Du plastique au menu dans tous les restaurants, ça vous dit ? Non, évidemment. La réalité est encore bien plus angoissante que ça. Les microplastiques sont présents partout : dans nos assiettes, dans l’eau que l’on boit et même dans l’air que nous respirons. Quel est donc cet étrange phénomène qui amène le plastique de nos poubelles jusqu’à nos organismes à l’échelle cellulaire ? Décryptage.

98% des microplastiques présents dans l’eau indétectables ?
Le 16 janvier 2025, le chercheur Gaël Leroux du CNRS et une équipe de chercheurs de l’Université de Toulouse ont publié une étude dans le magazine Plos Water révélant qu’une majorité des microplastiques présents dans l’eau échappent aux méthodes de détection actuelles. En utilisant une méthode novatrice basée sur la microspectroscopie Raman, les chercheurs ont déterminé que 98% des microplastiques présents dans l’eau potable mesurent moins de 20µm, une taille inférieure aux éléments détectables par les méthodes préconisées par les directives européennes.
En France, l’analyse de dizaines d’échantillons d’eau potable en bouteille ou du robinet a démontré la présence de 17 polymères différents à des concentrations pouvant aller de 19 à 1154 microplastiques par litre. Ces microplastiques de petite taille sont très dangereux pour la santé car ils sont en mesure de traverser la barrière intestinale et d’atteindre le système sanguin et les organes.
Ces microplastiques se retrouvent dans l’eau potable en suivant un cycle spécifique à travers les océans.
Le cycle du plastique, un cycle naturel ?
La réponse est à la fois assez simple et complètement effrayante. Le plastique suit globalement le cycle de l’eau.

Ainsi, si l’on remonte la chaîne de contamination, on se rend compte que les produits plastiques fabriqués par l’homme sont encore très mal recyclés et se retrouvent le plus souvent jetés. En suivant les cours d’eau de la planète, ces déchets viennent ensuite polluer les océans, allant jusqu’à former de vastes territoires. Ces produits, associés à tous les matériaux de pêche abandonnés directement en mer, vont progressivement se désagréger en petites particules de plastique. Ces particules vont être ingérées par la faune marine et se retrouver in fine dans nos assiettes. Mais certaines sont tellement petites qu’elles vont s’évaporer avec l’eau des océans, se faire transporter par les nuages et les vents, pour retomber sous forme de pluie sur les terres, contaminant ainsi les cours d’eau et les sources… Ce qui explique la présence de différentes sortes de polymères dans l’eau potable.
Mais les microplastiques viennent en réalité contaminer les éléments naturels à tous les niveaux : les sols, les fonds marins et même l’air. En effet, cette étude de l’Université d’Auckland en Nouvelle-Zélande, publiée en décembre 2022, présente des chiffres effarants de concentration des microplastiques dans l’air des grandes villes du monde : 110 microplastiques par mètre carré pour la ville de Paris, 275 pour Hambourg, 771 pour Londres et 4885 pour Auckland ! Il pleut donc littéralement du plastique sur nos terres et on n’en finit pas d’en retrouver partout où l’on fait des prélèvements. Dans les eaux de pluie, dans la neige, dans l’air, dans les sols fertiles et même dans les déserts. Autant dire que nous n’avons aucune chance d’échapper à ces particules, et c’est un cercle vicieux qu’il faut absolument briser, pour notre santé et le salut de l’humanité.

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Quelles solutions ?
La solution la plus radicale serait d’interdire purement et simplement l’usage du plastique à l’échelle planétaire. Mais il est évident que celle-ci n’est pas viable à court terme tant le plastique s’est infiltré dans nos vies à tous les niveaux : des produits manufacturés (objets divers, vêtements, automobiles…), à la technologie, en passant par l’agro-alimentaire, l’industrie, le bâtiment etc.
Il convient de prendre le problème à bras le corps en traitant à la fois les causes et les effets. Le nettoyage des océans, des plages, des terres et des berges des fleuves et rivières est un premier pas vers la diminution de la quantité de plastique dans la nature. Mais cela doit impérativement s’accompagner d’un processus d’endiguement des flots de déversement : barrages sur les fleuves et rivières, amélioration des systèmes de filtration urbains… Sauf que là encore, on ne traite que les effets et non la cause.
Il faudrait donc progressivement réduire l’utilisation du plastique partout où cela n’est pas indispensable, financer la recherche pour trouver des alternatives viables en fonction des domaines d’application, ou encore travailler à une sensibilisation massive des populations. Enfin, il faut aussi innover en matière de recyclage des déchets plastiques et travailler à l’échelle planétaire, notamment dans les pays qui émettent le plus de déchets, à une meilleure gestion des matières plastiques.
La question des déchets plastiques, qui apparaît aujourd’hui comme un enjeu sanitaire mondial, doit absolument être traitée de manière globale, concertée et multilatérale. Elle doit figurer à l’ordre du jour de toutes les actions diplomatiques et de coopération, servir de base de négociation aux grands échanges industriels et aux transferts de technologie, afin d’imposer des normes communes. Qui aura donc le courage d’enfin prendre cette question au sérieux et imposer une marche à suivre ? C’est seulement à ce prix que nous pourrons peut-être briser le cycle infernal du plastique.