Barrer son voilier sans les mains

Parmi l’équipement des bateaux de plaisance à voile, le pilote automatique est aujourd’hui incontournable, ou du moins sommes nous de plus en plus à le penser. Ne pas avoir à tenir la barre, c’est pratique ! Mais est ce que l’installation d’un pilote auto n’engendre pas plus de problèmes que de solutions ? Si c’est le cas et si on veut tout de même être libre de ses mouvements sans être scotché à la barre, quelles sont les autres solutions ?

Régulateur d'allure Navik (ou pilote mécanique) en navigation
Régulateur d’allure Navik en navigation en Galice, Creative Commons

Les différents types de pilote automatique

La fonction d’un pilote automatique consiste à suivre une commande, qu’elle concerne un cap ou une allure au vent. Différents réglages sont ensuite possibles en fonction de la complexité dudit pilote.  Parmi les solutions de pilotage des voiliers, il peut y avoir des pilotes automatiques électriques, hydrauliques ou mécaniques. Afin de faciliter la lecture, nous associerons le terme de pilote automatique (ou pilote auto) à l’ensemble des solutions électriques ou hydrauliques ; et le terme de régulateur d’allure pour les pilotes mécaniques.

Mon pilote auto est à poste, je peux enfin lâcher la barre !

Un pilote automatique électrique ou hydraulique peut se présenter sous de nombreuses formes. Pour les plaisanciers qui possèdent une barre branche, c’est le plus souvent un bras électrique relié à la barre franche, et grâce auquel le bateau suit un cap. Pour les détenteurs d’une barre à roue, les pilotes automatiques sont généralement plus complexes et non visibles sur le pont du bateau, hormis leur interface de commande. En fonction de son budget, le plaisancier peut prétendre à plus ou moins d’options : réglage unique du cap, direction en fonction du vent, optimisation entre une route et une allure au vent. Tout dépend ensuite de la centrale de navigation ; et donc à la fois de son prix et de l’énergie qui peut lui être allouée.

Pilote auto électrique, Creative Commons
Pilote auto électrique, Creative Commons

Concrètement, le pilote automatique est équipé d’un compas. Alors que le bateau est en route, il suffit d’allumer le pilote auto. Si le bateau s’écarte du cap décidé, le pilote auto rétablit la route à suivre, via son fonctionnement propre. Ainsi, sur mer plate avec un bateau bien équilibré, le pilote auto correspond à une barre amarrée fixe. Le bateau ne s’écarte pas de sa route. Le pilote auto n’a pas besoin d’induire de mouvement sur la barre et ne consomme rien ou presque rien. On peut alors s’occuper du réglage des voiles, potasser sa météo ou aller se faire un café. Tout le monde est content !

Malheureusement, ça se passe rarement ainsi…

Si le vent et la houle commencent à se lever, que le bateau tangue de plus en plus, le pilote auto régule avec autant d’intensité que le balancement. Et la consommation induite se fait immédiatement sentir. Il peut également arriver que le point de décrochage soit atteint. C’est que la force nécessaire au pilote pour tenir le bateau sur sa route est au-delà de ses capacités. Il est largement temps de réduire la voilure, en espérant ne pas avoir endommagé ledit pilote.

Là où le bât blesse

Au fur et à mesure de leur évolution, les pilotes auto se sont développés. Ainsi, pour pallier les faiblesses classiques de ces derniers, deux éléments ont été améliorés. Tout d’abord, leur puissance a été fortement augmentée. Ainsi le décrochage est moins souvent atteint, à condition d’avoir dépensé les sous suffisants pour avoir le pilote adéquat au bateau. Et deuxièmement, pour éviter de rester sur un cap alors que le vent tourne, certains pilotes peuvent être reliés à l’anémomètre. Ainsi il est possible d’avoir un pilote auto dirigé en fonction d’une allure au vent, voire même de choisir un mode qui optimise à la fois l’allure et un cap à tenir.

Bien évidemment, le gain de puissance et ces options de pilotage supplémentaires ont un coût. En premier lieu pécuniaire : un pilote auto coûte cher, même les plus simples. Et en second lieu énergétique un pilote auto plus puissant consomme plus ! Préparez votre parc batterie !

L’équation qui paraissait simple est en fait plus compliquée. Soit j’achète un pilote auto d’entrée de gamme. Il ne nécessite pas trop d’énergie, ne coûte pas trop cher. Mais je risque de partir au tas, voir de casser le pilote dans du gros temps. Soit je décide d’investir dans un bon pilote et j’aligne le bifton. Ah ! Mais il faut plus d’énergie, j’achète deux batteries supplémentaires. Du coup, je dois ajouter un panneau solaire supplémentaire et une éolienne. Mais alors, pour les mettre sur le bateau, il va me falloir un portique. Bon, bah j’ai plus de sous, je ne pars pas… (Sans parler des questions d’écologie…)

Une autre solution : le régulateur d’allure

Un régulateur d’allure est un pilote automatique mécanique. Il permet de garder une allure constante vis à vis du vent. Parmi les régulateurs d’allure il existe deux grandes familles : ceux qui agissent sur la barre du bateau, et ceux équipés d’un safran qui remplace celui du bateau, la barre étant alors amarrée dans l’axe. Pour les deux modèles, c’est une pale, qu’on appelle l’aérien qui actionne des drosses, qui, elles-mêmes influent sur le safran dirigeant l’embarcation.

Dessin technique régulateur d'allure Navik ou pilote mécanique
Dessin technique régulateur d’allure Navik

Ci-dessous, voici une explication illustrée du fonctionnement d’un régulateur Navik, qui agit sur la vraie barre du bateau.
A la situation de départ, les voiles du bateau sont réglées selon une certaine allure, et le bateau suit la route correspondante.  L’aérien (visible sur la première diapositive ci-dessous) est orienté vers le vent.

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Pour résumer, l’aérien s’oriente par rapport à l’allure choisie, activant le fletner. Le fletner entraîne l’immergé vers tribord ou bâbord. La pression ainsi exercée sur l’immergé via la vitesse du bateau permet de donner la force nécessaire pour orienter la barre.

Si vous préférez une explication en vidéo, voici un lien vers le fonctionnement d’un régulateur d’allure Atoms. (la partie fonctionnement commence à 1min30)

Pour ceux qui seraient dubitatifs, j’ai personnellement traversé le golfe de Gascogne en octobre 2022, sans presque jamais barrer. Et le régulateur a tenu de 5 à 30 nœuds ; du près, au vent arrière sous génois tangonné [on utilise le tangon de spi pour garder le génois sur un bord, c’est une pratique courante en vent arrière ndr]; avec mer plate, comme avec 3,5 m de creux dans une mer croisée.

« L’envers » du décors

Ne jetons pas que des fleurs aux régulateurs d’allure, ce serait mentir. En effet, tout d’abord, un régulateur d’allure a également un coût non négligeable. Des régulateurs neufs coûtent entre 2.000 et 3.000€ selon les modèles. Néanmoins, puisque tout est mécanique, il est toujours plus simple de réparer et/ou de bidouiller avec ses propres moyens. Pour venir bidouiller sur la carte électronique d’une centrale de navigation, c’est un peu plus complexe ! Ensuite, il est toujours nécessaire d’ajuster les réglages de votre régulateur d’allure, en fonction de votre voilier. Et là, il n’y a pas de mode d’emploi miracle, il faut essayer et avancer par itération, jusqu’à trouver les réglages optimales. Mais une fois que c’est chose faite, c’est un régal, je vous l’assure !

Pourquoi ai-je choisi d’avoir un régulateur d’allure sur mon voilier ?

Tout d’abord, je dois avouer que je n’ai découvert l’existence des régulateurs d’allure il n’y a que quelques années. Alors que je navigue depuis mon enfance… Mais cet appareil est fascinant ! On pourrait presque dire « l’observer, c’est l’adopter ! ». De nombreux amis ont effectivement passé un certain temps à loucher sur le mécanisme, quand il venait naviguer avec moi.
Mais pour moi, le vrai avantage était d’avoir à bord un pilote « autosuffisant ». Par cela je veux dire que premièrement, il ne nécessite aucun apport d’énergie et deuxièmement que je pouvais le comprendre entièrement et le réparer moi-même le cas échéant. Ensuite, je dois avouer qu’à l’utilisation, cela prend un caractère magique : le vent donne à la fois la propulsion et la direction ! Et enfin, petit détail mais pas des moindres ! Ca ne fait aucun bruit, contrairement à celui du vérin qui est des plus désagréables quand on glisse tranquillement sous une petite brise. 

Une petite anecdote pour terminer sur les pilotes mécaniques. Sur des allures de près, de nombreuses personnes barrent également au Sandow ou tendeur élastique. Comment cela est-il possible ? Sur des allures de près, le bateau est relativement bien appuyé sur l’eau. Si le bateau est bien équilibré, il suffit de garder la barre amarrée dans l’axe et le bateau suit sa route. Amarrer la barre avec un Sandow permet de garder une certaine souplesse dans la barre et de parer à l’éventuelle houle résiduelle. C’est le pilote automatique le moins cher au monde. Mais il reste toutefois limité en termes de plage d’utilisation… Et il faut bien sûr que le bateau soit réglé au poil !

Régulateur d'allure Navik ou pilote mécanique, Creative Commons
Régulateur d’allure Navik, Creative Commons

Quel pilote pour quelle navigation ?

Comme cela est souvent le cas, chaque solution possède ses avantages et ses inconvénients. L’avantage indéniable du régulateur d’allure tient dans sa simplicité et son « autosuffisance ». Pas de batterie, pas d’apport d’énergie, c’est royal. Mais ce confort se paye sur d’autres aspects. En effet, comme expliqué plus haut, le régulateur d’allure se pilote par rapport au vent. Et donc si le vent tourne, le bateau tourne également… Ainsi, gare aux longues siestes si vous naviguez sous régulateur près de la côte.

A contrario, sous pilote automatique basique [ndr comprendre réglé pour suivre un cap], si le vent tourne, le bateau garde son cap. Mais alors, attention aux éventuels départs au tas si l’équipage n’a pas le temps de régler les voiles par rapport à la rotation du vent. 

Vous l’aurez compris, en fonction de la navigation, une solution sera plus favorable que l’autre. Vous pouvez garder en mémoire que proche des côtes, il est plus sûr de se diriger au cap. Pour le reste, tout est une question de choix.

Si vous n’êtes pas pressés – entendez ni en course, ni poursuivis par une méchante dépression – les éventuels écarts causés par un régulateur d’allure ne sont que des broutilles quant à la route à suivre. Et vous pourrez vraiment profiter d’un repos réparateur quand vous le souhaitez. Enfin, si vous vous apprêtez à faire une grande traversée, où l’énergie peut venir à manquer (panne de moteur, pas de soleil pour les panneaux) gardez en tête que le régulateur ne consomme rien. Il a simplement besoin de vent, mais tout comme votre voilier pour avancer.

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