Mort d’une 2ème orque à Marineland, mais le business continue

Cinq mois après Moana, Inouk, une autre orque du Marineland d’Antibes vient de mourir brutalement dans son bassin… Dans les deux cas, le parc aquatique s’est déclaré “en deuil”. Mais comment justifier la mort à 12 et à 25 ans d’animaux pouvant vivre en captivité, jusqu’à 90 ans et entre 50 et 70 ans en liberté ?

Une vie d’orque en captivité à Marineland

Les orques du Marineland d’Antibes sont toutes nées en captivité. Mais de nombreux autres spécimens dans les parcs aquatiques du monde entier ont été capturés dans leur environnement naturel pour être présentés au public dans des bassins souvent ridiculement petits. L’orque est pourtant un animal imposant. Les mâles mesurent en moyenne de 6 à 8 mètres, les femelles de 5 à 7 mètres. Le plus grand spécimen connu mesurait 9,74 mètres et le plus imposant dépassait les 11 tonnes. 

Des orques en captivité à Marineland et présentées au public, ce sera officiellement interdit en France à partir du 1er décembre 2026
Des orques en captivité et présentées au public, ce sera officiellement interdit en France à partir du 1er décembre 2026 (photo : Pexels)

Au Marineland d’Antibes, les orques vivent dans un grand bassin, comparé à ce que l’on peut trouver dans de nombreux autres parcs aquatiques. Il mesure 64 mètres de long sur 32 mètres de large, soit un espace censé être suffisant pour ces animaux qui aiment vivre en groupe, sauf que…  Dans la nature, ce cétacé sensible, extrêmement intelligent et surtout sociable, parcourt plus de 160 km par jour, chassant en groupe et développant des techniques particulières en fonction des spécificités de son territoire. La preuve avec l’exemple récent d’un groupe d’orques du côté de Gibraltar. Cette quinzaine d’individus menée par leur matriarche White Gladys s’en prend aux bateaux de passage. Pourquoi ? Personne ne le sait ! Mais depuis 2020, ce sont plus de 500 interactions qui ont été recensées entre bateaux (en majorité des voiliers) et White Gladys et son groupe. 250 bateaux ont dû être remorqués et trois ont coulé… Heureusement, il n’y a pas eu de blessés ni d’un côté ni de l’autre. 

Des décès d’animaux juvéniles soit-disant “en bonne santé” ?

En octobre 2023, Moana, un jeune mâle, meurt à 12 ans dans son bassin du Marineland d’Antibes. L’autopsie révèle que le décès est dû à une septicémie. La bactérie qui a tué l’animal n’avait pas été repérée par les soigneurs. 

Pourtant Moana était une star à Marineland où il est né par insémination artificielle en 2011, une première en Europe à l’époque. Le jeune mâle faisait la fierté du parc.

Une septicémie, “c’est malheureux mais ça peut arriver” s’était alors empressé d’expliquer par communiqué de presse, les responsables du parc mis sous pression par une opinion publique de plus en plus hostile à l’exploitation et à la maltraitance animale.

Après l’orque Moana, c’est son frère Inouk qui est retrouvé mort dans son bassin…

Inouk est décédé le 28 mars 2024, cinq mois après son frère Moana ! L’autopsie immédiatement diligentée par le parc a révélé la cause de la mort : l’ingestion d’un petit morceau de métal de moins de deux grammes qui aurait provoqué une inflammation locale causant des troubles des fonctions digestives de l’animal (entérite et péritonite fibrineuses subaiguës). C’est le vétérinaire de Marineland assisté de vétérinaires extérieurs en lien avec les services de l’État qui ont procédé à l’autopsie. Tous ces spécialistes ont par ailleurs précisé que l’orque de 25 ans était, avant son décès accidentel, en bonne santé et bien soigné… Pourtant d’autres sources avancent qu’Inouk n’était pas en si grande forme. La situation était même si dégradée que plusieurs associations avaient obtenu de la justice (devant la cour d’Appel d’Aix en Provence en septembre 2023, soit avant le décès des deux cétacés) une expertise médicale indépendante sur l’état de santé réel des orques du parc Marineland avant leur éventuelle vente à des parcs étrangers. Inouk – 25 ans – présentait de graves problèmes de dentition. “La pulpe des dents d’Inouk est à vif à force de ronger le béton du bassin” ; “d’après les scientifiques, la douleur est continue” avait même précisé l’association One Voice à l’origine de la demande d’expertise judiciaire. A ce jour, l’expertise est toujours en cours pour les deux dernières orques mais, pour Inouk et Moana, il est malheureusement déjà trop tard !

Les orques en captivité à Marineland sont dans des bassins étroits, alors qu'en liberté ces orques parcourent plus de 150 km par jour
En liberté, les orques vivent en groupe et peuvent parcourir plus de 150 km par jour (Photo Simon Hurry/Pexels)

Quel avenir pour les orques nées en captivité ?

La France peut s’enorgueillir d’une loi votée le 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale, et qui interdit – à compter du 1er décembre 2026 – la détention, les spectacles de cétacés et les contacts directs entre les animaux et les visiteurs. Que va-t-il donc advenir de Wikie, la mère de Inouk et de Moana, et de son fils Keijo, les deux derniers survivants du parc animalier de Marineland ? Les administrateurs du zoo marin avaient bien une idée avant les deux décès : vendre les quatre orques à des parcs japonais. Les animaux seraient partis ensemble, mais auraient ensuite été séparés une fois arrivés au Japon… La mobilisation du public et surtout la décision de justice réclamant une expertise médicale indépendante avant tout transfert a mis fin à cette alternative, pourtant  la plus intéressante financièrement pour Marineland. 

Si, à l’issue de l’expertise médicale, les deux orques encore en vie ne sont pas vendues à un zoo étranger, elles pourraient rester dans leur bassin de Marineland jusqu’à leur mort, mais sans y donner de spectacle. Un choix très onéreux pour le parc !

Enfin, on peut rêver, il existe la possibilité d’un transfert de Wikie et Keijo dans un sanctuaire marin dans lequel les orques pourraient finir leur vie dans des conditions décentes. Et surtout ensemble, les orques étant des animaux sociaux qui choisissent de vivre en groupe toute leur vie. 

Des sanctuaires pour les orques ?

L’idée de ces sanctuaires est de proposer des espaces clos en mer dans lesquels les animaux vivraient en semi-liberté, mais où ils seraient nourris et soignés. Seulement voilà, de tels sanctuaires n’existent pas. Et relâcher dans la nature des orques nées en captivité ou ayant passé des dizaines d’années en bassin est impossible. Elles n’y survivraient pas.

un soigneur avec une orque de Marineland, orque qui est morte début 2024, article de Seatizens
Cinq mois après Moana, c’est l’orque Inouk qui meurt dans son bassin de Marineland (Photo : Marineland).

Le Secrétariat d’État chargé de la Mer et de la Biodiversité, M. Hervé Berville, a donc organisé du 28 mars au 30 avril 2024, un appel à manifestation d’intérêt (AMI) pour ceux qui seraient tentés par la création d’un tel sanctuaire. Depuis la loi de 2021 dont l’application est prévue, on le rappelle, le 1er décembre 2026, rien n’a été organisé pour l’avenir des animaux concernés.

En attendant d’en savoir plus sur l’avenir des deux dernières orques vivant en captivité en France, et moins de quinze jours après la mort d’Inouk, les spectacles ont recommencé au Marineland d’Antibes.  Comme on dit dans le monde du spectacle, dont font donc partie à leur corps défendant Wikie et Keijo, “the show must go on”…

Lire aussi : Attaques d’orques : lorsque la réalité dépasse la fiction

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