Sail on Bamboo

“Remarquez que l’arbre le plus rigide est le plus facilement fissuré, tandis que le bambou survit en se pliant au vent”. Bruce Lee avait perçu l’incroyable potentiel du bambou, cette herbe que l’on surnomme l’acier vert. Polyvalent et présent en abondance en Asie et en Amérique du Sud, ce matériau durable est la clé d’une construction écologique d’avenir. Malgré ces atouts, le bambou peine à se faire une place dans le milieu du nautisme… Face à ce constat, en tant que SEAtizens et architectes navals, ma sœur Marine et moi-même, nous sommes lancés dans la conception d’un voilier en bambou. Le projet SoBoo 650, acronyme de Sail on Bamboo 650, est né.

Les qualités du bambou pour le projet SoBoo 650

Selon l’entreprise Cobratex qui développe des produits en bambou, ce dernier absorbe 1.5 fois plus de CO2 que la fibre de lin. Un article publié en avril 2021 sur France Bleu annonce que cette herbe capte un taux de CO2 30% supérieur à la plupart des arbres. Il favorise également l’infiltration de l’eau dans le sol. L’étude scientifique de Yang et al. (2012) sur les structures modernes construites en bambou a montré que l’énergie totale consommée pour la production d’un lamellé collé de bambou est environ 99% plus faible que pour la production de l’acier. Or, l’énergie consommée est directement liée aux émissions de CO2 et donc à une pollution atmosphérique.

En outre, le bambou porte bien son surnom d’« acier vert » puisqu’il présente des propriétés mécaniques très supérieures à celles du bois classique dans toutes les catégories testées. Bien qu’il soit deux fois plus dense que le bois classique, on estime qu’il est également deux fois plus résistant.

Alors devant tous ces atouts et dans un contexte de transition écologique, ce matériau nous est apparu comme la solution à étudier pour réduire l’impact environnemental de SoBoo 650. Les discussions avec des acteurs de l’ONG SEAtizens-Watever (voir l’article sur le sujet) ont confirmé le choix de ce matériau. Encore fallait-il concevoir un bateau en adéquation avec ce matériau…

Caractéristiques du voilier en bambou
Croquis du voilier
SRC : SoBoo 650, Marine et François Rouvrais

Quel programme pour le projet SoBoo 650 ?

Notre idée est la conception d’un voilier à moindres impacts écologiques, accessible à tous et en symbiose avec le matériau utilisé qui est sobre et durable. Ce voilier se veut donc simple d’utilisation, aux dimensions raisonnables. Il peut être construit par des amateurs ou des professionnels, mais aussi être transporté sur remorque.

SoBoo 650, c’est aussi un projet pour les mordus de voiles et d’aventure qui recherchent un voilier monocoque adapté à la croisière journalière et aux régates côtières offrant des sensations à la voile. Ce type de navigation exige un voilier se comportant aussi bien au près qu’au vent arrière. Et, pour des passionnés de voile, quoi de mieux que naviguer sur les plans d’eau bretons en voguant d’île en île et de port en port. Tous ces critères font que notre projet de voilier a été conçu pour s’approcher des côtes et offrir au barreur et à l’équipage un bon ressenti du vent sur le plan d’eau.

Par ailleurs, SoBoo 650 a tout d’un voilier moderne de 2022. Aujourd’hui, les voiliers mis au point, notamment pour la course au large ont une étrave de type “scow” et présentent des tableaux arrière très larges. Ce type de configuration intégré au projet permet au navire de “planer” au portant et de mieux passer dans la houle. La sécurité n’a pas été négligée. Le voilier respecte une catégorie de conception C selon les standards ISO. Cela lui assure une navigation dans un vent allant jusqu’à force six et dans une houle d’une hauteur de deux mètres.

Intégrant un nouveau matériau durable, le contreplaqué de bambou, le projet passera par une étude mécanique de ce matériau. Cette phase de recherche et développement conditionnera les éventuelles navigations de l’équipe des SEAtizens sur un prototype SoBoo 650 qui devrait voir le jour à l’horizon 2025.

Profil du SoBoo 650
Vue aérienne du SoBoo 650
SoBoo 650, Marine et François Rouvrais

Pourquoi le contreplaqué de bambou ?

Par définition, le contreplaqué de bambou consiste en un empilement de plaques de bambou relativement fines appelées plis, collées entre elles, à fibres opposées. Mais pourquoi est-il intéressant pour un tel projet ?

Premièrement parce qu’il correspond bien à la philosophie architecturale du voilier. Le projet SoBoo 650 se voulant simple de mise en œuvre et accessible. En effet, l’usage de panneaux en contreplaqué dans l’architecture navale permet des constructions relativement aisées et rapides, y compris pour les amateurs. L’architecte naval Jean-Pierre Villenave, auteur du hors-série n°27 « La construction moderne et classique du bateau en contreplaqué », réalisé pour la revue Loisirs Nautiques, vante les nombreuses qualités de ce matériau qu’il qualifie de « léger, solide et facile à entretenir ».

Planches de contreplaqués de bambou
Plaques fines de bambou, SoBoo 650, Marine et François Rouvrais

Par ailleurs, dans le nautisme, l’usage d’un adhésif ou d’une résine est problématique. Ces composants sont non recyclables et non écologiques mais inévitables dans la construction navale… Le projet SoBoo 650 n’en fait pas exception, mais souhaite toutefois minimiser l’usage de cet adhésif. Dans cette optique, le contreplaqué de bambou apparaît comme la bonne solution puisqu’il nécessite un taux massique de résine relativement faible. Les études faites sur un matériau similaire par l’association SEAtizens-Watever montrent que les proportions en masse de résine utilisée varient entre 15 et 25% ce qui est faible par rapport aux unités construites en composite ou biocomposite qui affichent des proportions en masse de résine de l’ordre de 50%.

Le projet SoBoo 650 bien qu’il ne soit pas recyclable à 100%  utilise un matériau de construction durable et minimise son usage d’adhésif. Finalement, le contreplaqué de bambou apparaît comme étant un compromis raisonnable pour la construction d’un voilier plus durable, plus sobre et plus écologique s’inscrivant dans la charte des SEAtizens !

Alors pourra-t-on mettre au point un contreplaqué dont les propriétés mécaniques garantissent la cohésion structurelle du voilier et permettent d’atteindre les courbures dessinées ? Les études scientifiques actuelles sur le matériau nous ont permis d’élaborer les premiers plans du voilier. Cependant, la clé du projet se trouve dans l’étude mécanique d’un contreplaqué de bambou spécifiquement adapté pour le projet SoBoo 650. Le chemin de la R&D est donc encore long mais prometteur et permettra à l’équipe SEAtizens de naviguer sur ce voilier en bambou à l’horizon 2025.

Partager sur :

AUTRES ARTICLES