Qui sont les aventuriers du XXIe siècle ? Il y a quelques temps nous évoquions les récits d’aventures maritimes qui ont marqué notre jeunesse. Mais bien loin de Long John Silver ou du Capitaine Némo, qu’est-ce qui pousse encore aujourd’hui de nombreuses personnes à tenter l’aventure sur les mers et les océans ? Petit tour d’horizon…
On entend souvent juger ceux qui décident de partir à l’aventure sur les océans à bord d’un voilier. Certains les qualifient parfois de fous ou d’inconscients. D’autres envient leur liberté enfin retrouvée. On critique un choix de vie en dehors de la société. On dénonce des vacances déguisées en mission humanitaire ou environnementale. Ce n’est pas évident de faire le tri, mais ce qui est sûr, c’est que les récits de leurs aventures fascinent et passionnent toujours.
L’aventure, un choix de vie
Ceux qu’on appelle les aventuriers sont souvent associés à des exploits extraordinaires. Mais l’aventure, c’est avant tout un choix de vie. Elle s’accompagne indiscutablement d’un certain goût du risque, une grande curiosité, une envie de découverte et d’ouverture sur le monde et sur l’autre.
Des familles au long cours
C’est ainsi que, depuis des décennies, des familles se lancent dans un voyage au long cours de plusieurs mois, voire plusieurs années, sur un voilier. Dans de nombreux cas, ces néo-aventuriers cherchent à s’extirper d’un mode de vie terrestre qui ne correspond plus à leurs valeurs. Les périodes successives de confinement, les délocalisations professionnelles ou encore les nouvelles possibilités de travail à distance sont sans conteste de nouveaux appels au large. Mais il y a aussi la volonté d’élever des enfants dans d’autres conditions, les ouvrir au monde et leur faire découvrir d’autres cultures. Des chaînes Youtube et Dailymotion fleurissent et les récits de voyage de ces familles d’aventuriers font rêver.
Découvrez notre coup de cœur en suivant l’aventure Zai Zai d’anne-Laure et Gwénolé !
Slow travel : une autre façon de voyager ?
Encore plus intéressant, avec cet engouement pour le large, c’est aussi toute une restructuration de notre façon de voyager qui est en train de s’opérer. Des sites spécialisés dans les annonces de co-navigation se développent. Par exemple, sur le site co-navigation.fr, les témoignages concordent : Laura, jeune ingénieure de 35 ans, cherche à traverser l’Atlantique vers l’Amérique centrale pour “limiter [son] impact écologique”. Aurélie, juriste de 26 ans, se dit “à la recherche de nouvelles aventures partout dans le monde”. Souvent débutants en navigation, ils semblent voir la voile comme une alternative à l’avion et le “slow travel” comme une évidence. Pour les propriétaires de bateaux, prendre un équipier à bord permet de réduire un peu les coûts et parfois de bénéficier d’autres services comme du babysitting ou de l’aide au devoir pour les enfants.
Lire aussi notre article sur Sail Coop
Enfin, la rédaction de SEAtizens n’est pas en reste puisque deux rédacteurs sont actuellement en train de vivre une de leurs aventures en mer : Thomas a fini d’armer son voilier et longe les côtes espagnoles. Quant à François, il a embarqué avec une famille pour une transatlantique.
Les explorateurs de l’extrême en mission pour la science
Dans un tout autre registre, certains aventuriers en quête d’exploits se lancent à l’assaut des océans avec pour objectif d’œuvrer à une meilleure connaissance de notre planète. Ainsi, la mission scientifique qui accompagne l’aventure vient légitimer le voyage et permet à des chercheurs d’accéder à des relevés et des échantillons difficilement accessibles.
Nagalaqa Odysseus
C’est le cas par exemple de l’expédition “Nagalaqa Odysseus”, menée en 2022 par Sébastien Roubinet, Eric André et Jimmy Hery. Durant l’été 2022, ces trois aventuriers chevronnés ont exploré pendant trois mois l’une des régions les moins connues au monde, le nord de l’archipel canadien. Leur embarcation : un mini catamaran de 7 mètres de long et de 2,40 mètres de large. Équipé de coques semi-souples gonflables, de profils ski collés, de voiles en membranes Trilam® et de panneaux solaires, il ne pèse que 200 kg et permet de naviguer dans des conditions extrêmes.
Parmi les contraintes qu’ils se sont imposées pour cette expédition, il fallait une parfaite autonomie, zéro émission lors des déplacements et la possibilité de réaliser des observations silencieuses.
Associée à plusieurs centres de recherche, l’expédition a pour mission d’effectuer des relevés de données “essentielles à la science”. Par exemple, pour les Universités de Montpellier et de Stockholm, les membres de l’expédition ont procédé à des relevés d’ADN environnemental. A partir du filtrage de l’eau, les scientifiques du programme Vigilife (Observatoire Mondial du vivant), sont désormais capables d’étudier l’ensemble de la biodiversité d’un secteur (de la bactérie aux grands mammifères). Ils ont également effectué d’autres relevés comme des mesures de l’épaisseur des glaces, des échantillonnages, des images aériennes et terrestres des glaces et glaciers ou encore des comptes rendus d’observation des espèces animales.
Polar Pod
De son côté, Jean-Louis Etienne lance l’expédition Polar Pod. Il s’agit d’une mission scientifique d’exploration de l’Océan austral à bord d’une plateforme océanographique habitée. En utilisant le courant circumpolaire antarctique, la plateforme pendulaire se mettra en orbite dans les “cinquantièmes hurlants”.
Le projet fait déjà beaucoup parler de lui et devrait voir le jour en 2024. En attendant, le chantier Piriou Vietnam a déjà mis à l’eau, le 28 novembre, le voilier “Persévérance”, navire ravitailleur du projet.
© Image : Jean-Louis Etienne
Under the pole
Enfin, on ne résiste pas à l’envie d’évoquer ici le programme d’exploration sous-marine Under the pole. Ces plongeurs de l’extrême vont explorer les fonds des océans polaires (et d’autres régions du monde) afin de collecter des données scientifiques uniques. Ainsi, lancé en 2021 le programme “Under the pole IV – Deeplife” doit se poursuivre jusqu’en 2030. Élaboré en partenariat avec le CNRS, il est également un projet officiel de la Décennie des Nations Unies pour les sciences océaniques au service du développement durable. L’objectif est d’approfondir la connaissance scientifique des forêts animales marines de la zone mésophotique des océans jusqu’à 200 m de profondeur à des fins de préservation.
En 2022, trois missions seront réalisées à bord du “WHY”, leur goélette d’exploration : la première en région polaire au Svalbard, la seconde aux Canaries et la troisième dans les Caraïbes. Puis, les missions suivantes devraient avoir lieu à bord du “WHY NOT”, un nouveau voilier spécialement conçu pour des plongées jusqu’à 200 m de profondeur dans toutes les conditions. Équipé d’un laboratoire de biologie marine et d’un caisson de décompression, ce navire de 35 mètres permettra une autonomie de 3 mois en opération.
Des aventuriers au service de la planète
Les missions scientifiques des aventuriers vont la plupart du temps dans le sens de la protection des océans. Ils s’inscrivent donc dans une démarche environnementale. Mais certains explorateurs éco-aventuriers vont encore plus loin. Ils parcourent les mers à la recherche de solutions pratiques pour réduire notre impact environnemental ou protéger la biodiversité. Et le voyage à la voile s’est très vite imposé comme un moyen de respecter le principe d’éco-responsabilité dans la mobilité.
Le Low-tech Lab
Ainsi, Corentin de Chatelperron (Coco) s’est associé à We Explore et, à bord du “Nomade des mers”, il sillonne les océans à la recherche de solutions “low tech”. C’est ainsi qu’est né le “Low tech lab”, un véritable laboratoire flottant, où de nombreuses solutions utiles accessibles et durables sont testées et documentées (Lire notre article détaillé). A ce jour, ce sont 87 pays référencés sur tous les continents, 836 initiatives documentées dans près de 12 domaines d’application (eau, énergie, nourriture, hygiène etc.). Et depuis octobre 2022, la low tech commence à se frayer un chemin dans les écoles d’ingénieurs françaises.
Tara Océan
On retiendra aussi la mission de la Fondation Tara Océan qui parcourt les mers afin de prédire et mieux anticiper l’impact du réchauffement climatique. La Goélette “Tara”, équipée d’un laboratoire de pointe, a déjà parcouru plus de 570 000 km depuis 2003 dans le cadre d’une douzaine d’expéditions dans près de 60 pays. Ces expéditions ont permis à la Fondation de publier de nombreuses études scientifiques de renommée internationale et des programmes éducatifs publiés sur une plateforme pédagogique.
Si l’étude de la biodiversité marine est au cœur de leur programme, c’est surtout l’impact du changement climatique ou encore de la pollution sur celle-ci qui intéresse tout particulièrement la Fondation. L’expérience de Tara est encore un exemple que le métier d’aventurier-explorateur a toujours le vent en poupe et qu’il est plus utile que jamais pour comprendre et préserver notre planète.
Alors, vrais ou faux aventuriers ? Chacun façonne son aventure à son image, avec ses moyens et ses valeurs. Mais ce qui est sûr c’est que la question environnementale prend de plus en plus de place dans ces périples autour du monde. La protection des océans et la cohabitation entre l’homme et la biodiversité marine sont au cœur de ces démarches. On n’est plus uniquement sur de l’exploit personnel mais bien sur un projet plus global avec en point de mire, la sauvegarde de notre planète. Alors continuons à nous inspirer de ces nouveaux aventuriers !
Pour aller encore plus loin : lire notre interview de Captain Darwin