestion d’équipe.

Alors oui, retourner naviguer en solitaire, quand j’en ai envie et quand je l’ai choisi, sans contraintes de timing extérieures (dates de qualification), je le referai avec plaisir. Mais tout préparer en solitaire, à terre, sur l’eau, impliquer mes proches de façon indirecte alors qu’ils n’ont rien demandé, de façon intensive en travaillant à plein temps, avec les deadlines de courses et de qualification, ça non…

J’en ai plein le dos

Physiquement, j’ai enchaîné plusieurs blessures, notamment à la suite de ma chute début novembre, et d’un entraînement début mars. Mon dos se remet mal, je me blesse au dos fréquemment, et c’est aussi un signe révélateur. Pendant plus d’un an et demi j’ai réussi à tenir grâce à des sponsoring financiers modestes, sponsorings matériels, et sur fond propre, à faire en très grande partie tout par moi-même. C’était très formateur. Mais la réalité fait que le projet ne tient pas la route sur le plan financier, car je n’ai pas réussi à trouver d’autres sponsors pour compléter mon budget.

L’importance de la préparation mentale

Dans les sports d’endurance, les expéditions ou les survivants de catastrophes on a tendance à dire que la réussite ou la survie vient à 70% du mental. J’ai pris la décision de me faire accompagner pour la préparation mentale et le suivi psychologique un peu trop tard vis à vis des évènements dans le projet. Avec des “si”, on referait le monde. Peut-être que si j’avais commencé l’accompagnement plus tôt, j’aurais tenu plus longtemps, je n’en sais trop rien. Mais cet accompagnement m’a aidé sur de nombreux points dans le projet.

Accepter de se tromper ou accepter d’évoluer

C’est dur à accepter, mais j’ai réalisé grâce à ce parcours en solitaire que je m’étais trompée sur les objectifs initiaux de mon projet. Ou peut-être que j’ai juste évolué ? Une transatlantique, c’est le rêve d’une vie, mais la faire en solitaire et en course, ce n’est pas ce qui me correspond. Je ne suis pas « câblée comme ça, pour ça ». Il me manque le partage sur l’eau, en plus de celui à terre. J’ai réalisé plus d’un an et demi de projet, avec beaucoup de problèmes à surmonter, ce qui a été très formateur.

Mais continuer ainsi n’aurait plus de sens. Faire une transatlantique, c’est possible sous d’autres formats qui pourraient mieux me correspondre. Peut-être plus tard, qui sait ? En tout cas, le rêve est toujours là. Véhiculer les valeurs qui sont présentes dans la voile, et notamment dans la voile de compétition, et favoriser l’intégration des femmes, c’est tout aussi possible au sein de projets sportifs en équipage avec des objectifs de plus petites ampleurs. Faire simple, voire moins loin et moins haut peut rendre tout aussi heureux, voire plus, que lorsqu’on vise des objectifs trop ambitieux. Et puis la voile en solitaire c’est très français.

Combien de fois ai-je entendu dire de moi que c’était évident que je devais le faire, cette transat en solitaire ? Inconsciemment, on se colle une image ancrée dans le milieu français de la voile. Mais est-ce que naviguer en équipage n’aurait pas autant de mérite ? Gérer l’humain, apprendre à prendre sur soi, à partager, à s’écouter les uns et les autres, à s’entraider malgré les différences de personnalités, de caractères et de niveaux techniques tout en étant confronté aux mêmes éléments naturels qu’en solitaire ? Apprendre à avoir des objectifs communs, à coopérer et fonctionner ensemble pour atteindre l’objectif final ?

Une décision à prendre et à assumer

J’ai donc décidé d’arrêter le projet Mini 6.50. Pour la fin de l’année, le bateau restera inscrit à quelques courses en double dans l’objectif de trouver un ou une nouvelle propriétaire et de lui faire une passation. J’espère fortement trouver une nouvelle propriétaire pour que ce bateau continue ce que j’ai essayé de commencer via mon projet : encourager la mixité. C’est très difficile de se séparer du bateau, bateau que j’ai réparé et bichonné pendant tout mon temps libre, sur lesquels j’ai fait des super sorties en mer, et sur lequel j’ai eu des souvenirs inoubliables. Mais Roll My Chicken est un bateau de course fait pour traverser l’Atlantique, et donc je ne peux pas le garder si je n’ai plus cet objectif.

Cette décision peut décevoir les personnes qui ont été impliquées dans le projet ou celles qui l’ont suivi, elle peut aussi les soulager, elle peut paraître sage, chacun pensera ce qu’il veut. Mais elle m’appartient, elle est mûrie et réfléchie. Même si le projet sportif s’arrête, le souhait de militer pour la place des femmes reste fortement présent et je continuerai à mener des actions pour défendre ce sujet, notamment avec SEAtizens (Enquête : Quelle place pour les femmes dans le monde de la voile ? et Enquête : Le sexisme dans le milieu professionnel maritime).

Un projet terminé

Après avoir pris cette décision, avoir senti au fond de moi que c’était la bonne décision, car c’est la mienne, il a fallu que je l’assume auprès de mes sponsors, au travail, et dans la vie de tous les jours, puisque ce projet prenait une très grande place. J’ai remis en question presque tous les choix que j’avais fait pour le projet Mini 6.50: changer de travail, déménager, plusieurs sacrifices personnels… Mais il ne faut rien regretter, de chacune de ces actions j’en tire du positif même si le projet est terminé.

Ou presque terminé

Ou presque terminé, tant que le bateau n’est pas vendu. Mettre l’annonce pour vendre le bateau a été très dur, car je n’en n’ai pas encore fait le deuil. Les premières semaines, quand on ne me parlait pas de Chicken, j’étais apaisée. Puis s’en est suivi plusieurs semaines avec des doutes, des insomnies. 

Je n’ose pas dire non, et j’écoute beaucoup, malgré l’indélicatesse de me raconter ses prouesses lors des courses, de me faire douter, et de critiquer l’état actuel de mon dos. Je ne veux pas douter et je veux couper pour aller de l’avant. Mais c’est difficile pour moi de le dire de vive voix, de m’affirmer, car je sais que certains ne comprennent pas. Mais l’esprit Mini, c’est l’entraide. Et donc je prête du matériel tant que le bateau n’est pas vendu.

Chaque ministe est dans son projet, à fond les ballons, la tête dans le guidon. Mais c’est important de garder à l’esprit que quand on se fait prêter du matériel, ça reste essentiel de demander si on peut le modifier, surtout quand le propriétaire ne peut plus le remonter tel quel dans son bateau ensuite. Utiliser les Mini 6.50 des autres pour démater et remater, une procédure classique qu’on a tous réalisé sur le terre-plein ou au port, c’est normal. Mais il faut garder en tête qu’il est essentiel de remettre le bateau des autres utilisé pour remettre son propre mât dans l’état dans lequel on l’a trouvé : attaché au sol pour pas qu’il se renverse en cas de coup de vent, avec le matériel remis à sa place, sans se servir.

Parmi les doutes, il y a le sentiment d’avoir déçu des personnes dans mon entourage plus ou moins proche, dans les personnes qui croyaient en mon projet. Ma famille, ma maman qui m’a soutenue alors qu’au début elle avait beaucoup de mal avec mon projet, mon grand-frère, à qui je voulais prouver que je pouvais faire aussi bien que lui, à mes sponsors et aux collaborateurs qui étaient très emballés par mon projet et par les valeurs que je soutiens.

Mais aujourd’hui, après avoir pris la décision d’arrêter, je me sens mieux physiquement et mentalement. Alors pour retirer les doutes et ce sentiment de décevoir, sentiment qui est surement juste une idée de mon cerveau, je me répète les mots d’un ami : “Penses-tu réellement que tes parents ou tes sponsors voudraient avoir une fille qui soit à moitié cassée ou déprimée à cause de la course au large ? J’en doute, ils préfèrent te voir heureuse en faisant de la voile pour le plaisir d’être sur un bateau avec des personnes de ton choix”.

Un vide présent, mais la flamme est toujours là

Le vide du projet me pesait et me pèse. Peut-être qu’il y a un goût d’inachevé. Alors je vis à cent à l’heure pour ne pas avoir trop le temps de poser mon cerveau : une charge au travail importante qui tombe bien pour m’occuper. J’essaye de me remettre en selle en faisant des petits objectifs pour récupérer la satisfaction de finir quelque chose. Je retourne faire quelques remplacements dans l’équipage 100% féminin dans lequel je naviguais avant mon projet Mini 6.50. Ce qui me rassure, c’est qu’avec elles j’ai pris plaisir à naviguer, et que j’ai toujours cette soif de retourner sur l’eau. La flamme est toujours là, même si elle était sur le point de s’éteindre. Comme me dit un proche : “tu as bien fait de t’arrêter à temps, car au moins tu n’aies pas dégouté de la voile, tu as encore envie de naviguer, tu n’as pas perdu ta passion”. Il est possible que pour faire le deuil de mon projet j’ai besoin de m’éloigner un peu de la voile en compétition temporairement. Et puis, qui sait, peut-être que je découvrirai de nouveaux trucs qui me feront rire, plaisir et aimer, des trucs que je ne soupçonnais pas avant. Le corps est aussi un indicateur puissant : une pause est aussi nécessaire pour que je récupère mon dos.

Et puis les échecs font partie de la vie. On a tous des casseroles mais ça ne nous empêche pas de nous relever et de faire des trucs incroyables après. Et est-ce vraiment un échec ? “Le succès, c’est d’aller d’échec en échec sans perdre son enthousiasme” Winston Churchill. Enfin, je ne suis pas à plaindre, il faut relativiser : il se passe actuellement des choses bien plus inquiétantes dans le monde.

Un retour d’expérience enrichissant, pour soi et pour les autres

Arrêter le projet Mini-Transat a été une décision difficile, mais qui fait grandir et avancer. Malgré les galères, ce projet aura été une expérience unique, enrichissante, inoubliable. Quand on est seul à la barre, on est maître de ses décisions et actions, on admire la nature, on est à la fois libre et humble face aux éléments. A tous ceux qui rêvent de la Mini-Transat, qui voudraient se lancer, je vous conseille juste de vous poser les bonnes questions, et que vos proches vous posent celle-ci : est-ce que ce projet vous correspond ?

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