L’océan en surchauffe : anatomie d’une catastrophe annoncée

Depuis le 13 mars 2023, la température moyenne des eaux de surface des océans bat des records quotidiennement. Un an de records, sans interruption, des services météorologiques européens qui tirent la sonnette d’alarme et… personne – ou presque – n’en parle ni n’explique les enjeux d’un océan en surchauffe !

Ce sont des données officielles : depuis plus d’un an maintenant, soit depuis le 13 mars 2023, les températures moyennes des eaux de surface des océans battent des records. Concrètement, le 10 mars 2024, les eaux de surface mondiales atteignaient 21,2°C selon la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) américaine. Une température jamais atteinte à cette période de l’année depuis le début des relevés. Selon Copernicus, ces températures ont, en février 2024, atteintes 21,06°C. Le record battu n’était pourtant pas très ancien. Il datait d’août 2023 avec 20,98°C…

Tous les océans virent au rouge, voire au marron, indiquant des records de chaleur des eaux de surface, avec des moyennes supérieures ou très supérieures aux températures enregistrées de 1991 à 2020.

L'océan en surchauffe, une catastrophe annoncée ?
En février 2024, les océans atteignaient encore des températures records en surface, bien au dessus des moyennes enregistrées entre 1991 et 2020…

Des températures des eaux des océans à +5°C

Les océanographes ne parlent plus de réchauffement mais de « canicules marines ». En août dernier, ce sont +5°C qui ont été relevés dans les eaux britanniques par rapport aux normales moyennes.

Cette surchauffe n’est bien sûr pas une bonne nouvelle : elle s’explique par le réchauffement climatique mais aussi par le phénomène El Niño (un réchauffement de certains courants océaniques qui entraîne ensuite une augmentation des températures terrestres), bien connu des climatologues. Ce phénomène récurrent – tous les 3 à 7 ans en moyenne – touche le Pacifique et « enraye » littéralement le climat sur zone, mais aussi au niveau mondial.

Les océans, piège à carbone et essentiels à notre survie

Mais la température des eaux de surface ne donne qu’une partie des informations sur ce qui est en train de se passer : les climatologues se penchent aussi sur une autre donnée encore plus édifiante, l’énergie emmagasinée par les océans en profondeur. Une étude menée par l’institut de physique atmosphérique de l’Académie chinoise des sciences et de la NOAA a conclu que « les 2000 premiers mètres des océans ont accumulé de 9 à 15 zettajoules (soit 1021 joules) supplémentaires en douze mois » (les océans sont un régulateur essentiel du climat terrestre en absorbant jusqu’à 90% de l’excès de chaleur que provoque l’activité humaine). Pour donner une comparaison et comprendre l’ampleur du phénomène, il suffit de savoir que l’énergie consommée par l’entièreté de l’humanité sur une année est de… 0,5 zettajoule !

Les océans captent aussi 30% des gaz à effet de serre que nous dégageons dans l’atmosphère, limitant – pour l’instant – la catastrophe annoncée d’une planète à +4°C.

On ne parle ici que de nos problèmes, mais ce réchauffement des eaux de surface comme en profondeur a évidemment des conséquences dramatiques pour la faune et la flore : blanchiment et mort des coraux, migration d’espèces tropicales vers des océans tempérés, et disparitions de quantités d’espèces incapables de se nourrir et de survivre dans un environnement devenu hostile. Plus l’eau est chaude, moins elle peut contenir d’oxygène.

Coraux blanchis par le réchauffement des eaux
Les coraux blanchissent sous l’effet du réchauffement des eaux (ici par un à deux m de fond seulement) – Photo DR)

Des océans moribonds entraînent inévitablement une humanité en danger…

La température en hausse des océans multiplie les phénomènes violents comme les ouragans selon une étude parue dans Scientific Reports. Des ouragans plus fréquents, mais aussi plus violents à tel point que certains climatologues militent pour ajouter une 6e catégorie à l’échelle d’intensité des ouragans qui en compte 5 aujourd’hui. Car le risque de voir des cyclones avec des vents à plus de 300km/h est désormais très important.

Des océans plus chauds impliquent aussi une fonte des glaces aux pôles et inévitablement une montée des eaux. Mais il pourrait y avoir pire : selon une étude parue dans la revue Geophysical Research Letters, le Gulf Stream, ce courant océanique qui suit la côte sud et nord américaine serait en déclin (4% de transport d’eau en moins depuis 40 ans). Pour certains chercheurs, la cause pourrait être une baisse de la salinité des océans suite à la fonte des glaciers… Le Gulf Stream semble agir comme un régulateur thermique qui, en ramenant de l’eau chaude tropicale vers l’Arctique assure un climat tempéré à la côte Européenne (il fait en hiver 15°C de plus en moyenne en Bretagne que sur la côté Est du Canada, pourtant à la même latitude). Il nous permet, en gros, de ne pas mourir (au sens propre) de froid !

Pour les passionnés de cinéma catastrophe, il existe un film de 2004 intitulé « le jour d’après » de Roland Emmerich qui donne une bonne idée d’un monde où la fonte des pôles entraîne l’effondrement du climat…

On essaye de réagir avant que ça n’arrive ?

Image du film "Le jour d'après"
Dans le film de 2004 « Le jour d’après », l’humanité est confrontée à un froid polaire. En cause, la fonte des glaces des Pôles et l’arrêt du Gulf Stream…

Pour aller plus loin : Lire notre article sur le recul de le banquise

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