et cela en dit beaucoup sur notre société !
Février 2023 : nous avions un choix quasi infini pour notre rubrique « le chiffre du mois ». Nous aurions pu choisir le 9, comme neuf mois de grossesse. Le 12, comme la place à l’arrivée de Clarisse Crémer lors du dernier Vendée Globe. Le 1, comme sa place en tant que femme sur cette même course. 2024, comme la date du prochain Vendée Globe. Ou encore le zéro, comme la décision du sponsor de Clarisse de la débarquer, car femme ayant choisi d’avoir un enfant…
Petit rappel des faits
Clarisse Crémer est choisie par la Banque Populaire – sponsor historique de la course au large en France – pour représenter leurs couleurs sur le Vendée Globe 2020. La jeune skippeuse fait une course remarquable, finissant 12° (sur 33 marins au départ) et première femme avec un bateau d’ancienne génération (2012) non équipé de foils. Elle est aussi, après cette course, la femme la plus rapide autour du monde en solitaire en monocoque.
En février 2021, soit quelques jours après l’arrivée du Vendée Globe 2020, Clarisse Crémer annonce à son sponsor son désir d’enfant.
Automne 2021, Banque Populaire communique sur la confirmation de leur skipper pour le Vendée Globe 2024 : ce sera Clarisse Crémer.
Octobre 2021 : l’organisateur du Vendée Globe – après les propositions débattues en assemblée générale de la classe IMOCA (les bateaux du Vendée Globe) en août 2020 – communique sur les nouvelles règles de sélection pour participer au Vendée 2024. 40 bateaux au départ. Les bateaux neufs sont automatiquement sélectionnés. Il y en aura 13 (normalement). Pour les autres skippers (27), il faudra se qualifier en réalisant le plus de milles sur des courses officiellement qualifiantes. Les organisateurs se réservent une place « invitation », il reste donc 26 places pour 32 projets vraiment sérieux.
Février 2023 : la jeune maman apprend qu’elle est débarquée du projet Banque Populaire au motif qu’elle ne pourrait – soi-disant – pas se qualifier dans les deux ans restant avant le départ. Pour que ce soit clair pour tous, il s’est aujourd’hui couru 8471 milles en course qualifiante (hors Ocean Race actuellement en cours) et il en reste 16305 à courir… Mathématiquement, le savoir-faire du team Banque Populaire associé au talent de la skippeuse laisse une très grande marge de manœuvre pour obtenir l’une des 26 places qualificatives.
La place de la femme dans le sport de haut niveau
En rendant public le choix de son sponsor de la débarquer, Clarisse Crémer a déclenché une tempête médiatique au niveau de l’ignominie de ce qu’on lui a fait subir. Le team Banque Populaire et les organisateurs du Vendée Globe par les voix de leurs directeurs (Thierry Bouvard et Alain Lebœuf – on notera qu’il s’agit d’hommes…) se sont même fendus de communiqués pour expliquer qu’ils n’étaient responsables de rien, et que c’était comme ça et pas autrement, qu’on ne pouvait pas changer les règles en cours de route ! Des communiqués pathétiques que l’on pourrait traduire par : « vous, les femmes, qui avaient voulu l’égalité des sexes et des traitements, vous ne voulez quand même pas un passe-droit et obtenir une « invitation » sous le seul prétexte que vous avez décidé d’avoir un enfant ? »…
La banque que les réseaux sociaux ont rapidement rebaptisé «(im)Populaire et les organisateurs du Vendée Globe se renvoient la balle. Ils n’y sont pour rien.
Dont acte, jusqu’au Vendée Globe 2020, il « suffisait » d’avoir fini l’édition précédente pour être qualifié d’office. Maintenant, il suffit d’avoir un sponsor suffisamment riche pour construire un bateau neuf pour être qualifié.
Mais il ne faut pas être une femme, grand marin et sportive de haut niveau, et avoir envie d’un enfant. Dans ce cas, on est débarqué.
Pour que tout soit très clair, il faut enfin préciser que le nouvel IMOCA du team Banque Populaire est l’ancien Apivia, bateau très performant qui a fini second du Vendée 2020 et qui a toutes les cartes pour faire une très belle course en 2024. Et que le skipper pressenti pour remplacer Clarisse Crémer est Nicolas Lunven, marin très talentueux, qui affiche déjà 5423 milles au compteur « qualifiant » et qui est en train d’en obtenir d’autres en ce moment même dans The Ocean Race.
On notera finalement, le silence assourdissant de la classe IMOCA, le discours pathétique du sponsor et des organisateurs de la course qui, en une seule décision, ont ramené la course au large dans un monde rétrograde et machiste que l’on pensait – un peu – impensable en 2023.
Bienvenue dans le monde d’après…
Pour signer la pétition en faveur de Clarisse Crémer, c’est ICI
Pour lire le post Facebook de Clarisse Crémer, c’est LA et le post Linkedin ICI
Pour aller plus loin : Lire notre article sur les skippeuses et la course au large