Peu de femmes dans la course au large, peu de femmes en général dans le milieu maritime, les chiffres le montrent. Pourquoi y a-t-il si peu de femmes dans le milieu de la voile ? Pourquoi les jeunes filles interrompent-elles malgré elles leurs parcours dans la voile, laissant parfois passer des opportunités professionnelles ? Activité sportive de loisir, pouvant devenir un métier de passion, SEAtizens a décidé de questionner le modèle sociétal, les pratiques et les infrastructures des clubs de voile afin de trouver des éléments de réponse.
L’année 2023 aura été tumultueuse dans le milieu de la voile, et plus particulièrement de la course au large. Début 2023, l’affaire Clarisse Crémer pose sur la table la problématique d’être une femme ayant un désir de maternité tout en continuant son parcours de skipper professionnelle. En août, une procédure disciplinaire pour comportement inapproprié envers des femmes a été ouverte à l’encontre de Kévin Escoffier. Depuis, les témoignages de trois femmes et un homme sous couverture de protection d’identité ont été apportés par solidarité et recueillis par le Canard Enchaîné malgré la difficulté pour les victimes de prendre la parole. Le vendredi 20 octobre 2023, le navigateur de 43 ans a été sanctionné de 18 mois de suspension de toute compétition par la Fédération Française de Voile. Accusé de violences sexuelles envers plusieurs femmes, la sanction peut paraître peu sévère…
Le 22 novembre 2023, Elodie-Jane Mettraux annonce qu’elle renonce à sa participation à la Women America’s Cup 2024 pour laquelle elle a été qualifiée dans l’équipe Suisse Alinghi Red Bull Racing. Elle évoque l’inégalité salariale entre les hommes et les femmes. Un geste courageux qui, espérons-le, fera bouger les choses pour la nouvelle génération de navigatrices (voir notre article).
Le 13 février 2024, le journal Le Télégramme évoque une suspicion de routage sur le Vendée Globe 2020. Deux jours après, les noms des skippers concernés fusent dans les médias : Clarisse Crémer et son époux Tanguy Le Turquais sont accusés de tricherie. Le média Voiles et Voiliers retrace les éléments d’accusation ainsi que les contestations des deux skippers. Une enquête est ouverte. A partir des premiers éléments disponibles, il est essentiel de comprendre que cette nouvelle affaire soulève au moins trois points à distinguer : le respect des règles dont l’enquête se charge, la remise en question du règlement sur les moyens de communication et le routage, et l’attaque anonyme ciblée. Remis dans le contexte de l’affaire Crémer en 2023, il y a de quoi se poser des questions… Et si tous les skippers du Vendée Globe mettaient à disposition de l’enquête leur téléphone de bord ?
Oui, l’année 2023 aura soulevé un problème existant depuis les débuts de la course au large… il était temps. La course au large est un milieu essentiellement masculin, que ce soit parmi les navigateurs-trices ou dans les équipes à terre (équipes techniques, gestion, communication). Une maternité qui joue en défaveur d’un projet de Vendée Globe, alors que, rappelons-le, en voile olympique les femmes peuvent donner naissance à un enfant et continuer leur carrière professionnelle, tout en étant parfois même plus performantes ensuite.
Prenons l’exemple de Camille Lecointre. Elle termine 4ème en 470 avec Mathilde Géron aux JO de 2012 à Londres. En 2015, elle est médaillée aux championnats du monde en 470 puis remporte le titre mondial en 2016 avec Hélène Defrance. Elle décroche la médaille de bronze avec Hélène Defrance aux JO 2016. En 2017, elle donne naissance à Gabriel, et elle revient d’autant plus motivée et soutenue par son équipe (Voir l’article du Parisien sur le sujet). Elle décroche ensuite de nombreux titres en 2019 : championne d’Europe en 470, médaillée d’argent aux jeux mondiaux militaires et médaillée de bronze au mondial, médaillée d’or à la Coupe du monde de voile. Elle obtient le prix du Marin de l’année en 2019 par la Fédération française de voile. Elle est ensuite médaillée de bronze aux JO de 2020. En 2022, elle est enceinte de son deuxième enfant et prépare les JO de 2024 (Voir l’article de France 3 région).
Charline Picon et Mathilde Géron sont aussi deux autres exemples de navigatrices ayant pu concilier maternité et carrière dans l’olympisme avec des performances remarquables. La course au large montre de nombreuses avancées architecturales, mais contrairement à l’olympisme, elle est à la traîne dans l’acceptation et l’accompagnement de la maternité. Des agressions sexuelles envers des femmes, des inégalités de salaire, des maternités qui font défaut… ça ne vous étonne donc toujours pas que peu de femmes soient dans le milieu ? Oui, la condition des femmes dans la course au large ne fait pas rêver… Paradoxe avec la belle image de ce sport qui fait rêver le public à terre.
Des chiffres qui reflètent un clivage.
La Fédération française de voile a réalisé entre 2004 et 2023 un bilan des licences donnant la répartition homme/femme entre les licences club, les passeports voiles et les licences temporaires. En 2021, 25% des licences club, 42% des passeports voile et 27% des licences temporaires sont féminines, ce qui représente un total de 37% de pratiquantes. Une analyse des licences (toutes licences confondues) par tranche d’âge entre 1989 et 2023 a aussi été menée par la Fédération française de voile. Le graphique ci-dessous retranscrit leurs chiffres. Une augmentation de la part féminine est observée dans toutes les tranches d’âge. Une augmentation majeure de la proportion des femmes au fil des années s’est faite dans les catégories 18-20 and et 21-34 ans.
Les chiffres de la Fédération française de voile permettent de connaître la répartition hommes/femmes des licences de compétition en 2023 selon la tranche d’âge. Le graphique ci-dessous montre que pour les femmes, le pic est entre 19 et 21 ans avant de chuter, alors que la courbe ne cesse d’augmenter avec l’âge pour les hommes.
Dans la course au large, les chiffres sont faibles : 107 femmes ont été au départ de la Mini Transat sur les 1362 navigateurs(trices) depuis 1977 et seulement 12 femmes ont participé au Vendée Globe jusqu’en 2021.
Une séparation qui commence dès la petite enfance…
Historiquement, la voile est un milieu majoritairement dominé par les hommes. Et pourtant, la voile pourrait avoir tous les arguments pour attirer autant les jeunes garçons que les jeunes filles. Cependant, le modèle sociétal prend souvent le dessus et guide les parents et les enfants : le petit garçon doit être fort, alors aller jouer au foot ou se confronter aux éléments marins sont tout à fait « normaux » pour lui. Les parents peuvent pousser le petit garçon à la compétition.
A la petite fille, on lui dit qu’elle doit être sage, qu’elle doit être sérieuse, qu’elle doit réussir à l’école, qu’elle doit pratiquer une activité sportive plus féminine. Alors souvent elle finit à la danse. Mais parfois, par chance, quand la petite fille arrive à s’affirmer, et quand la famille accepte de ne plus se soumettre à un modèle sociétale masculin, elle peut faire le même sport que son frère, au hasard : de la voile. Ce qui est observé pour la voile est inversement observé pour la pratique de la danse par exemple.
Certains enfants ont la chance de pouvoir faire leurs premiers pas sur un voilier dès leurs premiers mois, et même de parcourir les océans. D’autres enfants vont commencer la voile sur les fameux Optimists. Ils vont commencer soit parce qu’ils ont l’opportunité via leurs parents qui les inscrivent dans des clubs de voile, soit par l’école.
Rappelons que la voile reste un sport onéreux, et qu’il n’est pas donné à chaque famille de pouvoir inscrire son enfant dans un club de voile (La pratique sportive en France, reflet du milieu social, Lara Muller). Encore faut-il avoir la mer, un lac ou un fleuve proche de chez soi. L’école a l’avantage que, si la situation géographique le permet (proximité avec un plan d’eau) chaque enfant puisse participer à la classe de voile, peu importe leur contexte familial et sociétal. Jusque là, on peut se dire que si l’enfant est chanceux et si les conditions extérieures (proximité avec un plan d’eau, accessibilité financière ou école, situation familiale…) le permettent, garçon ou fille, il peut faire de la voile. Alors, pourquoi à partir d’un certain âge, les filles ont tendance à disparaître des clubs ?
A partir de l’adolescence, les filles voient leurs corps se modifier, c’est la puberté. Pour elles, ça peut être parfois difficile de l’accepter. Les premières règles arrivent, et il faut aussi arriver à les gérer, même quand on a entraînement. ça peut se passer simplement si une présence féminine accompagne les jeunes filles qui en ont besoin : avoir une combinaison adaptée, arriver à mettre des protections, prendre ses précautions en anticipant, avoir des antispasmodiques. Sans adulte féminine qui puisse accompagner et aider dans cette transition, les adolescentes peuvent avoir la vie difficile et se décourager d’aller à la voile. Certaines adolescentes peuvent avoir cet accompagnement via leur famille (mère, sœur…) mais d’autres non, c’est la loterie de la vie. Alors avoir une femme, une monitrice, une gérante dans un club de voile, ça serait pas mal non ?
Un milieu pouvant apparaître peut accueillant de premier abord.
Mais historiquement, les clubs de voile sont majoritairement masculins. Les chefs de base, les moniteurs… sont majoritairement des hommes. En 2022, 80.1% des professionel(les) de l’encadrement de la voile sont des hommes, selon une étude menée par le Pôle ressources national sports de nature. Plusieurs monitrices en formation ont signalé, dans un club de voile sur la côte Atlantique, ne pas avoir de vestiaire pour femmes. Elles devaient donc se changer dans le vestiaire hommes, soit avant eux (et donc subir le stress de finir de se changer rapidement), soit après eux (et donc attendre), soit en même temps (ce qui pouvait être gênant).
Bref, ce n’est pas être « princesses », mais les monitrices en formation devaient subir ce que les hommes avaient naturellement : un vestiaire pour se changer. Pour une monitrice en formation, ça peut renforcer le caractère comme ça peut décourager, gêner. Selon une ancienne employée d’un club d’été, certains petits clubs, ouverts seulement l’été, ont des vestiaires pour femmes mais ne mettent pas le chauffage ou l’eau chaude parce que « ça ne vaut pas le coup”. Dans un des plus gros clubs d’été de la baie de la Baule qui employait une dizaine de moniteurs, il n’y avait pas du tout de toilettes. “Si on prenait une pause entre deux cours pour aller au poste de secours à 500 m de là, on se faisait engueuler… Un vrai bonheur !” affirme une ancienne employée qui a souhaité rester anonyme.
Alors imaginez la situation dans les clubs de voile où il n’y avait pas de vestiaire pour les stagiaires femmes/filles ? On peut tout à fait comprendre que des petites filles, adolescentes et mêmes femmes ne se sentent pas de se changer dans un vestiaire masculin ou dehors sur le parking devant les yeux des passants.
Comme dit précédemment, les encadrants dans les clubs de voile sont majoritairement des hommes (85.4% parmi les diplômés d’État). Il arrive que certains d’entre eux puissent avoir des réflexions, même sous le ton de l’humour, qui peuvent parfois être déplacées auprès de jeunes filles. Les enfants ont souvent un idéal envers un modèle, homme ou femme, généralement du même sexe qu’eux. Ils s’identifient à ce modèle. Pour les petits garçons, c’est simple de se référer à son moniteur de voile. Pour les petites filles, ça peut être plus intimidant.
Pour les jeunes filles qui vont se lancer dans un parcours sportif, certaines sont exposées à de possibles agressions, allant de la mauvaise plaisanterie en groupe jusqu’au viol par son entraineur. C’est le cas par exemple d’une ancienne championne de dériveur qui explique que son entraîneur “a raconté un jour en plaisantant qu’il n’avait rien eu besoin de faire » pour la motiver avant une régate. « Qu’il m’avait juste ‘retournée et enculée’. J’avais 14 ans.” Humour ? non, cela relève du harcèlement envers une jeune fille de 14 ans.
Les comportements graveleux des hommes dans la voile et dans les entreprises du domaine maritime sont malheureusement trop nombreux. Un article sur ce sujet est en cours de préparation suite à une enquête lancée par SEAtizens. Certains se permettent même des diffusions d’enregistrement de film porno à la VHF sur un canal de course, au Spi Ouest France 2022, évènement rassemblant 2 500 personnes sur l’eau à l’écoute de ce canal. C’est gênant pour tout le monde, et disons franchement : ça ne vend pas du rêve.
La Fédération Française de Voile est consciente du problème. Elle encourage vivement les femmes à parler et dénoncer ces comportements graveleux. Le problème, c’est que le milieu de la voile est un monde très petit. La peur de parler est donc bien présente. La peur d’assumer une position de victime, la peur de l’image qu’on aura auprès des autres (nos collègues, nos coéquipiers), la peur de perdre un sponsor, un travail, et bien d’autres multiples raisons de ne pas parler et d’encaisser injustement.
En juin 2020, Raphaëlle Ugé a tenté de faire bouger les choses en créant un groupe de parole « Balance ta voile » avec une autre victime. Elles n’ont pas été prises au sérieux et le mouvement n’a malheureusement pas pris. Pire encore, par sa parole, elle a perdu des engagements à cause de son militantisme : lors d’un entretien d’embauche, des questions absurdes lui étaient posées, à deux doigts de se demander si elle savait diriger un bateau.
Une tribune a été publiée fin septembre afin de dénoncer les comportements inappropriés, encourager les victimes à témoigner et rappeler des règles de bon sens, comme le fait que les employeurs ont une responsabilité de protection de leurs salarié(e)s. Une première dans le milieu de la voile, et nécessaire. 2118 signatures ont été recueillies. Et pourtant, une athlète qui souhaite rester anonyme s’est fait reprocher d’avoir signé la tribune car la temporalité n’était pas idéale avant les JO de Paris… La peur de témoigner pour les victimes, la peur de signer une pétition pour ceux qui veulent aider.
L’ensemble de ces facteurs découragent beaucoup de jeunes filles à poursuivre un sport qu’elles apprécient pourtant, elles s’écartent ainsi d’un parcours professionnel ou sportif dans le milieu pour se protéger. Cela explique en partie la très faible présence des femmes dans la voile, maintenant une surreprésentation masculine qui a tendance, sans préméditation, à faire perdurer le système, historiquement masculin.
Des langues qui commencent à se délier.
Aujourd’hui, les victimes commencent à parler, et les personnes (skippers, navigants, professionnels du nautisme, ingénieur(e)s, architectes naval…) commencent à se rassembler pour tenter de faire bouger les choses, malgré la pression liée à ce petit environnement. La classe Imoca, qui a mis du temps à remplacer son vice-président Kevin Escoffier, a été confrontée au fait qu’il faille renforcer les règles dans le cas spécifique des agressions sexuelles. La situation générale dans les clubs de voile commence à évoluer dans le bon sens, grâce à des infrastructures plus adaptées, avec une Fédération Française de Voile qui sensibilise les moniteurs et monitrices. Même si la parole commence timidement à se faire entendre, il va falloir du temps pour que de jeunes femme qui se lancent dans la pratique de la voile décident d’en faire leur métier et se forment pour être entraîneuse, architecte navale, ingénieure en bureau d’étude, skipper pro…
Alors, on continue à ne rien dire, à ne rien faire, ou on fait bouger les choses ?
Même si les choses commencent à changer, les chefs de bord sont des hommes, les seconds sont des hommes. Les femmes sont, au mieux, des équipières, ou à la cuisine. Rappelons le cas de Tracy Edwards, qui voulait participer à la Whitbread, course en équipage autour du monde. Cette course n’était réservée qu’aux hommes, et elle a été victime de misogynie. Cette femme a eu le courage et le culot d’embarquer avec 17 hommes à bord de l’Atlantic Privateer en tant que cuisinière afin de pouvoir participer à cette course mythique en 1985 – 1986. Elle a ensuite fondé un équipage féminin et trouvé un bateau pour participer en 1989 – 1990 à la Whitbread.
Maiden était le premier équipage féminin sur la Whitbread. Elles ont du être confrontées à toutes les mauvaises réflexions des médias, des hommes, du public… Jusqu’à ce qu’elles leur clouent le bec en finissant le tour du monde vivantes mais surtout en gagnant l’étape en Australie !
N’oublions pas de citer Florence Arthaud, qui a remporté la Route du Rhum en 1990 à bord de son trimaran Pierre 1er. Ellen MacArthur, quant à elle, a quitté le monde de la course au large après avoir démontré un talent fou : 2ème du Vendée Globe 2000-2001, 1ère de l’EDS Atlantic Challenge sur Kingfisher en 2001, 2ème de la Transat Jacques Vabre en classe Orma sur Foncia en 2001, victoire sur la Route du Rhum en Imoca sur Kingfisher en 2002, première femme à faire le tour du monde en trimaran (B&Q/Castorama) en solitaire en battant au passage le record (71 j 14 h 18 min 33 s) en 2005…
De nombreuses femmes témoignent sur le fait que les équipages sont majoritairement masculins, qu’elles sont acceptées dans un équipage car elles sont plus légères qu’un homme (pour passer la jauge de poids), où parce que l’organisation impose des quotas de femmes. C’est bien d’imposer des quotas, ça fait venir les femmes, ça met un pied dans la porte. Mais que penser lorsqu’on a été sélectionnée parce qu’on est une femme et non pour nos compétences de navigatrice ? De nombreuses femmes témoignent qu’elles n’ont pas été mises à un poste parce que, soit-disant, c’est trop physique pour elles, ou bien que des hommes leur ont arraché la barre ou les écoutes des mains.
Ces mêmes femmes évoquent le syndrome de l’imposteur et le manque de confiance en elles, le fait qu’elles soient moins prises au sérieux qu’un homme. Elles affirment que, étant femmes, même si elles savent naviguer, elles doivent faire leurs preuves pour intégrer un équipage, alors qu’un homme n’a (presque) jamais besoin de faire ses preuves… Ce sentiment que les femmes doivent presque toujours faire plus d’efforts que les hommes pour intégrer un équipage et se faire leur place revient fréquemment dans les témoignages.
Créer des opportunités pour les femmes.
Depuis 13 ans, l’APCC, club de voile basé à Pornichet, organise la Women’s Cup, une régate 100% féminine en J80. L’objectif est de venir avec son équipage de filles, ou bien de venir seule et d’intégrer un équipage, pour découvrir le J80 (habitable de 8m de long se naviguant à 4 ou 5) en régate. Puis ces régates féminines se sont démocratisées. Le groupe de travail au sein de la Fédération Française de Voile chargé de la féminisation de la pratique de la voile a mis en place en 2019 un circuit en J80 100% féminin, le WLS trophy (Women Leading & Sailing).
Les régates ont lieu à différents endroits en France, où les clubs de voiles organisateurs mettent à disposition les bateaux. Plus besoin d’être propriétaire d’un J80 et de dépendre d’un chef de bord masculin, les femmes peuvent maintenant skipper en régate à un prix attractif. Ce circuit a pour objectif de faciliter les rencontres entre les équipages féminins tout en attirant de nouvelles pratiquantes vers la compétition, dans une ambiance bienveillante. L’objectif est que les femmes prennent confiance en elles et puissent ensuite participer à des régates mixtes, en ayant les armes (compétences et confiance) pour s’imposer parmi les hommes.
Dans le but de favoriser la mixité dans la course au large, le Challenge Oceane, sélection 100% féminine pour devenir la future skippeuse d’un Figaro, a été lancé en 2019 et connaît un fort engouement. L’écurie Macif s’en est inspiré en 2023 en lançant la sélection Skipper Macif 2023 100% féminine en Figaro. En 2024, Mer Concept a lancé Up Wind, un projet Ocean Fifty en équipage 100% féminin, avec pour objectif d’accompagner une des navigatrices jusqu’à la Route du Rhum 2026, afin de contribuer à favoriser la mixité dans le milieu de la course au large.
Comme relaté par le média Tip & Shaft dans sa newsletter n°326, le problème est le manque d’opportunités pour les femmes de naviguer, qu’il n’y a pas encore le réflexe de solliciter des femmes, que le plus dur, c’est de rentrer. Amélie Grassi, skippeuse en class40, témoigne qu’à bord ça ne change rien d’être une femme ou un homme : “j’ai peut-être un peu moins de puissance à la manivelle, mais si on gagnait des courses juste sur ce critère, ça se saurait !”. Elodie Bonafous a été invitée par François Gabart pour naviguer à bord de SVR-Lazartigue lors de la Drheam-Cup (course où la présence des femmes n’est pas imposée), elle affirme que « les femmes ne sont pas moins performantes, elles ont juste moins d’opportunités de s’exprimer.”
Il semble néanmoins important de souligner que séparer les hommes et les femmes est aussi une sorte de discrimination, comme le souligne Christine Briand dans son interview avec Voiles et Voiliers : un prix pour le premier équipage féminin, une action à la fois encourageante mais aussi discriminante. Tout comme le carré rouge dans la voile en optimist pour désigner le genre féminin.
« En 2023, on en est à devoir mettre des quotas de femmes dans les courses” témoigne Marie Tabarly dans une interview avec Voiles et Voiliers. C’est le cas pour la transat en double Paprec, The Ocean Race et le Sail GP. Imposer des quotas dans les courses permet de créer les opportunités pour les femmes et de rendre la voile plus inclusive, mais qu’en est-il lorsqu’une femme est sélectionnée pour son genre et non pour ses compétences au détriment d’un profil masculin ?
Fort de tous ces éléments, il semble difficile de trouver un process permettant de créer des opportunités pour favoriser la mixité et rendre la voile plus inclusive sans qu’il ne soit discriminant, à la fois pour les femmes et pour les hommes.
Pour faire bouger les lignes, Alexia Barrier a fondé un équipage 100% féminin en vue de battre le record du Trophée Jules Verne en multicoque, où les opportunités de naviguer en tant que femme sont moindres. Dee Caffari, Marie Riou et Marie Tabarly, Helena Darvelid, Sara Hastreiter, Elodie-Jane Mettraux et Joan Mulloy ont accepté de rejoindre The Famous Project. L’objectif est d’encourager les jeunes filles à suivre leur sillage, leur faire prendre confiance en elles et les inciter à réaliser leurs rêves. Le début du stand-by du Trophée Jules Verne est prévu en Octobre 2025. Souhaitons bon vent et belle mer à nos navigatrices, afin qu’elles battent le record de 40 jours et 23 heures, afin de prouver pour de bon que les femmes peuvent aussi le faire !
Enfin, doivent-elles vraiment le prouver ?